"Un jour, mon père a décidé d'acheter une maison, la vieille maison coloniale de Hitimahana, soit la maison de Arue. Dès qu'on l'a vue, on lui a dit : Papa, ce sera ici à Arue".
Tere Krainer-Ropiteau est l’une des filles de Marcel Krainer. En 1962, l’Autrichien était le dernier propriétaire de la maison coloniale à Arue avant qu’elle ne soit vendue à la municipalité. "Il y avait des arbres en fleurs, il y avait un grand acacia rose dans le jardin, il y avait un chat noir qui habitait dans le garage. Les gens de Arue nous disaient : "faut pas habiter là parce que le chat noir, ça porte malheur. Mon papa, pourquoi il a décidé de vendre ? Il y avait le bowling, et toutes les nuits il était réveillé par le bruit du bowling d'abord, toutes les balles qui font boum, boum, et aussi par les motos qui traversaient les dos d'âne", raconte Tere Krainer-Ropiteau.
La Saintonge est aujourd’hui âgée de 130 ans. Visible depuis la route, cette bâtisse ne passe pas inaperçue. Depuis sa construction en 1892 elle figure dans plusieurs films et albums souvenirs. Elle est en passe d’être détruite car devenue vétuste.
L’avis des habitants de la commune diverge sur sa future architecture. "Faut garder l'aspect colonial, mais à quel prix ? C'est le coût si on garde l'aspect", "le style colonial vient d'un autre pays, mais c'est pas le style de Tahiti", peut-on entendre.
Au conseil municipal d’Arue, Tepuanui Snow, élu de l’opposition, plaide pour la reconstruction de la Saintonge à l’identique. "Alors que nous avons conseil municipal le mardi, le mercredi matin nous apprenons par voie de presse que le bâtiment va être démoli, sans même qu'il y ait eu une information et un débat préalable en conseil municipal qui s'est tenu la veille, on ne peut qu'être révolté par la manière de faire. Les élus auraient dû être consultés. Il s'agit là d'un devoir de mémoire à l'égard de nos ancêtres. Notre histoire n'est pas simplement faite de nos tupuna maohi, mais elle est aussi faite de colons qui sont venus de l'étranger", remarque Tepuanui Snow.
La tavana de la commune Teura Iriti préfère s’en remettre au choix de ses administrés pour éviter toute polémique. "C'est très sentimental, on est en admiration devant cette bâtisse, certes une bâtisse coloniale mais je pense que le passé aussi nous fait rappeler ce qu'ont vécu nos tupuna. Un rapport de 2018 avant notre arrivée préconisait de descendre cette bâtisse, et aujourd'hui un 2ème rapport est sorti confirmant ce qui a été dit. Donc il n'y a plus d'alternative, il va vraiment falloir descendre la Saintonge. Faut-il la reconstruire à l'identique, ou sous une autre forme ? On fera appel à la population pour avoir son retour", souligne Teura Iriti, maire de Arue.
En attendant la consultation populaire début janvier, le débat de la future mairie d’Arue s’est déplacé sur les réseaux sociaux où les adeptes du style colonial s’opposent aux défenseurs du fare traditionnel.
Ecoutez le reportage de Titaua Doom :