Les tomates, des légumes qui valent de l'or !

A l'heure où l'on ne cesse de parler de lutte contre la vie chère et d'autonomie alimentaire, de tels prix font réfléchir.
1500 cfp le kilo de tomates. Jamais ces légumes n'ont coûté aussi cher en Polynésie. La faute à la pénurie due aux dernières intempéries. L'offre ralentit, pas la demande. Du coup les prix explosent. Des commerçants les affichent tel quels, d'autres non et préfèrent vendre les tomates par paquets. Chacun sa technique. Mais c'est aux clients d'être vigilants.

1500 cfp/kg le kilo de tomates au marché de Papeete ! Plus de deux semaines après les fortes précipitations qui ont touché la Polynésie, les conséquences du mauvais temps se font ressentir sur le panier de la ménagère. Les producteurs de tomates n'arrivent pas encore à fournir les quantités habituelles, alors que la demande ne faiblit pas. Résultat : la pénurie de légumes est là, les prix flambent. Notamment ceux des tomates.

Manania Manutahi, revendeuse au marché de Papeete, en sait quelque chose. Que ses tomates soient importées ou produites localement, le prix est fixé à 1500 cfp/kg. Pour les tomates importées, elle les achète "à 700 cfp/kg. Sans compter la chambre frigorifique [pour le stockage] et l'emplacement [au marché]". Pour les tomates locales, "des fois j'achète à 1020 cfp/kg, parfois 950 cfp, et je les vends toujours à 1500 cfp/kg...Il faut que je gagne un peu dessus", avoue-t-elle en rigolant.

"Ne pas regarder le prix"

"Les tomates, c'est de l'or maintenant !", lâche-t-elle, "si tu veux bien manger les tomates, tu vas acheter, mais faut pas regarder le prix !" En cette période de pénurie, leur prix a de quoi en dissuader plus d'un. Mais "quand c'est la saison, là on baisse le prix", dit-elle pour rassurer. Ses clients, "des snacks, restaurants ou les petits Tetuanui, ils achètent quand même". Souvent, par résignation. Pas vraiment le choix, donc.

Au marché de Papeete, les clients ont tout intérêt à comparer les prix d'un stand de légumes à l'autre.

Car que ce soit dans les magasins, où les tomates sont classées en PPN, donc sans TVA et avec une marge plafonnée, le prix tourne autour des 1020 cfp/kg, ou au marché, les prix restent toujours trop élevés. 

Ce qui surprend les visiteurs. Stéphane, un Allemand de passage au marché et qui vit en Polynésie depuis un an, s'étonne de voir que les gens continuent à payer autant. "Je ne sais pas comment ils font pour acheter tout ça. J'achète des tomates quand même, plutôt vertes pour les garder un peu, je prends aussi des mangues, des bananes...ça fait une grande partie du budget. [Combien ça coûte en Allemagne ?] Un tiers du prix d'ici ! J'y suis retourné à Noël, pourtant ce n'est pas la saison, les prix dans les supermarchés sont d'1/3 par rapport à ceux d'ici", constate-t-il.

Stéphane, un touriste allemand, surpris par les prix des légumes en Polynésie.

De là à dire que les tomates sont un produit de luxe, il n'y a qu'un pas. C'est ce que pense aussi Eric, un touriste de métropole, rencontré à un snack du marché spécialisé dans des plats à base de poisson cru ou des salades. Ce matin-là, il prend justement une salade aux crudités, avec de belles rondelles de tomate. 500 cfp la barquette, plus que raisonnable. S'il avait dû acheter les tomates au kilo pour se la préparer lui-même, le prix aurait été tout autre. "1500 cfp soit 12 euros le kilo !", répond-il, "en métropole cet été, même si c'était un peu cher, c'était à 6 euros (715 cfp) maximum". 

Vente au paquet

Au marché de Papeete, d'autres stands de légumes n'affichent pas tous des prix au kilo afin de ne pas trop rebuter la clientèle. Hinatea Hatitio vend ses tomates par petits paquets de 300 cfp ou de 500 cfp. "La plupart des clients, ce qu'ils cherchent, c'est pas vraiment la quantité. Des fois ils ont juste besoin d'une tomate ou deux, juste pour faire le poisson cru", explique-t-elle. "Si c'était moi qui devais acheter les tomates à 1500 cfp/kg, je ne les achèterais pas, je ne préfèrerais pas en manger !", reconnaît la jeune femme. "Nous, on préfère mettre 300 cfp, parce que ça part mieux, et comme on a des livraisons régulières, du coup c'est pas la peine de garder nos tomates, c'est mieux de liquider. Même si tu gagnes moins, c'est pas grave, au moins tu gagnes toujours...Pénurie ou pas, le kilo de tomates sera toujours cher chez nous, parce que l'agriculteur ne baisse pas les prix".

Hinatea, à droite, préfère vendre ses tomates par paquets.

Produit de base, en ces temps de pénurie la tomate coûte aujourd'hui désormais aussi cher que le pitaya ou le thon blanc !

Pour autant, les commerçants qui l'utilisent régulièrement ne répercutent pas nécessairement la hausse récente. Une manière de garder leur clientèle. "C'est compréhensible, il y a les intempéries, mais nous on ne bouge pas [les prix], c'est mieux. Les producteurs, c'est vrai augmentent leurs prix, mais pour combien de temps ? On préfère laisser comme ça, tel quel, et puis on verra par la suite. On peut récupérer par la suite", remarque Roseline, serveuse dans un restaurant situé tout près du marché. Un geste commercial, car "il ne faut pas taper [constamment] sur les clients".

Dans le restaurant où travaille Roseline, comme d'autres, les plats avec des tomates n'ont pas augmenté à cause de la pénurie.

Nos voisins calédoniens ou wallisiens n'ont pas à rougir de leurs tomates. Là-bas, le prix du kilo est déjà à 1600 cfp. Jusqu'où va-t-il grimper ?