La première session de la cour d'assises, qui se tient du 22 février au 3 mars, s'ouvre avec cette affaire qui avait fait grand bruit en 2016, celle de "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner."
L'accusé âgé de 59 ans comparait aujourd'hui pour avoir tué involontairement le petit ami de sa fille. Il interdisait à ses enfants d’entretenir une relation sentimentale avant de décrocher un diplôme et un emploi. Mais il aurait surpris le jeune homme au petit matin devant son portail et c'est à ce moment que la rixe aurait éclaté.
L’arme du crime est un couteau de cuisine de 30 cm. Au matin du 28 décembre 2016, il sectionne l’artère fémorale de Manava, 21 ans, étudiant en 2e année d’éco-gestion à l’Université.
Sur le banc des accusés ces 22 et 23 février, Hubert, 59 ans, comparaît pour avoir donné la mort sans intention de la donner au jeune homme qui fréquentait sa fille, malgré ses interdictions formelles.
Aujourd’hui, la famille de Manava, toute de blanc vêtue, attend des réponses. La mère de la victime, Teihinui, tient une grande photo de Manava, souriant, dans un cadre doré.
C'était un jeune homme sportif, sociable, avec des objectifs…Manava était amour.
TeihinuiMère de la victime
Amour formellement interdit
Manava et Heiroti se rencontrent au club de Taekwondo. Elle, grande sportive, est déjà ceinture noire. Mais son père a toujours interdit à ses enfants d’entretenir une relation sentimentale avant de décrocher un diplôme et un travail. « A Outumaoro, il y a des jeunes qui sont parents à 15 ans et à 17 ans, les maris les abandonnent, explique-t-il à la barre. Je ne voulais pas que ça arrive à mes enfants. Je leur ai toujours dit : ‘ton premier copain, c’est l’école et le travail.’ » « Exigiez-vous la même chose pour votre fils ? » demande la présidente. « Oui, pour mes 3 enfants, » assure l’accusé.
Aujourd’hui, les trois enfants, trentenaires, vivent toujours célibataires chez leurs parents, malgré de bons diplômes et une très bonne situation professionnelle.
Manava et Heiroti se fréquentent pendant 7 ans, en cachette. En période scolaire, ils se voient à l’université. Mais pendant les vacances, Manava a pris l’habitude pendant 4 ans de rendre visite à Heiroti secrètement la nuit, au domicile familial.
A l’aube de ce matin de décembre 2016, l’accusé se lève à 4h pour aller chercher du pain. Dans la précipitation, la jeune fille n’a pas le temps de ranger le drap et les coussins qui restent dehors. L’accusé découvre également le scooter de la victime, devant son portail, dans la servitude de Outumaoro. Il voit rouge, rentre le scooter à l’intérieur de sa cour, saisit un couteau de cuisine, pense que c’est « un voleur ou un violeur ».
Sa fille aurait fini par lui avouer qu’il s’agit de son petit ami. Une dispute éclate, mais le père n’aurait pas lâché le couteau pour autant. La victime se serait rapidement présentée au portail pour récupérer son engin, l’accusé aurait refusé. S’ensuit une rixe entre les hommes, le père et le frère de la jeune fille et le petit ami.
Manava est grand, jeune, il est sportif, pratique le taekwondo et le jujitsu. Hubert est âgé, petit et malade, mais il est armé d’un couteau. Plusieurs coups seraient échangés. En déployant un coup de pied circulaire, Manava se serait alors sectionné l’artère fémorale sur la lame. L’accusé et son fils seraient alors revenus sur leur terrasse, en attendant l’arrivée de la police et des gendarmes, aux alentours de 5h40.
Personne ne prodigue les premiers soins adéquats à Manava, c’est-à-dire un point de compression ou un garrot. Le jeune homme se vide de son sang, allongé sur le bitume. Sa petite amie, puis son frère ont bien tenté un massage cardiaque, qui n’a malheureusement fait qu’empirer l’hémorragie. Le décès de Manava est constaté à 6h, à l’hôpital du Taaone.
Sa famille n’est pas dans la revanche ni la haine. Elle cherche à comprendre ce qu’il s’est passé. C’est le seul moyen de faire son deuil, après la disparation inexpliquée et inexplicable de Manava.
Me Esther RevaultAvocate des parties civiles
Jusqu’à 20 ans de prison
Aujourd’hui, après un an détention provisoire à l’issue des faits, en 2016, Hubert comparaît libre, sous contrôle judiciaire. Ce garagiste est bien connu dans son quartier. Aîné d’une fratrie de dix enfants, il a la réputation d’être un homme « rigoureux et travailleur ». « Quand il se fâche, il monte la voix, raconte son petit frère, mais il n’est pas violent. » Diabétique, il explique qu’il était en pleine crise d’hypoglycémie au moment des faits. Après le coup de couteau, et avant d’appeler les gendarmes, il appelle d’ailleurs son frère qui vit non loin de là pour lui demander de lui apporter des pains au chocolat.
A la cour ce matin, il explique qu’il a pris peur, qu’il a voulu se défendre face à un inconnu. Pourtant, il assure que « c’est un bon quartier », que « le portail reste ouvert toute la journée » et qu’il n’a « jamais eu besoin d’appeler les gendarmes jusqu’à ce jour. »
Les jurés de la cour d’assise devront définir à quel moment précis Hubert a compris qu’il ne s’agissait pas d’un intrus, mais du petit ami de sa fille, invité par cette dernière. Et pourquoi n’a-t-il pas lâché son couteau à ce moment-là ? La cour doit rendre son verdict demain, le 23 février. L’accusé encourt 20 ans de prison.