ENTRETIEN. Pascal Luciani "On a aujourd'hui des plots qui sont bien montés, on a une belle tour"

Pascal Luciani "On a aujourd'hui des plots qui sont bien montés, on a une belle tour. Ça s'annonce plutôt bien pour la compétition"
Représentant de la WSL en Polynésie, membre du comité Paris 2024 pour l'organisation des JO à Teahupoo, ancien coach de l'équipe de Tahiti de surf, Pascal Luciani est une figure du surf polynésien. Dans le podcast Horizon Teahupoo, il revient sur l'organisation des jeux, sur la polémique concernant la tour des juges, mais aussi sur l'avenir du surf polynésien.

Polynésiela1ère : Quel est ton rôle dans l'organisation de Paris 2024 ?

Pascal Luciani : Je suis manager sport en fait, et le rôle, c'est principalement de mettre en place toute la partie compétition pour que tout soit prêt, qu'on ait les bateaux adéquats, le personnel nécessaire sur la tour des juges, que le service aux athlètes soit à la hauteur, et puis de manière à ce que les athlètes se sentent bien avant d'être sur le plan d'eau pour performer.


Pendant quelques mois, il y a eu cette polémique liée à la tour des juges. Aujourd'hui, la tempête semble s'être éloignée. Comment as-tu vécu cette polémique ?

C'est vrai que ça a été assez difficile pendant un certain temps, mais bon, il faut aussi relativiser les choses, notamment pour ceux qui n'ont pas connaissance du site. Moi ça fait plus de 20 ans que je j'œuvre dans ce milieu-là, sur cette zone, donc je connais les enjeux, je sais ce que ce qui a été fait et ce qui a été mis en place, comment on en est arrivé là. Et puis au final, on a aujourd'hui des plots qui sont bien montés, on a une belle tour. Ça s'annonce plutôt bien pour la compétition et pour les années à venir pour le surf.

Est ce que vous, au sein du comité organisateur, vous comprenez les craintes des opposants à la tour ?

Oui, on les comprend, après on est devenu tellement pro environnement qu'on sait tout, qu'on connait tout mieux que tout le monde, mais en fait dans la réalité, quand vous êtes sur le terrain, quand vous plongez, vous voyez les choses, il n'y a pratiquement rien eu.

La situation est-elle apaisée aujourd'hui ?

Oui, on peut dire qu'elle est apaisée. Les personnes que je rencontre régulièrement ont hâte que les choses se mettent en place. On a hâte que tous les travaux soient finis, de manière à ce qu'ils puissent déjà dans un premier temps, retrouver une vie normale sans les travaux autour. Que chacun puisse retourner à la marina, poser son bateau et vivre normalement.

Et ceux qui hébergent les populations ont hâte que les personnes arrivent. Ceux qui sont dans le mouvement, les bateaux, l'équipe de la water patrol, ils ont hâte d'être dans le feu de l'action et il y a une attente positive de la population de Teahupoo.

Et est ce que tout sera prêt pour la cérémonie d'ouverture ?

On l'espère. De notre côté, sur le plan sportif, nous serons prêts. Après, c'est vrai que, sur le plan des infrastructures, ce sont les travaux du Pays, donc c'est le Pays qui sera à même de vous répondre.

Tu as été président de la fédération de surf, coach de la sélection tahitienne de surf, à ton avis, quel est l'état de santé du surf polynésien actuel ?

Je pense qu'il se porte plutôt bien. On a eu les belles années avec Vetea David, Arsène Harehoe, à l'époque. Il y a eu tout un groupe de bons surfeurs qui a amené Vetea David là où il est arrivé. Dernièrement, petit à petit, on a vu l'émergence de nouveaux talents. Il y a eu Michel Bourez qui a confirmé sa place dans le milieu du surf professionnel. Et puis maintenant, il y a les plus jeunes qui arrivent, comme Kauli Vaast et Vahine Fierro.

Il y aussi une nouvelle génération juste derrière, les petites soeurs de Vahine Fierro qui montent et qui sont excellentes, la petite sœur de Kauli Vaast également. Et puis, il y a encore un vivier beaucoup plus jeune sur lequel il va falloir être très attentif et qu'il va falloir suivre justement pour leur permettre d'intégrer le tour professionnel dans les années à venir.

Tahiti a dominé la scène nationale française entre les années 70 et 90 avec plusieurs champions de France, des champions du monde. Mais depuis, nous avons perdu notre place au sein dans le concert mondial des nations. Comment l'expliquer ?

On s'est peut être un peu reposé sur nos lauriers, on va dire ça comme ça. Et puis à côté de ça, les nations qui étaient en retrait se sont données les moyens pour faire progresser le surf. Ils ont mis en place un cadre sportif avec des entraîneurs, et ont permis à leurs surfeurs de voyager beaucoup plus, de participer à plus d'événements à l'extérieur. Et nous, je vais oser le dire, on s'est regardé le nombril, en se disant "on est les meilleurs". Alors oui, on a des athlètes talentueux, mais si on veut progresser, si on veut passer au niveau supérieur, alors on a besoin de coachs, on a besoin d'entraîneurs, on a besoin des sponsors qui nous suivent, on a besoin de partenaires qui puissent faire voyager les athlètes et les faire participer à d'autres événements. Et puis, je pense qu'on aurait pu faire plus d'événements internationaux en Polynésie, de manière à ce que nos athlètes, qui ont des difficultés pour voyager, puissent concourir chez eux à domicile.

