Historique, mythique, iconique, les adjectifs pleuvent pour désigner un hôtel devenu aujourd’hui une institution dans le paysage touristique polynésien. Du Travelodge au Park royal en passant par le Beachcomber, l’actuel Intercontinental Tahiti a vécu 50 années d’agrandissement. "En 1980, il n'y avait pas le motu et les bungalows, c'était plat et les cocotiers poussaient, ils sont grands aujourd'hui", se souvient Charles Mahuru, responsable du buffet de l'hôtel.
Des innovations culturelles également, comme les fameuses "soirées merveilleuses" de la belle époque qui font la nostalgie des employés d’aujourd’hui. "Le défi a été relevé par le directeur de l'époque...Avec une centaine de chaises en plastique, des tables en bois et du contreplaqué cloué pour faire une piste de danse, on a commencé la soirée merveilleuse", relatait il y a quelques années Hina Pankowski, ex-responsable de l'animation. "Il y avait la plage et on faisait le menu de la soirée merveilleuse sur la plage. A l'époque il y avait un orchestre, l'orchestre du Tahiti Beachcomber...", raconte Charles Mahuru.
Après 43 ans de service, Charles ne se verrait pas travailler ailleurs. Le responsable du buffet de l’hôtel a vu défiler bon nombre de directeurs, dont un Britannique. "Le premier directeur, c'était un Anglais, typiquement anglais avec le tea time de l'après-midi (!). [Avec lui], c'était vraiment une évolution des clients dont certains venant d'Angleterre, voyaient qu'il était chez lui à Tahiti !", poursuit Charles.
De son côté, Louisa Huck totalise elle aussi 43 ans de maison. Originaire des îles Cook, sacrée meilleure employée du mois en 2007, elle est passée du secrétariat à la comptabilité. Ne parlant pas un mot de français à son arrivée, elle est reconnaissante de son parcours : "Je suis une membre active de cet hôtel et en même temps je l'ai vu changer, il m'a inspiré beaucoup de choses. Avec nos familles, on est arrivé ici, on a eu notre contrat...C'est cet hôtel qui nous a donné une chance pour construire, pour avoir nos enfants, pour les élever, pour aller plus loin dans la vie. C'est grâce à cet hôtel tout simplement".
Le reportage de Caroline Farhi :
Mais les époques n’ont pas toujours été de tout repos pour la chaîne d’hôtels. En 2020, après 5 conflits sociaux, le taux d’occupation de l’Intercontinental Moorea tombe de 50 à 10%. Les grèves à répétition ont eu raison de l’hôtel de l’île sœur qui sera sacrifié faute de visibilité. Ses 190 employés seront licenciés. "On est le seul hôtel à être sacrifié dans la chaîne Intercontinental", déplorait à ce moment-là une salariée gréviste. "C'est vraiment la mort dans l'âme que nous prenons cette décision douloureuse, mais elle est tout simplement inévitable, si nous voulons conserver les 800 autres emplois de notre société", indiquait de son côté Richard Bailey, PDG du groupe Pacific Beachcomber.
Contre vents et marées, l’établissement de Tahiti s’assure de son côté une réussite commerciale. Elle provient à la fois du site paradisiaque de l’hôtel mais aussi de l’esprit d’équipe en progression. A travers les cinq décennies, le nombre d’emplois est passé de 140 salariés à 350. Le nombre de visiteurs, lui, évolue doucement. Le gouvernement polynésien espère atteindre les 600 000 touristes, un objectif mal ciblé selon le PDG du groupe. "Ce qu'il faut cibler, c'est l'impact PIB du tourisme sur le pays. Or nous avons un PIB plus important que Fidji déjà, alors que lui a 1 million de touristes. Donc dans nos hôtels par exemple, nous nous focalisons sur le chiffre d'affaires. Pas sur le nombre de touristes que nous accueillons", insiste Richard Bailey.
Aujourd’hui à la tête de l’Intercontinental Tahiti, un tout nouveau directeur vient d’arriver. Une vision de l’accueil des visiteurs en perpétuelle évolution. Elle sera couplée à la nouvelle feuille de route présentée par Tahiti tourisme. Son objectif : le respect du patrimoine culturel et environnemental polynésien.