"Je reprends le flambeau qui a été le tien, celui de Jean-François Carenco avant toi, Yaël Braun-Pivet, Sébastien Lecornu et Annick Girardin, que je salue, tous". S'adressant à son prédecesseur Philippe Vigier vendredi, lors de sa prise de fonction, Marie Guévenoux a pris soin de citer les cinq ministres des Outre-mer d'Emmanuel Macron l'ayant précédée depuis l'élection présidentielle de 2017.
Pour les élus des territoires ultra-marins, c'est justement là que le bât blesse, à l'heure où les tentations indépendantistes reprennent de la vigueur et le Rassemblement national fait des scores record.
"Repartir à zéro"
"Il n'y a rien de nouveau. On a une personne qui est nommée et ne maîtrise pas les sujets : on va devoir repartir à zéro, réexpliquer les choses, et c'est fatiguant à force", regrette auprès de l'AFP le député de Guyane Davy Rimane (groupe GDR, à majorité communiste), à la tête de la délégation aux outre-mer à l'Assemblée nationale. "C'est une femme affable, sympathique, souriante", résume le député de Guadeloupe Olivier Serva, ancien président de cette délégation. Mais "elle ne connaît pas les problématiques ultramarines(...). En tout cas, je ne l'ai pas vue à la délégation et de mémoire elle n'est pas intervenue, ou pas beaucoup, sur les problématiques ultramarines". Le problème est même plus profond, selon cet ancien député macroniste passé en 2022 dans le groupe Liot : "Dans ce gouvernement, il n'y a aucun ultra-marin. C'est pour le moins un désintérêt et (...) plutôt du mépris". "Voici la considération que ce gouvernement a pour les outre-mer", renchérit le député martiniquais (Nupes) Jiovanny William, tandis que les socialistes de Guadeloupe et Martinique ont dénoncé, dans un communiqué commun, une "valse des interlocuteurs" qui "ne peut que renforcer le sentiment des élus et des populations d'outre-mer d'un manque de respect". Ton similaire à La Réunion où, "sans préjuger des qualités de Madame Guévenoux", la sénatrice Audrey Bélim a jugé "regrettable qu'elle soit la quatrième ministre déléguée aux outre-mer depuis mai 2022".
Ministère "tutellisé"
Très impliqué dans les dossiers ultra-marins et ministre de tutelle de Marie Guévenoux, Gérald Darmanin avait affirmé début février, lors d'un colloque sur les outre-mer organisé à Paris, que "les ultra-marins voient qu'ils ont un ministre bien placé dans la hiérarchie gouvernementale pour avoir des arbitrages". "Il y a évidemment un travail plus fin à faire (...), un travail institutionnel, d'écoute", avait-il ajouté pour résumer le rôle à ses yeux du ministre délégué chargé des Outre-mer.
Une "marginalisation et tutellisation d'un ministère" qui n'est pas du goût du sénateur guadeloupéen et ex-ministre des Outre-mer Victorin Lurel, qui a regretté dans un communiqué "le manque de considération et d'ambition du pouvoir pour les outre-mer" et souhaite "une feuille de route claire" pour un ministère mis à mal "par une malheureuse valse gouvernementale".
Dans son discours de passation de pouvoir rue Oudinot, au siège du ministère des Outre-mer, Marie Guevenoux a assuré ne pas partir "d'une feuille vierge", disant vouloir s'appuyer sur les conclusions du Comité interministériel des outre-mer (Ciom), lancé sous Philippe Vigier. "Je suis une femme d'écoute, je crois au dialogue et je ne crois pas aux vérités toutes faites élaborées seule dans un bureau", a-t-elle ajouté.
Elle étrennera son nouveau costume par un déplacement dans les jours à venir à Mayotte, en proie à l'insécurité, puis en Nouvelle-Calédonie avec Eric Dupond-Moretti et Gérald Darmanin.