Jeanine Sylvain s'en est allée

Jeanine Sylvain fut un des premiers modèles féminins de son mari, Sylvain A.
La belle Jeanine Sylvain, premier modèle tahitien du photographe et cinéaste Sylvain Adolphe, devenue son épouse et sa conseillère artistique, a fréquenté de nombreuses personnalités connues internationalement du monde politique et des affaires. Elle a disparu le 2 janvier 2024.

Jeanine Sylvain est née en 1924. Elle disparaît dans sa centième année, après un parcours très riche.

Qui à Tahiti pourrait aujourd’hui raconter : « J’ai rencontré Johnny Halliday, Jean-Paul Belmondo, Brigitte Bardot, Tino Rossi, Ursula Andress, Martine Carol, Henri Salvador, Jacques Martin, Joe Dassin, Jean Sablon, Danielle Evenou, Curd Jürgens, Marie-Christine Barrault, Roger Vadim, Marlon Brando, Jacques Chirac… et Charles De Gaulle » ?

La plus fameuse de ses rencontres fut avec le « général ». Lors de sa visite à Tahiti en 1958, De Gaulle a eu la surprise de se voir déposer autour du cou un collier de fleurs odorantes des mains d’une des plus belles femmes de Tahiti, sous l'œil et l’objectif de son mari.

Jeanine Sylvain couronne De Gaulle.

Première rencontre

Sylvain, en tant que correspondant de grands magazines internationaux tels que Paris-Match et Life, immortalisait le passage à Tahiti de tout personnage célèbre, ou autre événement d’importance, tels que l’arrivée du Kon Tiki qui s’était échoué sur l’atoll de Raroia, aux Tuamotu, ou l’atterrissage à Tahiti-Faa’a du premier avion de ligne, un DC7C de la compagnie TAI.

Mais, outre ce rôle d’hôtesse participant à l’organisation de prises de vue ou de tournages de film, Jeanine Sylvain a connu d’autres vies professionnelles. Avant que Sylvain, arrivé à Tahiti en 1946, ne succombe à son charme tandis qu’elle se noyait dans le bleu de ses yeux, « Tchoun », comme la surnommait ses collègues de l’école d’infirmière, a mis au monde de nombreux bébés tahitiens. Car après quelques années consacrées aux soins, elle a pratiqué le métier de sage-femme.

Jeanine Sylvain et son mari.

Mais son prince charmant (que sa maman avait également surnommé « Tchoun », coïncidence !) a débarqué et mis fin à cette belle carrière. Après avoir participé à la libération de Paris dans un char de la fameuse colonne du général Leclerc, Sylvain avait effectué comme correspondant de guerre un vaste périple autour du monde qui l’avait mené jusqu’à Tahiti, où il tomba amoureux fou de Jeanine Vidal et posa son sac de reporter des armées. Dès lors, les seuls enfants que Jeanine, devenue Madame Sylvain, a mis au monde furent les leurs : Moea, Vaea, Hina, Teva et Maïma. Une autre carrière l’attendait.

Femme et modèle

Devenue, outre la mère de ses enfants, l’indispensable styliste de Sylvain pour la « mise en scène » des fameuses photographies immortalisant les plus belles femmes de Tahiti, Jeanine a fait de leur maison une sorte de paradis où ont été accueillies de nombreuses célébrités.

Sylvain et Jeanine participèrent également au développement du Pays en fournissant des repérages photographiques aux grands bâtisseurs tels que le réputé urbaniste Robert Auzelle, concepteur de l’aéroport de Tahiti-Faa’a.

Portrait par son mari photographe, Sylvain.

Jeanine assistait aussi l’homme du « septième art » qu’était Sylvain, réalisateur de nombreux documentaires et reportages. La plus connue de ses œuvres cinématographiques fut le feuilleton diffusé par la télévision française à plusieurs reprises : « Teva dans l’opération Gauguin ».

Cette pratique du cinéma a ainsi valu à Jeanine de participer au tournage de nombreux films de promotion de la Polynésie en tant que conseillère artistique. Elle a même figuré parmi les figurants du fameux film tourné à Tahiti « Les révoltés de la Bounty », avec Marlon Brando qui resta un ami du couple Sylvain.

Figures

Ajoutons que Jeanine et Sylvain ont mis leurs talents au service de la promotion de Tahiti et ses îles, non seulement à travers leurs réalisations photographiques et cinématographiques, mais aussi par l’exceptionnel réseau de relations qu’ils avaient tissé au fil des ans.

Parmi ces relations, les élèves officiers de la Royale qui se pressaient à Punaauia pour recevoir des mains de la belle Jeanine les photos souvenirs réalisées par Sylvain. C’était à une époque où les appareils photo n’étaient pas encore entre toutes les mains et où les « smartphones » n’étaient même pas encore dans les imaginations. Ce qui a valu au couple Sylvain d’être de toutes les fêtes de l’Amirauté, Jeanine faisant sensation parée des fameuses robes créées par Marie Ah You - disparue en 2021. Ce qui explique aussi pourquoi « Madame Sylvain » a continué très longtemps à recevoir la visite des amiraux nommés à Tahiti, qu’elle avait déjà accueillis en tant que jeunes officiers de passage sur la fameuse « Jeanne d’Arc ».

En compagnie d'un des James Bond, Pierce Brosnan.

L'agence immobilière

Et lorsque l’un d’eux revenait à Tahiti pour y prendre sa retraite, c’est à l’Agence Jeanine Sylvain qu’il s’adressait. Car lorsque Sylvain a posé ses caméras, Jeanine a pris en main les revenus de la famille en créant une agence immobilière. C’était en 1984, elle avait soixante ans ! Cette femme aussi énergique que belle qui ne s’est jamais avouée vaincue par l’adversité, a réalisé dès la création de son agence d’importantes opérations immobilières qui ont permis d’asseoir sa réputation professionnelle. Par la suite son entreprise est devenue, jusqu’à ce jour sous la houlette de sa fille Maïma, une des plus florissantes de Polynésie dans ce domaine.

Après la disparition de Sylvain, en 1991, Jeanine a créé dans un bâtiment de leur propriété à Punaauia, un petit musée qui retrace l’œuvre de son regretté mari, où les plus belles de ses œuvres sont exposées, avec des tableaux retraçant la vie du photographe et de son épouse, ainsi que des billets de banque et autres timbres illustrés par des reproductions de ses photos. Une réalisation qui témoigne également des multiples talents de Jeanine Sylvain, qui s’exercèrent encore pour la réalisation du très beau livre consacré à l’œuvre de Sylvain par les éditions Taschen, dont elle supervisa la réalisation.

Nos condoléances à la famille Sylvain !