L’affaire dite JPK refait surface 24 ans après…5 personnes mises en examen, dont l’ex-épouse, Miri Tatarata, et l’ami d’alors, Francis Stein, soupçonnés de meurtre. Se disant « accablé » par les procédures judiciaires, Stein dépose deux plaintes à son tour.
Suspecté dans l’affaire JPK, Francis Stein se dit aujourd’hui à la fois accablé et combatif. Pour la première fois, il s’exprime publiquement sur sa mise en cause dans cette affaire.
En juin 2019, il est mis en examen pour meurtre avec l’ex-femme du journaliste mystérieusement disparu. Aujourd’hui, il contre-attaque en justice. « Je suis soupçonné d’enlèvement, de séquestration, de n’avoir pas relâché un individu, ayant entraîné sa mort en bande organisée…voilà ce que je dois supporter depuis toutes ces années. J’avais 36 ans à l’époque et je vais en avoir 60 la semaine prochaine…J’ai été accablé de plusieurs dénonciations que je considère, après relecture des éléments auxquels j’ai enfin pu accéder fin 2019, comme des incohérences dans les dénonciations de la partie civile. »
« Une bagarre entre hommes musclés »
Dans la nuit du 15 au 16 décembre 1997, le journaliste des Nouvelles de Tahiti, Jean-Pascal Couraud, alias JPK, disparaît mystérieusement. Sa femme d’alors, Miri Tatarata, inquiète, téléphone à Francis Stein, ami du couple, aux alentours d’1h du matin, lui faisant part de cette disparition et d’un crâne retrouvé sur l’oreiller conjugal. Francis Stein se rend à leur domicile, rejoint peu de temps après par la mère et le beau-père du journaliste. Après quelques recherches autour de la maison, il est décidé de prévenir les gendarmes au petit jour et Francis Stein rentre chez lui aux alentours de 2h du matin.
Depuis ce jour, il a connu deux garde-à-vue (en 2007 et en 2019), trois perquisitions de son domicile et six juges d’instruction.
En juin 2019, il est mis en examen pour meurtre avec Miri Tatarata, avec qui il entretenait une relation extra-conjugale à l’époque. La portière avant-droit de son véhicule d’alors (côté passager), « endommagée », inquiète la justice qui soupçonne « une bagarre entre hommes musclés », pour reprendre les termes du beau-père de JPK face aux gendarmes, en août 2000.
Mais aujourd’hui, Francis Stein dément fermement ces accusations. Il assure ne pas s’être rendu au domicile de JPK, avant l’appel de Miri Tatarata, « attesté par la société de surveillance [de la résidence ndlr], qui n’a relevé aucun numéro d’immatriculation de véhicule auquel je pouvais accéder à l’époque, qui y est consigné ni en montée, ni en descente. Je n’y suis allé que lorsque j’ai été appelé. »
Plaintes pour violation du secret de l’instruction et faux témoignage
En décembre 2020, Francis Stein dépose une première plainte contre X pour violation du secret de l’instruction, après la publication dans un journal d’un arrêt de la chambre de l’instruction, avant même de l’avoir reçu lui-même.
Le 1er avril dernier, il dépose une autre plainte pour faux témoignage, à l’encontre de la mère de JPK, « après avoir pu prendre connaissance des éléments à charge », 2 000 cotes qu’il a minutieusement décortiquées. C’est elle qui, la première fois, alerte les enquêteurs sur l’état de cette portière, puis son conjoint (aujourd’hui décédé), parlant de « décalage de plusieurs centimètres » et de « difficulté à la refermer ». Selon Francis Stein, ce soir-là, il serait retourné à son véhicule récupérer une lampe torche pour chercher JPK dans la pénombre et aurait mal refermé sa portière, pouvant laisser penser qu’elle était endommagée.
Le 24 décembre 1997, soit 8 jours après la disparition de JPK, Francis Stein est convoqué une première fois par la gendarmerie, avec sa voiture. Retrouvé plusieurs années plus tard par les enquêteurs, le véhicule est de nouveau passé au crible. Les gendarmes saisissent la Renault 21 pour vérifier s’il y a des traces de sang, « ils n’ont rien trouvé », précise Francis Stein. « Il y a eu deux expertises : la portière est d’origine, elle n’a jamais été réparée, elle n’a jamais été repeinte, affirme-t-il. Il est question de gond qui aurait pu être changé, ça ne me concerne pas. Je n’ai jamais opéré de réparation. »
Pas de trace de sang sur la voiture ni le jet-ski
Pourtant, cet élément « essentiel » selon Francis Stein, aurait pesé dans sa mise en examen. « Je suis accablé de dénonciations qui n’ont aucune source permettant de prouver tout ce qui a été allégué. Donc, aujourd’hui, je décide de mettre face à ses responsabilités cette dame, qu’elle s’en explique, en vertu de quoi elle a pu constater cela. »
Les gendarmes ont également cherché des traces ou des indices au domicile et sur le jet ski de Francis Stein « annoncé comme ayant été utilisé pour me débarrasser du corps en pleine mer. »
« En pleine séance de la chambre d’instruction, en septembre 2019, l’avocate générale a mentionné au bout de 5 heures de débat, au moment où on clôturait cette séance, qu’il n’y avait ‘pas de corps, qu’il n’y avait pas de scène de crime, il n’y avait pas de témoin direct et qu’il n’y avait pas d’aveu, mais elle demandait qu’ils forgent leur intime conviction pour me déclarer coupable. »
Bras de fer judiciaire
Aujourd’hui, Francis Stein conteste devant la justice sa mise en examen pour meurtre, « basée sur de faux témoignages ». En septembre 2020, la chambre de l’instruction a rejeté ses recours en nullité. Francis Stein se pourvoit en cassation. Le pourvoi de Miri Tatarata a été rejeté.
La procédure de Francis Stein est, pour l’heure, suspendue. Une question prioritaire de constitutionnalité déposée par ses avocats, doit être examinée ce vendredi, portant sur ses droits qui n’ont pas été lus devant la chambre d’instruction. Mais il se dit serein. « Mon jet ski a été expertisé, on n’a rien retrouvé. Mes véhicules, aussi bien professionnels que personnels, ont été expertisés, on n’a rien retrouvé. Mon domicile a été expertisé, ils n’ont rien trouvé. Qu’est-ce qu’ils veulent de plus ? »
Aujourd’hui, Francis Stein reste libre sous contrôle judiciaire, avec interdiction de quitter la Polynésie.
Contactés, ni le comité de soutien à JPK, ni les avocats de la famille n’ont souhaité faire de commentaire.
Trois autres personnes, Léonard dit « Rere » Puputauki, Tino Mara et Tutu Manate, anciens GIP, sont toujours mises en examen dans cette affaire pour meurtre, enlèvement et séquestration en bande organisée.
Par ailleurs, le procès en appel d’un autre ancien GIP, Vetea Guilloux, devrait se tenir en décembre 2021, à Paris, condamné en première instance en 2004 pour dénonciation mensongère et calomnieuse. Cette année-là, il avait affirmé avoir été témoin de l’enlèvement du journaliste, « liquidé au large de Tahiti », mettant en cause deux de ses anciens collègues Tino Mara et Tutu Manate qui l’avaient alors poursuivi en justice.