La difficulté des TPE et PME à rembourser les prêts garantis par l’Etat

Archives. La crise sanitaire, le confinement et les mesures de restriction ont eu un impact sur le chiffre d'affaires des commerces de la ville. Le remboursement des PGE ralentit la sortie de crise pour nombre d'entre eux.
Après la crise, c’est toujours la crise, malgré des indicateurs de l’économie polynésienne aujourd’hui au vert. Même si les différentes aides publiques ont servi d’amortisseur à des centaines d’entreprises pour traverser la période covid, beaucoup ont encore du mal à se relever à l’issue. Notamment parce qu’elles avaient contracté un PGE ou prêt garanti par l’Etat afin de disposer d’une trésorerie destinée à payer les charges courantes. Or, à l’heure du remboursement, beaucoup d’entre elles peinent à le faire.

Et dire qu’avec la fin de la crise sanitaire, beaucoup de TPE et PME polynésiennes pensaient que c’était aussi la fin des ennuis !

Car pour nombre d’entre elles, elles avaient traversé cette crise inédite avec l’aide de la puissance publique, celle-là même qui, par mesure de précaution, les avait obligées à cesser toute activité. Et donc à ne percevoir aucune rentrée d’argent.

Alors pour pallier cette absence et éviter un grippage de la machine économique, l’Etat a dû mettre en place diverses mesures afin de les épauler financièrement. Un accompagnement censé faire face au manque de trésorerie destinée à payer les charges courantes : salaires, charges sociales et impôts. 

Intervention de l'Etat

Outre le Fonds de solidarité aux entreprises, il y a eu aussi le fameux prêt garanti par l’Etat, PGE, octroyé par les banques. "Entre avril 2020 et décembre 2021, les banques de la place ont reçu 1220 demandes pour un encours global de 55,6 milliards cfp. Plus de 92% de ces demandes ont été acceptées, soit un encours total de 54,5 milliards cfp", note une étude l’IEOM de juillet 2022. En réalité, "elles ont été sous perfusion", constate Dany Dana, commerçant, et président de l’association Papeete centre-ville qui fédère environ 400 commerces dans la capitale. Il poursuit que la sortie de crise n’a pas amélioré leur sort. En effet, "cette distribution massive de PGE" a provoqué "une hausse du taux d’endettement [des entreprises] de 12 points pour s’établir à 90%", indique encore l’IEOM.

Archives. Pendant la crise sanitaire, l'Etat a prêté massivement pour soutenir le tissu économique.

Qui dit prêt, dit aussi remboursement. Et c’est là que le bât blesse. Malgré la fin des restrictions sanitaires l’an dernier, l’ouverture des frontières et le retour des touristes en Polynésie, de la confiance, et de l’activité économique en général, on pourrait croire que les entreprises qui avaient emprunté pour traverser plus facilement la crise rembourseraient sans difficulté leurs dettes. 

Etaler davantage le remboursement

Début mars, le haut-commissariat et l’IEOM ont décidé d’une "restructuration des prêts garantis par l’Etat", autrement dit un rééchelonnement des échéances bancaires. Une sorte d’aveu que le "contexte économique pour 2023, marqué notamment par les conséquences de la crise énergétique est susceptible d’entraîner des difficultés de trésorerie pour certaines entreprises". La reprise économique n’est donc pas pour tout le monde, et le remboursement des PGE octroyé à près d’un millier d’entreprises pas pour demain. "Cette procédure permet d’étaler sur une période supérieure à 6 ans le remboursement d’un PGE, avec maintien de la garantie de l’Etat", souligne même le haut-commissariat.

Dany Dana, président de l'association Papeete centre-ville. Selon lui, en 2023 les petites entreprises et les petits ne sont pas encore sortis de la crise.

Un rééchelonnement de la dette perçu comme "un début de solution", admet Dany Dana qui, comme beaucoup, a subi deux fermetures administratives en 2020 et 2021 suite aux différents confinements. Avec à la clé une perte de chiffres d’affaires, mais aussi le maintien des coûts fixes comme les loyers, salaires, fournisseurs, charges sociales…qu’il a fallu continuer à payer malgré tout. Heureusement grâce aux PGE et PRE (prêt de relance économique) contractés, Dany Dana a pu faire face à ses obligations.

Pendant cette période, "80% des petits commerces ont sollicité un PGE", remarque le président de l’association Papeete centre-ville. Et si après la crise son affaire a repris un peu de couleurs, ce n’est pas encore le cas pour la majorité de ses confrères.

Une crise en chasse une autre

"C’est même compliqué pour les TPE (très petites entreprises)", reconnaît Guy Loussan, de la Fédération générale du commerce (FGC). En effet, avec la fin de la crise sanitaire, les difficultés n’ont pas cessé, bien au contraire.

L’inflation galopante, les salaires à réajuster justement pour la contrecarrer, la taxe sociale à 1% sur les produits et services destinée à soutenir la CPS, la crise énergétique, la hausse du coût du fret et du dollar, la guerre en Ukraine et les spéculations qu’elle entraîne…autant de facteurs qui plombent la trésorerie des petites entreprises et des petits commerces.

Les grandes entreprises pas comme les petites

Une situation qui affecte moins des entreprises de taille plus conséquente, comme celles de la grande distribution dont l’activité était "essentielle"» durant le confinement, ou encore du transport aérien international bénéficiaire d’un PGE mais aussi d'une large subvention du Pays. Laquelle a dû se restructurer pour affronter les turbulences de la crise covid et mieux redécoller avec la reprise du tourisme.

Archives. Guy Loussan, de la Fédération générale du commerce.

Une reprise économique que nombre de PME et TPE peinent encore à entrevoir. Alors la prolongation du rééchelonnement des échéances du PGE est "une bonne chose", souligne Guy Loussan, qui remarque qu’en "2021, les gens, sans possibilité de voyager, ont consommé localement et moins acheté sur Internet du fait de l’allongement des délais d’acheminement [des produits]…en 2022, l’activité a baissé car les gens ont davantage voyagé [les frontières ont rouvert] et acheté plus sur Internet".
A cela, sont venus se greffer tous les facteurs cités précédemment liés à la sortie de crise sanitaire. " Les charges augmentent, les bénéfices baissent et il est de plus en plus difficile de rembourser les PGE ", détaille Guy Loussan, pour qui les prêts sont "très utiles mais difficiles à régler". 

Prolonger pour moins payer

Néanmoins, la décision de "prolonger la durée des remboursements permet d’avoir des mensualités plus réduites, donc plus faciles à payer", insiste-t-il.
Cette flexibilité rassure aussi Dany Dana qui aimerait aussi que les administrations soient "plus conciliantes [notamment] en étalant les charges sociales et les impôts…parce qu’une majorité de commerçants a des retards de paiement à la CPS, de TVA et de CST", et que les banques soient "plus souples". "Les entreprises paient encore la note sanitaire", lâche-t-il amer, et sans aides supplémentaires il y aura "plus de dégâts sociaux".
Selon lui, c’est aux hommes et femmes "politiques de prendre des mesures fortes pour soutenir durablement l’économie".
Nul doute qu’en cette période électorale, son message ne tombera pas dans l’oreille d’un(e) sourd(e).

Ecoutez Dany Dana, président de l'association Papeete centre-ville :

Propriétaire d'un commerce ©Polynésie la première