Ua Pou : le tourisme entravé

Île photogénique, Ua Pou attire beaucoup les visiteurs. Mais les transports aériens et maritimes erratiques découragent parfois les touristes et ne facilitent pas la vie de ceux qui ont investi dans le tourisme. Illustration, à travers le cas d’une des 4 pensions de famille de l’île.
Sur le site TripAdvisor, une note de 4,5 sur 5 et la mention "excellent". La pension Puke’e, qui surplombe le port de Hakahau, et offre un joli panorama sur les célèbres pics de Ua Pou, reccueille de nombreux compliments : "Bain de culture marquisienne, inoubliable, le top, vue superbe, cuisine délicieuse".

Et, pourtant pour Elisa et Jérôme, un couple franco-marquisien au verbe haut, la gestion de leur pension de famille est tout sauf un fleuve tranquille ! Ils ont beaucoup investi financièrement, mais avant même la crise de la Covid-19, leurs activités avaient été très régulièrement perturbées par les annulations de vol.
 

Un aérodrome et des dessertes compliqués 


Avec sa piste en pente raide, qui nécessite de la part des pilotes une qualification "pose-montagne", l'aérodrome de Ua Pou est parfois fermé pour raisons météorologiques, mais c’est finalement assez rare. Les deux twin-otter, qui le desservent  en provenance de Hiva Oa ou de Nuku Hiva ont presque 40 ans, et les suppressions de vols pour "raisons techniques" masquent souvent des soucis logistiques ou organisationnels.

A la décharge de Air Tahiti, ces liaisons, déficitaires depuis des années, ne sont compensées par le gouvernement que depuis le mois de juillet dernier, et encore ce "contrat" ne court pas au-delà du mois de décembre 2020. Résultat, avec trois interruptions totales des vols de deux semaines, et une autre de presque un mois, les 2600 habitants de l’île ont été soumis à des "stop and go" irritants ces deux dernières années. Sur le plan touristique, l’adhésion récente de Air Tahiti au programme mondial Amadeus, entraîne aussi des annulations automatiques en cascade sur les sites des agences de voyage, lors des trop fréquentes suppressions ou modifications de vols de la part de la compagnie locale.
 

Le flou du transport maritime


Depuis des évacuations sanitaires tragiques, qui ont défrayé la chronique, tout le monde sait que la desserte maritime entre Ua Pou et Nuku-Hiva est assurée par des bateaux de pêche, dans des conditions de mer et de confort souvent très aléatoires.

Si les résidents de Ua Pou et les visiteurs venus de Tahiti, par exemple, les utilisent sans trop de réticences, les agences de voyages ne peuvent inclure ce type de transport dans leurs prestations et annulent systématiquement les séjours touristiques en l‘ absence d’avion. Ou au moins d’un bateau officiel de transport, comme il en existe un dans les îles Marquises du sud, mais pas dans le nord.


Le type de clientèle de la pension a beaucoup évolué 


Jusqu’à ces problèmes récurrents de transports, la clientèle de la pension Puke’e était constituée à 60% de visiteurs étrangers ou métropolitains, venus par l’intermédiaire de tours-opérators. Ces visiteurs là ont presque disparu des radars, et c’était déjà largement le cas avant la crise covid. Désormais 70% de la clientèle est "locale", mais ces fonctionnaires ou enseignants ont tendance à tous partir en même temps, lors des vacances scolaires seulement.

En revanche, bonne nouvelle pour les pensions de famille, les professionnels envoyés en mission dans les îles, soit par les ministères, soit par des grandes entreprises comme EDT par exemple, semblent désormais incités à séjourner dans les pensions.
 

Comment survivre à la crise sanitaire ?


Après avoir investi 15 millions de Fcfp dans une extension de la pension, Jérôme et Elisa font face à des traites d’environ 500 000 Fcfp à rembourser tous les mois. Comme d’autres professionnels du tourisme, ils soulignent la souplesse des différents organismes de crédits, qui ont parfaitement joué le jeu en repoussant volontiers les échéances. A Ua Pou, comme dans beaucoup d’autres îles de Polynésie, les vacances scolaires de juillet-août ont permis aux pensions de faire le plein.

Selon Jérôme, les nouveaux packages "séjours-randonnées" qu’il propose, semblent très prometteurs. Côté restauration, la crainte du virus a entraîné une désaffection pour le restaurant de la part de la clientèle d’habitués de Ua Pou. Il a donc fallu s’adapter rapidement, et une roulotte, installée près du port, a permis d’écouler des plats à emporter, ce qui a fortement contribué à l’équilibre financier de l’entreprise.

Le plus dur semble passé, leurs revenus actuels ne les rendent plus éligibles aux aides du Pays et de l'Etat français, et ils ont dû piocher dans un budget vacances, qu’ils prendront peut-être un jour ! Mais, comme de très nombreux professionnels du tourisme, leur visibilité ne va pas au-delà du mois de décembre prochain.