Une résolution votée à la majorité des représentants Tavini pour appeler l’Etat à ouvrir le dialogue sur la décolonisation. Une résolution revient en fait à un vœu pieux : l’Etat n’a aucune obligation de la suivre.
Tematai Legayic, représentant Tavini à l'Assemblée de Polynésie française et ex-député tente d'argumenter : "Si vous voulez un référendum, sur quelle question ? Est-ce que la question c'est : êtes-vous favorable ou pas à ce que ce droit soit un droit ? On comprend bien, et je l'ai dit à l'Assemblée, que si on commence à remettre en cause des droits par référendum, je crains que demain, ce soit la remise en cause du droit de penser, du droit de la presse, du droit à l'avortement, comme le proposent certains conservateurs à l'échelle nationale ou dans d'autres pays."
Changement de stratégie du Tavini
Avec cette résolution, le Tavini change en fait de stratégie : finie la 4e commission de l’ONU qui stagne depuis dix ans. Place aux contentieux. Car si l’Etat n’ouvre pas le dialogue, Antony Géros pourra potentiellement, grâce à une autre délibération adoptée dans la foulée, l’attaquer au tribunal administratif. Une fois les recours nationaux épuisés, et seulement après, un recours pourra être déposé auprès des instances internationales, telles que le Comité des droits de l’Homme, organe qui s’assure du respect d’un pacte international, comme le droit à l’autodétermination.
Le président du Tavini, absent physiquement au moment du vote, soutient cette délibération. Pour Oscar Temaru : " la France est bien signataire de la charte des Nations-Unies. Dans l'esprit et dans la lettre, les puissances administrantes, comme la France, la Grande-Bretagne, le Portugal, l'Espagne... tous ces pays colonisateurs ont la responsabilité, le jour où le peuple concerné souhaite prendre son destin en main, de les accompagner."
Votes contre la résolution et arguments
La seule représentante Tavini à avoir voté contre cette résolution, c’est Hinamoeura Morgant. Pour elle, le parti bleu ciel ne respecte pas ses promesses de campagne de 2023 : respecter le peuple, en le consultant sur des grandes questions. "Que le parti Tavini Huiraatira aille à ses frais à New York, y en a certains qui vont en Azerbaidjan, c'est une chose. Mais là, habiliter le président de l'Assemblée à aller parler au nom de toute la Polynésie, là non. Pour moi, c'est un sujet assez sensible, et à la fois assez important pour qu'on consulte la population, au travers d'une question" s'insurge Hinamoeura Morgant.
Sur la question de la consultation, le président de l’Assemblée est clair. Antony Géros a tenu les propos suivant lors de la séance à l'Assemblée jeudi 12 décembre : "C'est nous qui décidons. On a un mandat représentatif. Il ne faut pas, à cause de notre défaillance, demander par exemple une consultation populaire. Non. Si vous demandez une consultation populaire, ça veut dire que vous avez échoué. Parce que justement la population nous fiat confiance pour prendre les décisions à leur place. Bon, le jour où on aura un mandat impératif, on pourra peut-être réagir différemment. Mais pour l'instant, on est obligés de suivre."
Dans une conférence de presse commune ce lundi 16 décembre, les autonomistes fustigent cette délibération et regrettent que tous leurs amendements aient été rejetés. Nuihau Laurey, représentant non-inscrit, justifie leur position : "On a participé à une campagne électorale dans laquelle le Tavini lui-même a indiqué que cette élection, ce n'est pas l'élection pour l'autonomie ou l'indépendance. On constate finalement que le sujet est remis sur la table par le président de l'Assemblée, et nous, nous disons que sur un sujet aussi important, on ne peut pas faire l'économie d'une consultation populaire. On ne demande pas un référendum pour ou contre l'indépendance, on demande que la population soit consultée sur d'éventuelles discussions à tenir avec l'Etat sur ce sujet."
L’article 53 de la Constitution française prévoit que « Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées ».
Pour entamer un processus de décolonisation, seul l’Etat est compétent : pour organiser ou non un référendum d’autodétermination, fixer le corps électoral et choisir les questions.
Cette résolution ne vaut pas référendum… Reste à savoir si elle résonnera jusqu’aux oreilles de l’Etat.