Une première depuis vingt ans. En deux décennies, jamais autant de demandes de censure de livres n'ont été formulées aux Etats-Unis, a averti jeudi l'Association des bibliothèques américaines, dans un contexte de polarisation culturelle croissante dans le pays.
Ces tentatives de retrait de livres des rayonnages concernent surtout les ouvrages traitant de questions liées à la communauté LGBT+ et aux minorités, selon l'ONG. En tout, 1 269 demandes de censure visant un ou plusieurs livres ont été déposées sur le territoire américain l'an passé, contre 729 en 2021, année qui avait déjà établi un record, selon un communiqué de l'association, qui recense ces données depuis 2003.
Les ouvrages ciblés sont au nombre de 2 571, contre 1 858 en 2021. La grande majorité (86%) sont des livres de littérature jeunesse, et plus de la moitié (58%) concernent des livres enseignés ou disponibles à l'école.
Une "police autoproclamée du livre"
"Nous observons que ces requêtes proviennent de groupes organisés de censure, qui prennent pour cible les conseils d'administration des bibliothèques locales pour demander que soient retirées une longue liste de livres", a dénoncé Deborah Caldwell-Stone, en charge de la liberté intellectuelle au sein de l'association, citée dans le communiqué.
L'objectif de cette "police autoproclamée du livre" est "d'effacer les voix de ceux qui sont généralement exclus des conversations de notre nation, comme les personnes de la communauté LGBTQIA+ ou les personnes de couleur", a-t-elle fustigé.
La publication de ces données intervient alors que des Etats conservateurs américains s'attaquent de façon plus frontale aux livres traitant de sujets allant du racisme à l'identité de genre. Selon leurs détracteurs, ces oeuvres incitent notamment les enfants blancs à se voir comme des oppresseurs des minorités.
Le roman "Beloved", un classique de la romancière afro-américaine Toni Morrison, a notamment été pris pour cible. Prix Pulitzer en 1988, il raconte l'histoire d'une ancienne esclave qui choisit de tuer son enfant pour lui éviter de subir à son tour les atrocités de l'esclavage.