Dans l'Etat de Victoria en Australie, les automobilistes condamnés pour conduite en état d'ivresse doivent souffler dans un éthylotest durant une longue période probatoire pour démarrer leur voiture. L'installation est à leurs frais et les données transmises à la justice.
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Dans la salle du stage de récupération du permis, il y a bien des bouteilles de bière, de vin et de whisky. Mais l’alcool s’est évaporé il y a bien longtemps. Les bouteilles sont vides, posées à coté d’un verre gradué qui indique les limites de consommation autorisées. John Patriki, directeur d’Aussie Drink Drive et animateur du stage, les utilise uniquement pour apprendre aux conducteurs condamnés à évaluer leur alcoolémie.
En Australie comme en France, la limite à ne pas dépasser est fixée à 0.5 grammes d’alcool par litre de sang. «L’alcool, c’est quoi ce truc, quel est son impact sur nous? lance John Patriki à la cantonade - une douzaine de conducteurs condamnés. Vous devez apprendre à boire avec modération, et à ne jamais consommer d’alcool quand vous prenez le volant. C’est ce qui compte, du point de vue de l'Etat".
0.7 grammes = retrait de permis immédiat
Dans le Victoria, si l’éthylotest affiche plus de 0.7 grammes d’alcool par litre de sang, le conducteur contrôlé écope d’une suspension de permis de six mois au minimum. Brett était bien au-delà. Ce transporteur de bétail, âgé de 63 ans, a été arrêté lors d'un contrôle de police au bord de la route, peu avant Noël 2014, après que l'alcootest a révélé qu'il avait trop bu. Il avait 0.85 grammes d'alcool par litre de sang. Brett est alors monté dans le redouté « booze bus » – littéralement, « le bus de la bibine », où la police l'a verbalisé et lancé la procédure qui l'a conduit devant le juge.
«J'ai sous-estimé ma consommation d'alcool. J'ai bu l'équivalent de ce verre-là en trop, dit-il en allant chercher le verre gradué sur la table. Est-ce que je mérite 16 mois de suspension de permis pour ca ? »
L’alcool au volant est l’une des principales causes de mortalité sur les routes. Pour les autorités du Victoria, cette répression est totalement justifiée. D’autant que le nombre de personnes tuées sur les routes de l’état continue d’augmenter. Il y a eu 8 morts de plus en 2015 qu’en 2014. Et sur les 257 victimes de 2015, « 108 sont mortes à cause des comportements à haut risque comme les dépassements de vitesse, et la consommation d’alcool et de drogues », souligne Doug Fryer, le numéro 2 de la police du Victoria.
Un argument que Brett comprend bien, mais le transporteur de bétail estime que les sanctions sont disproportionnées. « Bien sûr que toutes ces mesures sont mises en place pour faire baisser la mortalité sur les routes. Mais avant de faire ces lois, ils devraient réfléchir aux conséquences pour les gens. Je n'ai plus le permis, donc mon volume de travail s'est considérablement réduit ces 16 derniers mois. Et du coup, ca a plombé la relation dans laquelle j'étais."
Brett a purgé sa peine de 16 mois sans permis, et à l’issue de son stage de deux jours sur l’alcool au volant, il pourra de nouveau conduire. Mais l’état du Victoria n’en n’a pas encore fini avec lui. « Ça n’arrête pas, soupire-t-il. Là, je vais devoir installer un éthylotest anti-démarrage dans ma voiture, pendant 12 mois. Et ça va me coûter cher".
L'éthylotest anti-démarrage, une boîte noire dans votre voiture
Le Victoria a introduit l’éthylotest anti-démarrage dès 2001, à l’époque uniquement pour les taux d’alcoolémie les plus graves. L’appareil est directement relié au circuit d’allumage du moteur. Les automobilistes condamnés doivent souffler pour pouvoir démarrer leur voiture.
Rochelle, une jeune femme de 26 ans, a du conduire avec un éthylotest anti-démarrage pendant 8 mois. « C’est vraiment embêtant », confirme-t-elle. Car après le démarrage, elle devait souffler à nouveau, « toutes les 10 à 15 minutes », précise-t-elle, pour prouver qu’elle n’avait pas bu une goutte d’alcool entre temps. Si l’éthylotest avait détecté ne serait-ce qu'une infime trace d’alcool dans son haleine, le moteur se serait bloqué.
