1ère séance administrative à l'Assemblée : le discours d'Edouard Fritch

L'intégralité du discours d'Edouard Fritch

Allocution de M. Edouard FRITCH
 
Ouverture de la session administrative
de l’assemblée de la Polynésie française
Jeudi 10 avril 2014
 
Monsieur le Haut-commissaire de la République,
Monsieur le Président de la Polynésie française,
Monsieur le vice-président,
Mesdames et messieurs les ministres,
Monsieur le sénateur,
Monsieur le président du conseil économique, social et culturel,
Monsieur le conseiller économique, social et environnemental,
Mesdames et messieurs les maires,
Chers collègues
….
 
Nous sommes réunis aujourd’hui pour l’ouverture de la session administrative qui marque également l’ouverture de la deuxième année de notre mandature.
 
Cette rentrée parlementaire coïncide également avec l’entrée des 48 maires de Polynésie française pour une nouvelle mandature de 6 années. Par courtoisie républicaine, le président Flosse et moi-même avons pensé qu’il était opportun d’inviter également tous nos maires pour marquer d’une solennité particulière, lors de cette ouverture de la session administrative, le rassemblement des trois piliers de nos institutions, l’Etat, les communes et le Pays.
 
Notre démocratie tient sur ses pieds grâce à ces trois partenaires majeurs dont les compétences se complètent et assurent le développement économique, social, culturel et environnemental de la Polynésie française.
 
Aussi, je voudrais au nom de cette institution saluer et féliciter tous nos maires qui ont été récemment élus. Je voudrais particulièrement remercier ceux qui ont pu se joindre à nous pour cette séance. Il est utile de souligner que 8 maires sont également des Représentants et 2 maires sont ministres du gouvernement. Mauruuru maitai te mau tavana tei amui mai i teie poipoi i roto i teie rururaa hanahana o te Apooraa rahi.
 
Cette première année a été marquée par l’installation du nouveau gouvernement, issu des urnes du 5 mai 2013, qui nous a rapidement sollicités, notamment pour les textes indispensables au redressement des finances du Pays et à la nécessaire solidarité dont nous devons faire preuve à l’égard de tous nos compatriotes frappés par les effets de la dégradation économique.
 
Les 57 Représentants ont apporté leur pierre à l’effort financier en abaissant leurs indemnités de 10 %.
 
Mais c’est sur la population, dans son ensemble qu’a pesé l’essentiel de l’effort en faveur des démunis, ceux qui ont perdu leu remploi, leur revenu, par l’augmentation de la CST pour financer le Tauturu Utuafare et le Contrat d’Accès à l’Emploi.
 
 
Cette solidarité demandée à chacun, tant au niveau du redressement des finances publiques qu’à l’égard des plus démunis, a été diversement appréciée par certains groupes économiques ou par certains partis politiques.
 
On ne peut bien sûr que regretter le caractère dilatoire du recours déposé par l’UPLD pour retarder la mise en place du CAE. Un recours qui s’est soldé par un échec pour ses initiateurs mais qui a bien entendu été pesant pour toutes les familles qui attendaient beaucoup de ce dispositif pour retrouver le chemin de la dignité.
 
Ce retard fut doublement handicapant : d’abord pour les recettes collectées par la C.P.S, pour lui permettre de faire face à la croissance des dépenses sociales ; pour l’économie elle-même dans son ensemble, dans la mesure où ce fut autant d’argent qui n’a pas été immédiatement mis en circulation pour soutenir la consommation intérieure et le pouvoir d’achat des consommateurs.
 
Je souhaite particulièrement souligner l’effort de transparence du gouvernement dans la gestion de ces contrats avec la publication mensuelle du nombre de dossiers traités et d’attributaires.
 
Plusieurs autres recours sont toujours pendants devant la juridiction administrative concernant la loi modifiant le code des impôts adoptée par notre assemblée le 11 juillet dernier. Des recours qui sont toujours au stade de l’instruction depuis 8 mois, ce qui fait donc peser un caractère d’incertitude sur certaines recettes fiscales du Pays.
 
