Le ministre de la Culture, Heremoana Maamaatuaiahutapu, a participé à l’ouverture de l’exposition "Maro ‘ura : un trésor polynésien" au musée du quai Branly – Jacques Chirac, lundi 18 octobre, à Paris. Réalisée en co-commissariat avec le Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha, cette exposition a pour ambition de mettre en lumière l’histoire de cette œuvre unique, en particulier son importance religieuse et politique, tout en révélant le faisceau d’indices matériels et historiques qui ont permis son identification par des spécialistes. Outre le fragment du maro’ura, elle présente également des pièces liées au sacré tels que des to’o, des ornements en plumes, mais aussi des pièces contemporaines issues des collections du Musée de Tahiti et des Îles.
Suite à l’identification en 2016 par l’anthropologue Guillaume Alévêque de ce fragment de maro ‘ura, le musée du quai Branly – Jacques Chirac a acté le dépôt de cette pièce au Musée de Tahiti et des Îles, à la réouverture de la salle d’exposition permanente en 2022. Aussi à l’issue de cette exposition, le fragment de maro ‘ura sera déposé au Musée de Tahiti et des Îles pour une durée de 5 ans, renouvelable.
En marge de la cérémonie d’ouverture, une convention de prêt a également été signée. Cette convention encadre le prêt par le musée du Quai Branly Jacques Chirac des 3 œuvres pour la période 2022-2024. Il s’agit d’une coiffe taavaha et aigrette des îles Marquises, d’un penu (pilon), de l’archipel de la Société et d’un to’o mata (aide-mémoire) des îles Marquises. D’autres prêts seront organisés en rotation pour 2024-2026. A ces prêts du musée parisien, s’ajouteront ceux du British Museum et du Musée de Cambridge. Une vingtaine de pièces seront ainsi présentes pour l’ouverture de la nouvelle salle d’exposition permanente du Musée de Tahiti, attendue pour fin septembre 2022.
L’ouverture de cette exposition très émouvante pour la délégation polynésienne présente a également été l’occasion pour le ministre de la Culture et pour Emmanuel Kasharérou, président du Musée du Quai Branly Jacques Chirac, de rappeler les liens scientifiques, mais également d’amitié, qui unissent les deux institutions.
Questions à Guillaume Alevêque, Stéphanie Leclerc-Caffarel, co-commissaires de l’exposition, et Miriama Bono, directrice du Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha
Par qui de telles ceintures, maro 'ura, étaient-elles portées et dans quel contexte ?
Les maro 'ura étaient détenus par les ari‘i rahi, les plus grands chefs des îles de la Société. Ces objets étaient très rares et n’étaient portés que lors d’importantes cérémonies telles que leur investiture.
Quels indices révèle l’analyse des matériaux qui composent cet objet ?
Les matériaux utilisés correspondent à ceux décrits dans les sources historiques pour les maro 'ura, comme le type d’étoffe, fait d’écorce de banian battue. Les techniques d’attache des plumes sont caractéristiques des objets de très grand prestige aux îles de la Société. Enfin, la présence de tissu de laine rouge fait penser à un maro 'ura au sein duquel un drapeau rouge de la marine anglaise avait été intégré vers 1767. Mais cet objet, très complexe, soulève encore beaucoup d’interrogations
En quoi la redécouverte de ce fragment présumé de maro 'ura est-elle exceptionnelle ?
Les maro 'ura étaient des trésors associés aux grandes chefferies des îles de la Société. Les milliers de plumes colorées qui les composaient avaient une valeur inestimable. Mais ils étaient également d’éminents objets de pouvoir. En rapprochant rituellement, visuellement et spirituellement celui qui les portait des dieux, ils faisaient de lui un être exceptionnel et soulignaient son pouvoir politique et religieux sans commune mesure avec celui des autres hommes. On perd la trace des maro 'ura au début du XIXe siècle, certains sont offerts aux missionnaires au moment de la conversion des îles au christianisme, puis tous disparaissent. À Tahiti, de nos jours, la conviction que le passé doit être redécouvert, revalorisé et que la mémoire des temps anciens a quelque chose de fondamental à apporter à la société contemporaine est largement partagée. Les institutions culturelles locales, des associations, des artistes, travaillent depuis plusieurs décennies à renouer avec cet héritage que la christianisation et la colonisation ont considérablement obscurci et stigmatisé. Un fragment de maro 'ura a une valeur historique et patrimoniale majeure. C’est aussi un symbole que ce qui a été perdu peut être retrouvé. Dans nos recherches, une responsabilité nous incombe de mettre en évidence aussi bien ce que l’on sait, ce que l’on pense et ce sur quoi on a des doutes. Car si les indices sont convergents, l’identification de ce fragment n’est pas encore certaine
Dates de l'expo au quai Branly
Du mardi 19 octobre 2021 au dimanche 09 janvier 2022