Riz, pâtes, soupes instantanées, thon en boîte…c’est généralement ce qui compose les repas quotidiens des étudiants. Car ils n’ont pas de quoi se payer autre chose. “Je fais ma liste, quand ça dépasse, j’enlève quelque chose. Il faut faire des choix. Moi qui déteste les pâtes, je ne fais que manger des pâtes depuis le début de l’année, Ce n’est pas cher, j’ai appris à les apprécier !” témoigne Heireina Teagai.
Étudiante en première année de licence lettres et arts, la jeune femme de 18 ans est originaire de Bora-Bora. Son père travaille dans le BTP et sa mère est cantinière. Heireina touche une petite bourse de 20 000 francs (165€) et son loyer lui en coûte autant. Normalement, elle peut bénéficier d’une aide au logement (ALE) mais comme la déduction n’intervient qu'en fin d’année, Heireina préfère payer plein tarif. Reste l’abonnement téléphonique et la facture d'internet à régler.
Le précieux soutien familial
L’étudiante vit avec l’argent que ses parents lui envoient chaque mois, entre 20 000 et 30 000 francs (entre 165 et 248€). Ses dépenses se limitent au strict nécessaire. “Je ne sors jamais [au bar ou en boîte], je ne veux pas rajouter des charges supplémentaires à mes parents. C’est vraiment dommage que toutes les charges des parents ne soient pas déduits du salaire dans le calcul de la bourse” regrette-t-elle.
Heireina n’a aucun moyen de locomotion. Heureusement, sa tatie l’emmène faire ses courses en voiture. Elle peut également compter sur l'aide de sa marraine : “je suis reconnaissante, beaucoup n’ont pas la chance d’avoir une famille comme cela.”
Le manque d'aide(s)
À quelques pas de chez elle, nous rencontrons Luna et Herenui dans les nouveaux bâtiments du CHE, qui disposent d'un accès gratuit à internet.
Les deux colocataires ont la chance d'avoir leur permis et leur voiture. Mais leur véhicule engendre des dépenses supplémentaires... Pour rentrer dans leurs frais, les deux étudiantes ont dû rapidement trouver un job étudiant. Toutes deux boursières, elles bénéficient de l’aide au logement et ne paient que 2 000 francs (16€) de loyer chacune.
Herenui préfère sauter des repas pour économiser. Elle compte entièrement sur le restaurant universitaire le midi, où le déjeuner complet coûte seulement 120 francs. Luna, quant à elle, fait passer son alimentation en priorité car elle pratique une activité physique régulière. Comme Heireina, les deux colocataires ont mis les sorties de côté. “Les étudiants manquent clairement d'accompagnement, surtout financier” soulignent-elles.
La prostitution ou l'armée...
Helena et Aurore, qui vivent deux bâtiments plus haut, partagent le même avis. La première perçoit une bourse du territoire, à hauteur de 40 000 francs (331€). “Depuis que je suis étudiante, j’ai changé ma façon de m’alimenter. Je ne mange plus de viande parce-que c’est trop cher” détaille Helena. Elle a trouvé un job étudiant à la bibliothèque universitaire mais c’est loin d’être suffisant. Elle nous avoue qu'elle a parfois recours à la prostitution pour avoir un complément de revenus. Étudiante en troisième année de licence, Helena songe depuis quelque temps à s’engager à l’armée pour accéder à un meilleur niveau de vie.
Sa voisine, Aurore, est originaire des Marquises et n’est pas éligible à la bourse. Son père est agriculteur et lui verse 100 000 francs (828€) tous les trois mois pour qu’elle puisse poursuivre ses études. “C’est démotivant, je pense à mon papa. Au point où je pense à arrêter mes études pour rentrer aux Marquises et l’aider…”
C’est malheureusement le cas pour beaucoup d’étudiants, surtout ceux des îles…Et l’armée est une échappatoire aux yeux de nombreux jeunes Polynésiens.