Ce jeudi, le néphrologue a demandé à Corinne Terorohauepa de s'inscrire sur la liste des demandeurs de reins. Cette dernière est suivie depuis 24 ans pour sa polykystose au rein, une malformation génétique qu'elle a hérité de son père. "J'ai des reins bourrés de kystes" résume-t-elle. Jusque-là, Corinne a mené une vie à peu près normale malgré la maladie. Mais aujourd'hui elle est "à moins de 30%" de ses fonctions rénales et a besoin d'un nouveau rein.
"On peut vivre avec un seul rein"
Pour cette mère de famille originaire des Australes, la dialyse implique un emménagement à Tahiti et toute la réorganisation qui s'ensuit. L'idéal serait donc "de recevoir le rein d'un vivant et éviter la dialyse". Cette option est possible, si tant est qu'il y ait des donneurs volontaires.
Car on peut vivre avec un seul rein, à condition d'avoir fait tous les examens en amont. "On peut tout à fait vivre avec un seul rein, on peut donc être donneur vivant. Si l'un de nos proches a une maladie rénale on peut passer des examens au CHPF pour savoir si nous pouvons donner de notre vivant un rein à un de nos proches" explique Anaïs Daniel-Amoros, infirmière référente de la coordination du don d'organes et infirmière en réanimation à l'hôpital.
Le don d'organe peu élevé en Polynésie
Depuis que la greffe de reins existe en Polynésie, soit onze ans, 164 patients en ont bénéficié (127 donneurs décédés et 37 vivants). Les dons fluctuent d'une année à l'autre, sans qu'on puisse vraiment l'expliquer. En 2023, seize greffes ont eu lieu contre six en 2024.
Ces chiffres révèlent toutefois que les dons d'organes sont faibles en Polynésie : 50% de refus en moyenne et 65%, rien qu'en 2023, contre 36% seulement dans l'hexagone. Plusieurs raisons pourraient l'expliquer :
- la méconnaissance de la population sur la volonté de leurs proches. En effet, une enquête menée en 2019 révèle que, sur 800 personnes interrogées, 60% sont favorables à donner leur rein après leur mort mais seulement 46% en ont parlé à leur proche.
- les croyances culturelles.
On invite les familles polynésiennes à parler de ce sujet et donner leur position à leurs proches. Parlez-en. Les patients dialysés sont dans l'attente. D'autant que certains sont éloignés de leur île d'origine pour pouvoir être suivis dans les centres de dialyse que nous avons ici. La greffe c'est le retour vers la vie normale et surtout vers leur famille. C'est une toute nouvelle vie qui s'offre à eux. (...) Aucune confession religieuse ne s'oppose au don d'organes sur le territoire.
Anaïs Daniel-Amoros, infirmière référente de la coordination du don d'organes au CHPF
Corinne peut en attester. "Je suis une Polynésienne, je comprends que le don d'organes ne soit pas encore dans les mœurs et surtout le don vivant. On en prend conscience que quand on est vraiment dedans. Quand on n'est pas trop atteint on ne prend pas conscience de ça. J'aime dire que comprendre c'est guérir. S'ils se renseignaient, ça faciliterait. Il ne faut pas se leurrer en Polynésie on est énormément de dialysés" observe-t-elle.
Au fenua où six cents personnes sont dialysées et 110 personnes sont en attente d'une greffe. Cela peut sauver des vies. "Le message que je veux faire passer, c’est celui d’encourager les personnes à changer de point de vue sur le don d’organes. Pour ma part, ça a changé ma vie. On veut tous prolonger notre vie et c’est un des moyens d'aider les personnes malades pour avoir une vie heureuse" témoigne un patient anonyme nouvellement greffé. Il a attendu dix ans.
Pour espérer une greffe plus rapide, Corinne pourrait bien décider de partir en métropole.
Si je devais partir ce sera à mes frais. Je suis encore en réflexion. Je n'ai pas encore 50 ans et j'aimerais bien mettre toutes les chances de mon côté pour espérer voir mes enfants grandir parce-que j'ai un dernier fils qui a dix ans. J'aimerais être encore là pour le voir grandir. Mon ainé à 27 ans.
Corinne Terorohauepa, en attente d'une greffe de reins
En attendant, elle fait très attention à sa santé en buvant beaucoup d'eau, en évitant les protéines et en restant active physiquement. "Je cuisine végétarien pour moi et normal pour ma famille" relate-t-elle. À 48 ans, l'attente commence aujourd'hui pour Corinne...