Défiscalisation : les collectivités d'outre-mer pour l'instant oubliées de la prorogation

Sans défiscalisation nationale et locale, la rénovation de l'hôtel Kon Tiki à Papeete aurait eu beaucoup de mal à se réaliser.
La semaine dernière, un amendement pour proroger l’aide fiscale pour les investissements en outre-mer jusqu’en 2029 a été retenu par le gouvernement central. Déposé par le groupe Gauche Démocrate et Républicains, auquel font partie les 3 députés polynésiens, il s’avère que le dispositif concerne uniquement les départements d’outre-mer. Les collectivités ont donc été écartées par inattention ou méconnaissance des textes peut-être, mais les acteurs économiques gardent espoir.

Les députés des collectivités d’outre mer ont-ils manqué de vigilance ? Ou est-ce l’adoption du budget en force via l'article 49-3 qui est responsable de cette négligence ? Le dispositif de défiscalisation ultra-marin est bien reconduit jusqu’en 2029, "très bonne nouvelle" selon la fédération des entreprises d’outre-mer, sauf que le texte ne mentionne pas les collectivités. "Il y a une rédaction qui n’est pas bonne, et donc au Sénat je vais proposer un amendement pour que le fenua, que nos collectivités du Pacifique puissent aussi bénéficier de cette prolongation de la défiscalisation", précise le sénateur Teva Rohfritsch Sénateur.

Ecoutez-le :


Car en Polynésie, les entrepreneurs se rongent les ongles. Comme ce jeune couple qui a décidé de se lancer dans le charter en investissant dans deux catamarans dernier cri : montant initial de la facture : 100 millions cfp. Avec la défiscalisation nationale et locale : 60 millions cfp. "A notre niveau, nous n'aurions pas pu faire le projet qu'on a en cours. Peut-être le rendre moins grand, partir sur un bateau au lieu de deux et sur d'autres modèles de catamaran. Donc le projet aurait dû être revu à la baisse", estime Hereiti Monier, cheffe d’entreprise.

Se lancer une activité de charter nautique avec l'aide de la défiscalisation fait nettement baisser le montant des investissements.

En chiffres, cela représente 9 milliards d’économie l’an dernier pour les entreprises de Polynésie grâce à la défiscalisation. Pour les gros projets hôteliers bien sûr, comme l’hôtel Kon Tiki sur le front de mer de Papeete, pour la flotte d’Air Tahiti ou encore pour les catamarans des armateurs…1,8 milliard cfp pour l’Apetahi express au lieu de 2,5 milliards cfp. "Ce qui est certain c'est que sans la défiscalisation, ce sont des projets qui ne verront pas le jour et ce sont des financements qui ne seront jamais trouvés, et donc ce sont des actifs, des bateaux chez nous, des avions ou des hôtels ailleurs qui ne verront pas le jour ou ne seront pas rénovés et qui posent des problèmes en termes d'emploi et de maintien de notre compétitivité dans le futur", détaille Guenael Sorin, directeur financier du Groupe Degage.

Guenael Sorin, directeur financier du Groupe Degage. En arrière-plan, un des Aremiti acquis entre autres grâce à la défiscalisation nationale.

Mais en parallèle des grosses sociétés, la majorité des investissements en défiscalisation concernent des projets de moins de 30 millions dans le tourisme, le BTP et le transport : 250 emplois directs et 1250 emplois indirects en 2021. " A titre d’exemple, ce sont 750 porteurs de projet, entreprises individuelles ou sociétés, et c'est 1 milliard cfp injecté dans l'économie polynésienne par des Français, entreprises ou particuliers", déclare Yann Lachaize, directeur "Interinvest" outre-mer en Polyénsie.

Le texte sur la défiscalisation outre-mer sera amendé au Sénat, avant de retourner à l’Assemblée nationale. Les collectivités d’outre-mer devraient y figurer avant son adoption définitive à la fin de l’année.