Deux autres recours, que je qualifierai de médiatiques, sont aujourd’hui soldés. Il s’agit du recours contre le texte instaurant le médiateur de la Polynésie française qui est aujourd’hui globalement validé, et l’autre contre la loi du pays instaurant le Haut-conseil qui a été annulé par le Conseil d’Etat. Sur ce dernier point, nous avons récemment adopté une délibération qui veut tenir compte des critiques de la haute juridiction.
 
Au-delà des textes dont je viens de faire mention, notre assemblée a été particulièrement active au cours de ces derniers mois. Depuis le début de la mandature, nous avons en effet tenu 22 séances en plénière, dont 6 en sessions extraordinaires, et 4 séances de la commission permanente.
 
Au total, nous avons adopté 148 textes, dont 14 lois du pays.
 
Mais notre production législative doit également tenir compte des travaux qui s’effectuent au sein des commissions législatives qui se sont réunies 50 fois, et 30 fois pour la CCBF. Tout ceci, sans compter les nombreux conseils d’administration dans lesquels siègent nos représentants.  
 
 
Donc, nous n’avons pas chômé, et ce malgré les échéances communales qui ont ralenti le rythme de nos travaux.
 
Toutefois, les attentes restent grandes au sein de la population qui peut parfois montrer une certaine impatience à la mise en œuvre de certains aspects du programme électoral de notre majorité.
 
Mais contrairement à ce que certains esprits malintentionnés voudraient faire croire, nous avons toujours dit, au niveau de notre majorité, pendant et après la campagne, comme au niveau du gouvernement, que la situation ne pourrait pas être redressée du jour au lendemain tant elle était dégradée.
 
Nous avons toujours dit que les premiers effets réellement positifs de la politique du gouvernement ne se produiraient pas avant le dernier trimestre de cette année.
 
Alors, certes, l’impatience ne doit pas être ignorée. Nous avons bien constaté que certains textes dont il a beaucoup été question dans la presse, je pense par exemple aux mesures de relance ou encore à la loi sur la concurrence, ne sont pas encore arrivés sur le bureau de notre assemblée.
 
Je sais que ces textes sont en voie de finalisation, et vous en parlerez dans votre discours, Monsieur le Président.
 
Pour ce qui me concerne, je préfère que l’on prenne le temps d’une large concertation, notamment avec les professionnels visés par les règlementations à venir, plutôt que d’être réduit à  prendre en urgence des mesures qui seront contestées.
 
Le temps qui coure n’est pas nécessairement du temps perdu.
 
Mais si certains de nos compatriotes pensent que nous n’allons pas assez vite, d’autres pensent que nous allons trop vite.
 
Il me semble indispensable en toute chose de faire œuvre de communication et de pédagogie.
 
Je pense notamment aux projets de développement qui impliquent des investisseurs étrangers, et plus particulièrement chinois. La campagne pour les élections municipales a permis à certaines formations d’exploiter certaines angoisses supposées, mais surtout de dire de nombreuses contre-vérités sur les projets en cours, pour dénigrer des adversaires politiques. En somme, ces détracteurs ont joué leurs intérêts propres avant l’intérêt supérieur même du Pays.
 
Au niveau de la majorité, nous soutenons bien entendu les projets du gouvernement et les investissements qui y sont liés. Mais, et j’ai eu l’occasion d’échanger avec vous sur ce point, Monsieur le Président, nous devons mieux expliquer ces projets, aller plus dans le détail, afin de répondre à toutes les interrogations légitimes qui peuvent se poser au sein de la population, mais aussi auprès des élus.
 