Le surf ne manque-t-il pas d'infrastructures en Polynésie ?

Si, ça manque encore d'infrastructures, on ne va pas se le cacher. Aujourd'hui, on a un stand sur Papenoo. On l'utilise uniquement pour les compétitions, alors qu'on pourrait éventuellement le développer un peu plus et avoir quelqu'un sur place qui puisse encadrer des jeunes, faire des entraînements sur place sur la côte Est.

À Papara, on en a un beau centre sportif qu'on pourrait aussi mieux exploiter. Il faudrait aussi un centre sur la presqu'île, puisque c'est un site où on a pas mal de talents qui se font remarquer au fur et à mesure des années, surtout dans les grosses vagues, principalement sur Teahupoo. Mais voilà, ils ont besoin aussi d'avoir un encadrement derrière pour pouvoir performer encore mieux, les aider à se préparer physiquement, à se préparer mentalement. Et puis après derrière, les aider à préparer leur parcours. 

Aujourd'hui, Teahupoo est devenu une étape incontournable du circuit mondial. Ça n'a pas toujours été le cas. Comment avez-vous vécu cette évolution ?

Teahupoo a amené un gros coup de fouet dans le surf. Cette compétition a permis à des Polynésiens de se mesurer aux meilleurs mondiaux de la discipline. Et c'est ce qui a fait que petit à petit les Polynésiens ont progressé en se mesurant aux athlètes internationaux. Ils leur ont posé des questions sur leur manière de s'entraîner, se sont renseignés sur les matériaux qu'ils utilisent, sur comment effectuer les manoeuvres adéquates. C'est ce qui a fait que les surfeurs locaux ont progressé à vitesse grand V.

Teahupoo reste une vague dangereuse lorsqu'on est organisateur d'une compétition. Comment est ce qu'on gère ce risque ?

Bien, la gestion du risque, c'est tout un ensemble. Il y a déjà un premier travail avec l'équipe de météorologistes qui vont te donner toutes les informations sur les conditions, sur la houle, son orientation, sa force, le vent également, s'il va y avoir de la pluie ou pas.

À côté de ça, on a une équipe de juges et d'encadrants qui vont sur site, qui observent la vague et posent également des questions aux athlètes qui sont sur le plan d'eau. En fonction de leurs réponses, on décide si la vague est propice à la compétition, si elle est assez grosse ou trop dangereuse, si on peut lancer la compétition ou ne pas la lancer.. Donc, c'est tout un ensemble qu'on utilise pour déterminer si elle est surfable ou elle n'est pas surfable. Il y a la water patrol derrière, qui est là pour garantir la sécurité des athlètes. En cas de nécessité, ils sont là pour aller récupérer l'athlète en difficulté à l'intérieur du plan d'eau et le sortir de la zone dangereuse. 

Les athlètes polynésiens ont toujours eu des difficulités à Teahupoo, comment l'expliquer ?

Je pense que c'est plutôt le manque de compétition de très haut niveau. Les athlètes qui sont sur le tour, qui tous les mois ont des compétitions avec des gros enjeux, apprennent à maîtriser le stress, la manière de gérer une série, de gérer la compétition. On a des athlètes qui sont hyper doués, par contre, ils n'ont pas encore cette assurance dans la gestion optimum d'une compétition, c'est la petite différence.

Comment vois-tu l'avenir du surf polynésien ?

Je pense que le surf polynésien est en pleine progression, en pleine ascension. Maintenant, il faut y mettre les moyens pour pour faire perdurer cette ascension, continuer à aider les jeunes en train de monter et faire en sorte aussi d'aider les  familles. Si nous avons beaucoup plus d'athlètes en pleine progression, c'est parce qu'aujourd'hui, les parents s'impliquent beaucoup plus qu'auparavant. Lorsqu'ils détectent que leur gamin a du potentiel, ils mettent tous leurs moyens pour faire en sorte que leurs enfants réussissent. Mais, ça ne devrait pas être que les parents. La fédération devrait pouvoir les soutenir, les aider ainsi que le Pays, pour que nos jeunes élites demain fassent partie du tour et soient sélectionnés en équipe de France pour les Jeux Olympiques de Los Angeles, voir les prochains JO en Australie si on reste dans le bassin...

Mais voilà, il y a un gros travail derrière à faire. Il y a déjà un travail qui a été mis en place depuis un certain nombre d'années auprès du lycée de Papara avec la section surf. Il y a également la section surf sur le collège de Mahina qui a permis de déceler quelques pépites. Il faut essayer les faire monter sur Papara et leur permettre de continuer. L'objectif, c'est d'arriver à terme avec ces pôles, que ces élites fassent plus tard parties des sélections de Tahiti.

Retrouvez l'intégralité de l'interview dans le podcast Horizon Teahupoo sur notre site internet en vidéo ou en audio ou sur notre page Youtube