[PORTRAIT] Maea Peckett : "les femmes ont des droits et elles le font savoir"

Maea Peckett, brigadière chef à l'unité d'atteinte aux personnes. DTPN Papeete.
Elle est une femme à l'écoute des autres. Depuis 20 ans, Maea Peckett, brigadier chef dans la police nationale à Papeete, recueille les témoignages des victimes de violences conjugales (85% sont des femmes). Depuis deux décennies, elle est le témoin des pires maux de notre société. Pourtant, Maea reste optimiste car elle voit le chemin parcouru.

"C'est ma fille, c'est moi qui l'ai mise au monde, c'est grâce à moi qu'elle existe et c'est normal que je passe le premier." Ce discours, c'est celui d'un père au sujet de sa fille mineure qu'il viole allégrement et sans la moindre notion de culpabilité. Il révèle tout juste l'ampleur des violences conjugales et sexuelles en Polynésie. 

Ce type de propos insoutenables, Maea Peckett en recueille et en analyse depuis plus de 20 ans à la brigade d'atteinte aux personnes de la police de Papeete. "Lorsque l'on entend ça, on ne peut pas ne pas être investie à 100% dans notre travail".

Le plus dur ? Incontestablement, les témoignages d'enfants

"Papa à fait pipi dans ma bouche. Papa embrasse mes fesses"... Ces quelques exemples en disent long sur l'état de santé mental de certains adultes. Il y a les cas psychiatriques, il y a aussi l'alcool, la drogue, l'histoire personnelle... "La grande majorité des auteurs ont été eux-mêmes abusés et violentés dans leur enfance. Pour eux, c'est une forme de normalité. Ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient répondre de leurs actes car de leur temps, le sujet était tabou, la parole était emprisonnée dans la souffrance. C'est aussi notre travail d'essayer de leur faire comprendre, à eux, mais aussi aux jeunes victimes, que non, ce n'est pas normal et qu'ils seront punis (et suivis) pour les uns, accompagnés pour les autres." 

La libération de la parole

Femme et maman, Maea reconnaît que ce statut au sein de la police est un atout. Certaines femmes et les enfants de manière générale se confient plus naturellement. En Polynésie, 85% des victimes de violences conjugales sont des femmes. Mais la brigadière chef souligne l'évolution positive : le chiffre ne traduit pas forçément une hausse des violences, mais plutôt une hausse du nombre de plaintes. "Les femmes osent désormais parler, demander de l'aide, et revendiquer leurs droits".

"Après un long travail, il avait compris l'origine de sa violence et avait décidé de stopper tout ce qui pouvait la réveiller : mauvaises fréquentations, usage de stupéfiants... Leur couple avait pu renaître".

Maea Peckett - brigadier chef

D'ailleurs, Maea constate qu'une forme de violence féminine tend à faire son apparation. "Pour ne plus subir, certaines femmes décident elles aussi de passer à l'acte". Maea est à l'écoute. Elle se sent utile dans son travail. Et dans ce flot de maux, des victoires : la violence n'est pas une fatalité. Certains auteurs parviennent même, parce qu'ils l'ont décidé et ont été pris en charge, à sortir de ce cercle vicieux. "Il m'est arrivé de croiser un couple en dehors du travail, qui est venu me voir pour me remercier. La femme avait porté plainte pour des violences répétées, son mari avait accepté de se faire aider. Après un long travail, il avait compris l'origine de sa violence et décidé de stopper tout ce qui pouvait la réveiller : mauvaises fréquentations, usage de stupéfiants... Leur couple avait pu renaître". 

La rapidité d'intervention, la prise en charge psychologique, et l'appel à la parole des femmes marquent un tournant dans la lutte contre ces fléaux. Un appel retentissant pour que les femmes continuent à briser le silence et à revendiquer leurs droits.