Les Polynésiens ont bien compris que ces projets d’investissements, même s’ils étaient financés par des étrangers resteraient chez nous et qu’ils sont porteurs d’emploi et d’avenir. Ils ont bien compris aussi que le gouvernement, à commencer par le Président, avait négocié avec ces investisseurs de manière à protéger l’emploi et les intérêts de notre population.
 
Je suis certain que nos compatriotes seront définitivement convaincus de la pertinence de ces projets s’ils en connaissent parfaitement les tenants et les aboutissants.
 
Au titre des projets en cours, permettez-moi de saisir l’occasion de la présence de certains maires dans notre hémicycle aujourd’hui pour vous redire, Monsieur le président, comme je vous l’ai déjà indiqué lors de mon discours d’investiture à la mairie de Pirae, qu’il m’apparaît important que le gouvernement se saisisse de la réforme de notre fiscalité pour faire aboutir simultanément le chantier de la fiscalité communale.
 
Il me semble important que nous avancions sur la question fondamentale du financement des communes qui aujourd’hui est trop dépendant des aléas du Fond Intercommunal de Péréquation. Une fiscalité communale bien conçue répond en partie à cette problématique et doit se conjuguer avec des efforts provenant de l’Etat, tutelle des communes.
 
***
 
Sur un plan plus institutionnel et concernant nos relations que nous pouvons entretenir avec nos partenaires extérieurs à la Polynésie française, je crois fermement à l’ouverture de notre pays sur le monde, tant pour prospérer économiquement que pour nous enrichir des apports des autres.
 
Dans le cadre de notre autonomie, nous avons la possibilité de lier des accords avec des pays étrangers, mais nous nous devons aussi de renforcer nos liens avec nos voisins français du Pacifique.
 
C’est en ce sens que j’ai souhaité poursuivre un travail engagé par mes prédécesseurs pour le concrétiser et nouer des liens institutionnels et de coopération avec le Congrès de Nouvelle-Calédonie.
 
Nos deux assemblées ont approuvé les termes de la convention qui nous lie, et le secrétaire général du Congrès, M. Vidjaya Tirou, vient d’effectuer une mission d’information auprès des services de notre administration dont il a tiré beaucoup d’enseignements positifs.
 
J’ai le plaisir également de vous annoncer que le président de l’assemblée territoriale de Wallis et Futuna m’a fait part de sa volonté d’être associé à cet accord de coopération mutuelle.
 
A la suite des élections territoriales prochaines en Nouvelle Calédonie, avec mon confrère de Wallis et Futuna, nous nous rendrons en Nouvelle Calédonie pour signer tous ensemble la convention dont nous avons approuvé les termes et autorisé la signature en début d’année.
 
Sur le plan institutionnel, encore, je souhaite également faire état du travail extrêmement productif entrepris avec l’Assemblée nationale qui est monté en puissance, avec notamment l’accueil du premier vice-président de notre assemblée, puis de deux de nos présidentes de commission. Je souhaite que d’autres élus puissent également bénéficier dans les prochains mois de l’expérience du travail législatif au niveau national, mais aussi et surtout intensifier les échanges au niveau de notre administration afin, là encore, de bénéficier de l’expertise nationale.
 
Sur le même plan, nous envisageons également, à l’image de ce que vient de faire le Congrès de Nouvelle-Calédonie, de passer une convention du même type avec le Sénat.
 
Au niveau régional, je regrette que pour des questions purement budgétaires nous ne puissions renouveler pour cette année l’initiative de réunir la Conférence des présidents des parlements polynésiens qui avait donné naissance au groupe des parlementaires polynésiens.
 
Je reste persuadé, là aussi, qu’une meilleure communication avec nos voisins du Pacifique, une présence plus active et participative dans les instances régionales, permettrait de mettre un terme à certaines idées reçues, à certaines manipulations, qui ont conduit quelques-uns de nos voisins à soutenir l’accélération de la démarche d’accession de notre Pays à l’indépendance.
 