C'est ainsi que Rochelle paie une erreur qu'elle a commise il y a cinq ans. À l'époque, reconnaît-elle, elle avait « un comportement autodestructeur ». « Un soir, je suis allée dîner avec des amis, et on a beaucoup bu. J'étais très bourrée, mais j'ai quand même pris le volant, et j'ai fait une sortie de route, j'ai foncé dans la barrière d'un terrain de golfe, raconte-elle, en s’agitant sur son siège. J'ai fait beaucoup de dégâts. La voiture était bonne pour la casse. Et mon premier réflexe a été de m'enfuir en courant".
Traumatisée par l'accident et son procès, Rochelle a refusé de reprendre le volant pendant 5 ans. Désormais devenue créatrice de mode, elle a besoin d'une voiture pour son travail, et purge donc sa peine avec cinq ans de retard.
Coût de l'éthylotest : 23 000 cfp (280 AU$) par mois
L'éthylotest anti-démarrage lui coûte environ 280 dollars australiens par mois (23 000 cfp). Une somme qui comprend l’installation de l'appareil, et la sauvegarde des mesures d'alcoolémie tous les mois, pour le juge, qui décide ensuite, en fonction des résultats, de prolonger ou de mettre fin à la période probatoire.
Sur six mois, Rochelle n’a eu qu’une mesure positive, bien en-deçà des 0.5 grammes d'alcool par litre de sang, au lendemain d’un dîner avec des amis. Le juge l’a donc condamnée à deux mois supplémentaires avec l’éthylotest anti-démarrage. « Ils sont très durs », estime Rochelle.
Malgré ces contraintes, elle soutient le dispositif: « L'alcootest anti-démarrage, c'est super, moi j'aime bien. Quand je suis avec mes amis, bien sûr je n'ai pas le droit de boire une goutte d'alcool, alors j'ai appris à sortir sans avoir besoin de boire et je me sens bien."
L'éthylotest anti-démarrage, une réussite ?
Dans le Victoria, la répression s’accentue pour les automobilistes alcoolisés. Depuis octobre 2014, l'éthylotest anti-démarrage est obligatoire pour les conducteurs qui ont pris la route avec un taux d'alcoolémie de 0.7 grammes. Et depuis janvier 2016, les autorités imposent aux automobilistes condamnés d’installer une caméra dans leur voiture, en plus de l’alcootest anti-démarrage.
D’après les chiffres de la police du Victoria, le nombre de conducteurs contrôlés sur les routes de l’état avec un taux d’alcoolémie supérieur à 0.2 grammes par litre de sang a baissé de 33% entre 2009 et 2014 (de 18 790 à 12 493), signe que les lois draconiennes du Victoria sont efficaces, même si sur ces 5 années, des statistiques manquent, celles de 2011 et 2013, qui ne sont pas communiquées par la police.
En Australie comme en France, la limite à ne pas dépasser est fixée à 0.5 grammes d’alcool par litre de sang. «L’alcool, c’est quoi ce truc, quel est son impact sur nous? lance John Patriki à la cantonade - une douzaine de conducteurs condamnés. Vous devez apprendre à boire avec modération, et à ne jamais consommer d’alcool quand vous prenez le volant. C’est ce qui compte, du point de vue de l'Etat".
0.7 grammes = retrait de permis immédiat
Dans le Victoria, si l’éthylotest affiche plus de 0.7 grammes d’alcool par litre de sang, le conducteur contrôlé écope d’une suspension de permis de six mois au minimum. Brett était bien au-delà. Ce transporteur de bétail, âgé de 63 ans, a été arrêté lors d'un contrôle de police au bord de la route, peu avant Noël 2014, après que l'alcootest a révélé qu'il avait trop bu. Il avait 0.85 grammes d'alcool par litre de sang. Brett est alors monté dans le redouté « booze bus » – littéralement, « le bus de la bibine », où la police l'a verbalisé et lancé la procédure qui l'a conduit devant le juge.
«J'ai sous-estimé ma consommation d'alcool. J'ai bu l'équivalent de ce verre-là en trop, dit-il en allant chercher le verre gradué sur la table. Est-ce que je mérite 16 mois de suspension de permis pour ca ? »
L’alcool au volant est l’une des principales causes de mortalité sur les routes. Pour les autorités du Victoria, cette répression est totalement justifiée. D’autant que le nombre de personnes tuées sur les routes de l’état continue d’augmenter. Il y a eu 8 morts de plus en 2015 qu’en 2014. Et sur les 257 victimes de 2015, « 108 sont mortes à cause des comportements à haut risque comme les dépassements de vitesse, et la consommation d’alcool et de drogues », souligne Doug Fryer, le numéro 2 de la police du Victoria.
