La suppression de la taxe de développement local serait-elle bénéfique pour le pouvoir d'achat ?

Les matériaux de construction importés sont taxés jusqu'à 37 %.
Décriée ces dernières années, toilettée mais jamais réformée, la taxe de développement local créée en 1998 pour protéger le marché local a généré 1,794 milliard cfp de recettes en 2022. 25 ans après sa mise en place, la TDL est une nouvelle fois remise en cause par une partie des acteurs économiques. Sa suppression pourrait-elle rendre du pouvoir d'achat aux consommateurs ?

Véritable outil de protection douanière à l’importation, la TDL est censée préserver la compétitivité des produits locaux par rapport aux produits importés plus de 20 fois supérieurs en volume !

En 2022, le poids des importations était de 56 197 tonnes contre près de 2 576 tonnes pour les exportations locales, essentiellement composées de poisson, de noni, d'huile de coprah, de nacre, de vanille, du monoi et dans une moindre mesure, de la bière locale.  

Du provisoire qui dure


Ainsi à leur arrivée, plusieurs centaines d’aliments et matériaux sont frappés par la TDL avec des taux qui varient.    
37% par exemple sur les conserves de viande, le fromage, les produits de la boulangerie, le shampoing et le bois importé et 82% le taux le plus élevé sur la vannerie en soutien à l’artisanat du territoire.  

82% également sur la bière de malt au bénéfice de la Brasserie de Tahiti dénonce Jérôme Mainguet, directeur commercial de Kimfa Tahiti, un concurrent. "Le problème c’est que cette TDL de 82% sur la bière qui était censée ne durer que trois ans est toujours en place 25 ans plus tard, ceci au préjudice des consommateurs qui paient leur bière deux fois et demi plus cher qu’en France ou qu’à Auckland, ce qui n’est absolument pas justifié puisque c’est une taxe protectionniste très spéciale obtenue par certains industriels de la part de certains politiciens", dit-il 

Des prix 31% supérieurs


 Frileuse, la Fédération générale de commerce préfère ne pas s’exprimer sur ce sujet sensible. Même réaction du ministre de l’Economie et des Finances, Tevaiti Pomare, que nous avons tenté de joindre.  
"La révision de la TDL fait partie des mesures urgentes pour faire baisser les prix que doit prendre le gouvernement", préconise l’association de défense des consommateurs Te ti’a ara.  
Et l’association citant les rapports d’analyse sur le sujet de la vie chère qui se sont multipliés ces dernières années.  
Le dernier en date est l’enquête de comparaison spatiale de prix 2022 réalisée par INSEE et l’ISPF.  
Sans surprise, les prix restent plus élevés de 31 % en Polynésie française qu’en France métropolitaine.  

Le fromage en provenance de France est taxé à 37%.

De son côté, le président du syndicat des restaurateurs n’écarte pas une possible baisse des prix si la TDL était révisée, explique Maxime-Antoine Michard. "On est dans un contexte qui est compliqué avec une inflation qui est très importante, on cherche des moyens partout où on peut pour réduire les prix et effectivement avoir une réflexion sur la TDL, ça pourrait avoir un impact sur les prix proposés aux clients. Ensuite sur la question de savoir si cela pourrait être un dispositif transitoire ou temporaire, oui pourquoi pas pour des entreprises qui se lancent dans des domaines d’activités dans lesquelles elles ne sont pas présentes et pour leur permettre de stabiliser leur position et de s’installer", avance-t-il.

Autre patron qui voit d’un bon œil la baisse du taux d’imposition de la TDL, Stéphane Gavietto. Le directeur général de Socimat et Sotapor s’engage à répercuter sur les prix, la baisse des taxes allant jusqu’à 37% sur les matériaux de construction.  

La TDL toujours indispensable ?


En 2019, l’Autorité polynésienne de la concurrence(APC) avait conclu dans son rapport que "la protection de l’industrie locale est légitime et rationnelle si elle est, dès le départ, temporaire". L’APC rejoint ainsi les analyses réalisées par les économistes du territoire.  
Avec 1,794 milliard cfp de recettes générées en 2022 et 2,130 milliards cfp attendus fin 2023, la suppression ou la révision du taux d’imposition de la TDL aura pour effet mécanique d’augmenter la consommation, de permettre aux entreprises locales d’engranger plus de bénéfices et de payer davantage de recettes fiscales. 
En parallèle, si l’entreprise se développe, elle pourra créer de l’emploi. 

Le reportage de Titaua Doom :