Le "chalutier-cocaïne" mexicain va-t-il couler dans le port de Papeete ?

Le "Raymi", chalutier mexicain battant pavillon espagnol, commence à gîter, au quai de Papeete.
En décembre dernier, un chalutier mexicain a été intercepté avec 524 kg de cocaïne à son bord. Les marins sont en détention provisoire dans l'attente de leur procès. Mais le navire pose un sérieux problème : des gaz toxiques se dégagent des produits de la pêche en putréfaction et le bateau commence à gîter. Le Port Autonome redoute qu'il ne finisse par couler sur place. Problème : il n'est en fait pas entre les mains de la justice. Explications.

En décembre dernier, la gendarmerie et la Marine Nationale avaient saisi 524 kg de cocaïne sur le "Raymi", un chalutier mexicain battant pavillon espagnol. Les 14 marins avaient été interpellés et placés en détention provisoire. Ils attendent leur procès en Polynésie.

Trois mois plus tard, le navire est toujours au quai de Papeete. Il commence à gîter. A son bord, toute la cargaison est restée telle quelle : "des essences, des poissons congelés qui ont décongelé et qui sont venus sur un bord," nous indique-t-on, ce qui fait pencher le navire. "Il va finir par cabaner !" s'inquiète un spécialiste, c'est-à-dire que l'embarcation risque de se renverser. Les poubelles sur le pont débordent et ont été percées par les animaux. L'odeur pestilentielle saisit à la gorge et embaume les alentours. Mais au-délà de la gêne olfactive, il s'agit surtout d'émanations de gaz toxiques, "ça craint", résume-t-on du côté du Port Autonome. Car le Port s'inquiète sérieusement du sort du bateau et redoute qu'il ne coule à quai. "Tout le monde est informé et préoccupé : la Diren, le Haut-commissariat, le Pays, le Port, le Parquet..."

Une société de nettoyage industriel a été sollicitée. Le travail est important. "Il faut vider les cales avec un camion-pompeur, dégazer avec des personnes qui entrent dans les espaces confinés en combinaison et avec des masques, pour vider les cales, vider le gasoil, etc." Une prestation coûteuse qui dépend du nombre de cuves et de personnes à prévoir pour l'intervention, "ça se chiffre en millions", nous indique-t-on. Selon nos informations, l'Etat n'aurait pas encore donné de suite à ce devis.

Car le principal problème est juridique. Ou réside plutôt dans l'absence de cadre juridique. Le "Raymi" n'a pas été saisi pour la procédure judiciaire. Un bien est en effet saisi soit à titre de preuve pour expertises (ce qui n'était pas le cas dans cette affaire), soit pour être confisqué, comme une sanction. A condition que la confiscation soit intéressante financièrement. Le Parquet nous précise que "c'est le même problème avec des voitures, par exemple. Tout dépend de leur valeur". Le bien n'est pas saisi si cela coûte plus cher en terme de gestion que la revente en elle-même. Autrement dit, le "Raymi" n'est pas entre les mains de la justice. Il faut donc désormais identifier son propriétaire ou déclarer le bateau abandonné, ce qui sont de longues procédures. 

2 ans avant d'être vendu aux enchères

En 2022, un voilier sloop de 15 mètres en provenance du Panama et à destination de l'Australie avait été intercepté par les douanes en Polynésie, avec 423 kg de cocaïne à son bord. Après le procès et la condamnation des trafiquants, les douanes l'avaient remis en état, notamment au niveau de la couchette du capitaine qui avait servi de cache pour la drogue. Ce n'est qu'en 2024 que le sloop a pu être revendu aux enchères. Le processus est donc long et demande un long suivi à posteriori de la saisie.

A la différence des voiliers précédents impliqués, il s'agit cette fois d'un chalutier avec des produits de la pêche à l'intérieur qui ne pourront pas attendre plusieurs années.