Pour clore ce chapitre sur la coopération, permettez-moi également d’exprimer toutes mes réserves sur la nouvelle décision d’association avec l’Union européenne qui est entrée en vigueur au 1er janvier dernier et qui concerne la période 2014-2020.
 
A mon sens, et malgré les travaux engagés dès le début des années 2000 par les pays et territoires d’outre-mer, cette décision d’association est toujours insatisfaisante.
 
Bien que nous soyons une collectivité française au sein de la République, nous ne bénéficions pas, de la part de l’Union européenne, de la même solidarité que les départements d’outre-mer, le rapport des transferts financiers étant de 1, pour ce qui nous concerne, à 50, pour les départements.
 
Et il est certain que les élections européennes qui se dérouleront fin mai nous laissent peu d’espoir de faire entendre directement la voix de la Polynésie française à Bruxelles.
 
Mes chers collègues, pour revenir plus directement aux travaux de notre assemblée, je souhaite vous faire part de mon intention de vous proposer une modification de notre règlement intérieur.
 
Cette modification, qui tient compte des enseignements que nous avons pu tirer de nos échanges avec l’Assemblée nationale, s’inscrit dans une logique de modernisation et de clarification de notre travail parlementaire.
 
Je ne rentrerai pas dans le détail des propositions qui doivent faire au préalable l’objet d’un débat au sein du bureau, puis de la commission législative.
 
Mon ambition est que nous puissions notamment renforcer la fonction de contrôle de notre institution par la mise en place de missions d’information et d’évaluation sur les politiques publiques. Certes, notre assemblée vote des textes, mais elle doit aussi pouvoir en mesurer la portée réelle, notamment pour ce qui concerne le bénéfice attendu par la population.
 
Je souhaite par ailleurs que les règles de fonctionnement de nos travaux puissent faire l’objet d’une rationalisation, que ce soit au niveau du temps de parole ou dans la gestion des amendements.
 
Globalement, mon objectif est de rendre nos travaux plus efficaces et plus professionnels encore.
 
Enfin, j’aurais à vous proposer un texte, qui a déjà commencé à être débattu au niveau du bureau, pour favoriser, par des stages de longue durée, l’insertion des jeunes diplômés dans la sphère administrative, en partenariat avec nos établissements d’enseignement supérieur.
 
On a beaucoup parlé de l’océanisation des cadres, mais il faut bien constater que nous n’avons guère avancé dans le domaine de la détection des jeunes talents ni de leur immersion en situation professionnelle.
 
Avant de clore cette allocution, cette année sera marquée par la célébration des trente ans du statut d’autonomie de la Polynésie française. Certains d’entre vous critiquent ce statut d’autonomie qu’ils ont pourtant pratiqué.
 
Je souhaite pour ma part que cette célébration soit mise à profit pour que, notamment au travers d’un cycle de conférences avec des intervenants extérieurs, nous puissions collectivement faire le bilan des points forts et des points faibles de notre statut, mettre en lumière tous les outils que nous n’avons pas encore mis en œuvre, pas utilisé ou mal utilisé.
 
L’évaluation de la loi est une pratique en vigueur au niveau national qui doit également être mise en œuvre pour les textes qui nous concernent directement. C’est pourquoi je souhaite vous informer que j’ai officiellement saisi le président de l’Assemblée nationale et le président de la commission des lois afin qu’une mission parlementaire d’évaluation de notre loi statutaire soit rapidement mise sur pieds.
 
Cette mission serait le prélude à un réajustement technique de notre statut d’autonomie.
 
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, la session qui s’ouvre sera riche en évènements.
 
En évènements institutionnels, certes, mais avant tout et surtout en évènements législatifs, puisque nous aurons à étudier les textes que le gouvernement s’apprête à nous transmettre pour parachever la modernisation de nos structures publiques et le redressement économique du pays.
 
C’est ce qui importe le plus à nos concitoyens et c’est notre devoir collectif que de répondre à leurs attentes.
 
Je vous remercie.