Un argument que Brett comprend bien, mais le transporteur de bétail estime que les sanctions sont disproportionnées. « Bien sûr que toutes ces mesures sont mises en place pour faire baisser la mortalité sur les routes. Mais avant de faire ces lois, ils devraient réfléchir aux conséquences pour les gens. Je n'ai plus le permis, donc mon volume de travail s'est considérablement réduit ces 16 derniers mois. Et du coup, ca a plombé la relation dans laquelle j'étais."
Brett a purgé sa peine de 16 mois sans permis, et à l’issue de son stage de deux jours sur l’alcool au volant, il pourra de nouveau conduire. Mais l’état du Victoria n’en n’a pas encore fini avec lui. « Ça n’arrête pas, soupire-t-il. Là, je vais devoir installer un éthylotest anti-démarrage dans ma voiture, pendant 12 mois. Et ça va me coûter cher".
L'éthylotest anti-démarrage, une boîte noire dans votre voiture
Le Victoria a introduit l’éthylotest anti-démarrage dès 2001, à l’époque uniquement pour les taux d’alcoolémie les plus graves. L’appareil est directement relié au circuit d’allumage du moteur. Les automobilistes condamnés doivent souffler pour pouvoir démarrer leur voiture.
Rochelle, une jeune femme de 26 ans, a du conduire avec un éthylotest anti-démarrage pendant 8 mois. « C’est vraiment embêtant », confirme-t-elle. Car après le démarrage, elle devait souffler à nouveau, « toutes les 10 à 15 minutes », précise-t-elle, pour prouver qu’elle n’avait pas bu une goutte d’alcool entre temps. Si l’éthylotest avait détecté ne serait-ce qu'une infime trace d’alcool dans son haleine, le moteur se serait bloqué.
C'est ainsi que Rochelle paie une erreur qu'elle a commise il y a cinq ans. À l'époque, reconnaît-elle, elle avait « un comportement autodestructeur ». « Un soir, je suis allée dîner avec des amis, et on a beaucoup bu. J'étais très bourrée, mais j'ai quand même pris le volant, et j'ai fait une sortie de route, j'ai foncé dans la barrière d'un terrain de golfe, raconte-elle, en s’agitant sur son siège. J'ai fait beaucoup de dégâts. La voiture était bonne pour la casse. Et mon premier réflexe a été de m'enfuir en courant".
Traumatisée par l'accident et son procès, Rochelle a refusé de reprendre le volant pendant 5 ans. Désormais devenue créatrice de mode, elle a besoin d'une voiture pour son travail, et purge donc sa peine avec cinq ans de retard.
Coût de l'éthylotest : 23 000 cfp (280 AU$) par mois
L'éthylotest anti-démarrage lui coûte environ 280 dollars australiens par mois (23 000 cfp). Une somme qui comprend l’installation de l'appareil, et la sauvegarde des mesures d'alcoolémie tous les mois, pour le juge, qui décide ensuite, en fonction des résultats, de prolonger ou de mettre fin à la période probatoire.
Sur six mois, Rochelle n’a eu qu’une mesure positive, bien en-deçà des 0.5 grammes d'alcool par litre de sang, au lendemain d’un dîner avec des amis. Le juge l’a donc condamnée à deux mois supplémentaires avec l’éthylotest anti-démarrage. « Ils sont très durs », estime Rochelle.
Malgré ces contraintes, elle soutient le dispositif: « L'alcootest anti-démarrage, c'est super, moi j'aime bien. Quand je suis avec mes amis, bien sûr je n'ai pas le droit de boire une goutte d'alcool, alors j'ai appris à sortir sans avoir besoin de boire et je me sens bien."
L'éthylotest anti-démarrage, une réussite ?
Dans le Victoria, la répression s’accentue pour les automobilistes alcoolisés. Depuis octobre 2014, l'éthylotest anti-démarrage est obligatoire pour les conducteurs qui ont pris la route avec un taux d'alcoolémie de 0.7 grammes. Et depuis janvier 2016, les autorités imposent aux automobilistes condamnés d’installer une caméra dans leur voiture, en plus de l’alcootest anti-démarrage.
D’après les chiffres de la police du Victoria, le nombre de conducteurs contrôlés sur les routes de l’état avec un taux d’alcoolémie supérieur à 0.2 grammes par litre de sang a baissé de 33% entre 2009 et 2014 (de 18 790 à 12 493), signe que les lois draconiennes du Victoria sont efficaces, même si sur ces 5 années, des statistiques manquent, celles de 2011 et 2013, qui ne sont pas communiquées par la police.
NDLR : la rédaction de cet article remonte à février 2016, certaines informations qu'il contient ont pu évoluer depuis lors.