La complexité du procès d'Air Moorea

L’ancienne compagnie Air Moorea et trois de ses anciens employés ont comparu, mardi 3 octobre, pour avoir continué à faire voler un appareil aux Marquises, en 2007, avec un câble de gouverne défectueux. Et ce, trois mois seulement après le crash de Moorea ayant fait 20 morts.
L’ancienne compagnie aérienne Air Moorea et trois de ses anciens salariés, un pilote Claude Marreaud, un contrôleur de production, Didier Quémeneur, et un mécanicien aéronautique, Vincent Roche, ont comparu ce mardi devant le tribunal correctionnel pour manquements à la sécurité, risque de mort, d’infirmité ou de blessures sur des passagers.

Du 14 au 16 décembre 2007, le twin Otter d’Air Moorea effectue ses rotations sur Hiva Oa, en plein festival des Marquises. L'appareil utilisé pour ces rotation est de même type que celui de l'accident mortel, qui avait fait 20 morts, au large de Moorea, trois mois avant. Lors de l’enquête autour de ce crash, un pilote relate aux enquêteurs que la compagnie aurait continué à laisser voler un appareil avec un problème de câble. Au cours d'une maintenance en novembre, un câble du twin-otter est mal monté par des techniciens : lors du changement de câble, épais de 5 mm, des brins sont effectivement arrachés.

Ni le contrôleur ni le superviseur chargés de valider les réparations ne l’ont vu. Ils sont pourtant des professionnels chevronnés dans leur domaine respectif, tous formés à l’Armée de l’Air. Pour Me Guedikian, avocat de l’association 987, partie civile dans ce procès, "les deux affaires [ l'affaire du crash d'Air Moorea et celle de ce twin otter, ndlr ] sont intimement liées : les manquements dans les deux dossiers sont identiques". De son côté, le président de l'association, Nicolaz Fourreau, également présent au procès, estime que la société Air Moorea n’a pas retenu les leçons du passé.


Des commandes dures, un bruit inhabituel


Le 14 décembre, un copilote fait remarquer néanmoins au pilote une dureté au niveau des commandes. Ce n’est que deux jours après l’avoir constaté que le pilote signale un problème. On est alors le 16 décembre, les rotations pour le festival des Marquises sont terminées. Au cours de ce festival, l’appareil transporte 147 personnes pendant deux jours, avec ce câble endommagé. Lors de sa relève, le pilote note une dureté au niveau des commandes et un bruit inhabituel. Une appréciation "subjective", selon la défense. "Le crash [d'Air Moorea en août 2007, ndlr] avait créé une ambiance tendue au sein de l’atelier", explique Didier Quémeneur, également renvoyé dans l’affaire du crash d’Air Moorea.

Selon lui, l’ancien directeur d’Air Moorea, Freddy Chanseau, lui aurait téléphoné : "Monsieur Chanseau m’a clairement menacé : "Si tu ne signes pas cet avion, tu auras affaire à moi". Il voulait que l’avion reparte le plus tôt possible et obtienne son autorisation de voler. J’ai signé sous la menace, mais je suis monté à bord lors du vol d’essai. S’il y avait eu le moindre risque, je ne serais pas monté. Quand l’avion est sorti d’atelier le 7 novembre, il n’y avait pas de problème". Aujourd’hui, Didier Quémeneur travaille pour une compagnie aérienne suisse : "Disons que l’expérience Air Moorea n’a pas été convaincante…"

De la prison avec sursis requise


Pour la défense, s’il n’y avait pas eu "l’autre accident", cette affaire n’aurait pas existé. Toujours pour la défense, il s’agit d’un évènement de maintenance et non d’un incident de vol. La procédure a été respectée, d’autant plus que la justice a déjà rendu un non-lieu pour non-dénonciation d’incident. La perspicacité du pilote, Claude Marreaud, a permis d’identifier la panne, "c’est au pire une imprudence, mais sûrement pas une faute pénale" plaide Me Quinquis, avocat d’Air Moorea et de Vincent Roche. La défense a détricoté les chefs d’inculpation et plaidé la relaxe pour les trois prévenus. "On reproche des infractions intentionnelles, or, la preuve dans le dossier, ils [les mis en causen ndlr ] n'avaient pas conscience de la défaillance", défend Me Quinquis, à la sortie du procès.


Dans son réquisitoire, ce mardi 3 octobre, le procureur regrette que le représentant d’Air Moorea, Manate Vivish, ait été absent." Si le câble avait cédé, on aurait été face à une nouvelle catastrophe aérienne. Au pire moment, au moment où on attend de la compagnie qu’elle surveille scrupuleusement ses appareils, puisqu’il y avait eu un crash trois mois auparavant. On s’explique mal qu’un tel dysfonctionnement puisse exister".

Il requiert un an de prison avec sursis et 3 ans d’interdiction d’exercer à l’encontre de Claude Marreaud, le pilote. 1 an de prison avec sursis et 1 an d’interdiction d’exercer contre le mécanicien et le contrôleur de production, Vincent Roche et Didier Quémeneur. Enfin, à l’encontre d’Air Moorea, une amende d’1,5 million de Fcfp. Le délibéré sera rendu le 24 octobre prochain.

La complexité du procès d’Air Moorea