Fils de Samuel Raapoto, qui a été président de l’Église évangélique, Jean-Marius Raapoto a été distingué en 2019 pour sa carrière exceptionnelle et son engagement envers la langue polynésienne. Docteur en science des langues polynésiennes, ancien directeur d'établissement et ancien ministre de l'Éducation, Jean-Marius Raapoto a été élevé au rang d'officier dans l'ordre de Tahiti Nui le 25 avril 2019. Il a reçu cette distinction des mains du président Édouard Fritch, qui a déclaré à l'époque :
"Votre parcours est unique et exceptionnel en Polynésie française. Il n'existe pas à notre connaissance deux Polynésiens qui cumulent à la fois le plus haut grade universitaire de docteur, une carrière d'enseignant menée jusqu'à la direction d'établissement scolaire et au CAPES, une carrière d'homme politique à la fois à l’Assemblée, dans un gouvernement et dans une commune, et un rôle d’entrepreneur mettant en valeur nos richesses naturelles. Pour l’ensemble de votre œuvre, j’ai donc l’honneur de vous élever, mon cher Jean-Marius, au rang d’officier de l’Ordre de Tahiti Nui".
Jean-Marius Raapoto est décédé à l'âge de 82 ans, ce dimanche 23 mars 2025 à 3 heures du matin, des suites d'une longue maladie. Dans ses dernières volontés, Jean-Marius Raapoto souhaitait être exposé à la mairie de Faa'a. Le maire de la commune, Oscar Temaru, a accepté cette doléance.
Une veillée a lieu ce dimanche 23 mars à 18 heures dans le hall de la mairie de Faa'a. L'inhumation est prévue ce lundi 24 mars au cimetière de l'Uranie.
Biographie
Né le 1er janvier 1943, à Papara, Jean-Marius Raapoto a voué sa vie au reo mā'ohi. Après avoir obtenu son baccalauréat en 1966, dans un collège de Dordogne, il suit une formation d'instituteur à l'école normale de Strasbourg, avant de devenir instituteur à l'école Charles Viénot, en 1967, puis directeur de l'établissement, un an plus tard.
En 1974, Jean-Marius repart pour la ville de Strasbourg afin de reprendre des études universitaires. Il revient au fenua, cinq ans plus tard, avec un DEA de linguistique en poche. Il enseigne par la suite, au collège Pomare IV, avant d'en prendre la direction en 1980.
En 1983, Jean-Marius devient conseiller technique auprès du chef de service de l'Éducation. Il deviendra également un ardent défenseur du reo mā'ohi avec son frère Turo. Quelque temps plus tard, Jean-Marius devient professeur de reo mā'ohi à l'école normale et à l'université de la Polynésie française. Et sa passion pour les langues polynésiennes lui permettra d'obtenir son doctorat de sciences des langues, en 1996.
1989, Jean-Marius Raapoto est candidat aux municipales à Faa’a. Il vient d’être nommé vice-président d’un nouveau parti, le E’a No Mā'ohi nui, créé en 1985, le sénateur Daniel Millaud en est le président. La politique, il y viendra assez tardivement, à 42 ans, par la voix d’un mentor de poids Françis Sanford, tête pensante de ce que l’on appelait alors le Front Uni, la cheville ouvrière du premier statut d’autonomie de gestion.
Dès lors, son cheminement politique va connaître une tournure inattendue. Car l’autonomiste convaincu qu’il est, se retrouve de manière surprenante à la table du Tavini Huira’atira. Il décide d’en être membre actif.
Quand arrive le Taui, il est propulsé à la tête du ministère de l’éducation dans le premier gouvernement Temaru. Sa très grande culture et sa très grande maîtrise du reo mā'ohi ont en fait une sommité en la matière.
Tout en gardant son statut au sein du conseil municipal de Faa’a et derrière ce sourire enjoué, il sait que la tâche sera difficile. Il met en place un dispositif de développement du plurilinguisme assez novateur.
Il s’agissait d’exposer les enfants dès la maternelle aux langues polynésiennes et en même temps au français et à l’anglais avec un système d’évaluation par comparaison et par sondage. Ce programme n'a malheureusement pas survécu aux intrigues politiques. Seul le 'ōrero est encore enseigné à ce jour.
Il aura siégé à l’assemblée une dizaine d’années depuis son premier mandat et son entrée dans l’hémicycle en 1986. Dans la foulée, il crée son propre parti Tīreo, nous sommes en 1991, mais cela ne suffira pas pour rester dans la course. 1996, il est obligé de céder sa place.
Issu d'une famille protestante qui a marqué l’histoire du protestantisme polynésien par son père, le Pasteur Samuel Raapoto, Jean-Marius en devient l’un des référents pour la langue tahitienne. Avec son frère Turo Raapoto au sein de cette Eglise, ils créent une commission reo mā'ohi imposant ses propres règles dans la pratique de la langue tahitienne.
Très diminué, ces derniers temps, il ne baisse pourtant pas les bras. Avec son épouse, ils créent une entreprise de fabrication d’huile de coco extra-vierge sur l’île de Niau.
En avril 2019, nonobstant les idées politiques, Édouard Fritch a tenu à lui rendre un hommage appuyé en l’élevant au rang d’officier dans l’ordre de Tahiti Nui.