Cuves de gaz : le scénario de Beyrouth peut-il se produire à Papeete ?

Les cuves de gaz et de carburant de Fare Ute présentent un risque létal, selon un rapport confidentiel de 2001.
Dans un rapport confidentiel de 2001 que nous avons pu nous procurer, les réservoirs de gaz de Fare Ute présentent un "risque létal" dans un rayon de 1,2 km, en cas d'explosion. Pourtant, le bail de Gaz de Tahiti a été renouvelé par le Conseil d'administration du Port jusqu'en 2050.
Le scénario catastrophe survenu à Beyrouth (Liban) le 4 août dernier peut-il se produire à Papeete ? L'explosion de 2 700 tonnes de nitrate d'ammonium a causé la mort d'au moins 149 personnes.
 

"Les hydrocarbures brûlent, mais n'explosent pas"


A Fare Ute, le dépôt d'hydrocarbures à quelques centaines de mètres du centre ville de la capitale pose un sérieux problème de sécurité. En 2015, une convention signée entre le Pays, l'Etat et les pétroliers prévoit le démantèlement des cuves Mobil et Total, jugées vétustes. Avec quelques années de retard, elles devraient déménager sur la digue Est (de l'autre coté du pont) et les navires pétroliers accoster derrière le bâtiment de Fenua Ma, à côté des cuves de Shell, dans le respect des normes de sécurité.
Elles ne seraient ainsi plus dans l'alignement de la piste de l'aéroport de Tahiti-Faa'a, ce qui faisait courir un risque d'incendie important en cas de crash aérien, en pleine zone urbaine, à proximité d'une zone industrielle, d'habitations, d'écoles et d'hôtels.

Le débat avait été lancé en 1972 quand un avion de la Pan Am s'était écrasé au large de Papeete après son décollage, en évitant les fameuses cuves.

Pour Patrick Moux, de Shell Petroleum, installé historiquement sur la digue Est, il n'y a pas de risque d'explosion avec des hydrocarbures : "un dépôt d'hydrocarbures a tendance à brûler, non pas exploser [...] que ce soit l'essence, le jet ou le gasoil. Nous sommes installés ici depuis 30 ans, entourés par la mer, donc le produit brûlerait, mais n'endommagerait rien."

Les activités d'hydrocarbures s'arrêteront sur cette zone en 2021 et le démantèlement complet de la zone devrait s'achever en 2024, pour laisser place à d'autres activités portuaires.
 

Le gaz liquéfié : un risque létal dans un rayon de 1.2 km 


Le problème vient désormais surtout des cuves de gaz. Un déménagement vers la presqu'île avait un temps été envisagé, puis rapidement écarté car trop coûteux, rendant le projet irréaliste.

Pourtant, dans un rapport confidentiel daté de 2001 que nous nous sommes procurés, signés des inspecteurs de l'administration, ces cuves présentent un "risque létal" dans un rayon de 1,2 km, et un "risque d'effets irréversibles" dans un rayon d' 1,4 km en cas d'explosion. Reporté sur la carte de Papeete, cela raserait une grande partie de la capitale. "La zone d'effets irréversibles atteint la mairie et le marché de Papeete," précise le rapport.
La carte de Papeete avec les cercles représentant le périmètre des explosions des cuves de gaz, selon les projections du rapport confidentiel de l'inspection de l'administration.
Malgré ce rapport, aucun déménagement n'est envisagé pour ces cuves de gaz. Le conseil d'administration du Port de novembre 2018 a même prolongé le bail de Gaz de Tahiti jusqu'en 2050.

Nous avons tenté de joindre Gaz de Tahiti, sans succès.
Pour le directeur du Port Autonome, Jean-Paul Le Caill, "ce sont des plans de sécurité vus par l'Etat. Le Port ne s'occupe pas de ce genre de problème."