Manuel Valls samedi en Nouvelle-Calédonie : colère des loyalistes, espoir des indépendantistes

Manuel Valls, ministre des Outre-mer.
Après de premières discussions bilatérales à Paris, Manuel Valls arrive samedi en Nouvelle-Calédonie avec une mission ardue : rétablir un dialogue entre l'État et les forces politiques locales, dans un archipel meurtri par les émeutes de 2024 et profondément divisé entre loyalistes et indépendantistes.

L'ancien Premier ministre, bon connaisseur du dossier calédonien, doit rester une grosse semaine sur le territoire français du Pacifique sud, où il prévoit de rencontrer les acteurs politiques, économiques et associatifs, mais aussi se déplacer autant que possible. "Il faut apaiser par le dialogue" et "ne pas précipiter les choses", a-t-il martelé sur France Info avant son départ, en expliquant sa méthode pour tenter d'aboutir à un accord politique entre indépendantistes et non-indépendantistes.

"Non, c'est non !"

Mandaté par le Premier ministre François Bayrou, Manuel Valls dit s'inscrire dans la continuité des accords de Matignon (1988) et Nouméa (1998), censés mener à "une souveraineté pleine et entière" de la Nouvelle-Calédonie. "Ce chemin, nous devons l'achever et l'État, impartial, en est le garant", a-t-il assuré à des journalistes après de premières discussions bilatérales début février à Paris, où il a reçu chacune des formations politiques du territoire. Mais en affirmant que les accords de Nouméa "s'imposent", Manuel Valls a provoqué la colère des loyalistes.

Les principaux partis non-indépendantistes, Les Loyalistes et le Rassemblement-LR, dénoncent un déni des trois référendums d'autodétermination de 2018, 2020 et 2021, tous remportés par le "non" à l'indépendance. En tenant ces propos, "Valls valide le discours de ceux qui ont pillé, brûlé et détruit la Nouvelle-Calédonie", a accusé un communiqué loyaliste. Le député Nicolas Metzdorf et la présidente de la province Sud, Sonia Backès, ont intensifié leur pression au cours d'une réunion publique, mercredi à Nouméa, qui a réuni 2 000 personnes. "On va lui dire: +Manuel, ta pleine souveraineté... No pasarán! Les cadeaux aux indépendantistes, No pasarán! Manuel, tu vas venir, nous écouter et expliquer quelque chose de très simple à la population calédonienne: non, c'est non!+", a lancé Nicolas Metzdorf devant la foule.

Crise politique et économique 

À l'inverse, les indépendantistes du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) voient dans ce déplacement un signe encourageant. La référence du ministre à l'accord de Nouméa, qui a doté l'archipel d'un statut unique dans la République française reposant sur une autonomie progressive, a été "un premier élément de satisfaction", a estimé le député Emmanuel Tjibaou durant une conférence de presse à l'Assemblée nationale la semaine dernière. "Le ministre d'État a posé certaines choses qui nous parlent", a renchéri Roch Wamytan, figure historique du camp indépendantiste. Mais le FLNKS n'envisage pas encore d'entrer dans une phase de négociations formelles, Emmanuel Tjibaou ayant expliqué que la délégation présente à Paris devait d'abord rendre compte au bureau politique du Front avant d'aller plus loin.

Au-delà du volet institutionnel, la visite de Manuel Valls comporte une dimension économique cruciale. Les émeutes de 2024, déclenchées le 13 mai par le projet de dégel du corps électoral calédonien contesté par les indépendantistes, ont fait 14 morts, plus de deux milliards d'euros (238,660 milliards cfp) de dégâts et détruit environ 20% du PIB local. Sur fond d'effondrement du secteur du nickel, moteur économique de l'archipel, la crise a fait bondir le chômage avec 11 600 nouveaux demandeurs d'emploi entre le 31 mars et le 31 décembre dans l'archipel de 271 000 habitants, selon les derniers chiffres officiels.

Contexte explosif

Face à ce désastre, le gouvernement promet un soutien massif mais dont les modalités suscitent le débat sur le territoire. "L'aide doit être dédiée aux entreprises, à la reconstruction des écoles, à la filière nickel", a affirmé Manuel Valls sur Franceinfo. Tous les acteurs concèdent que les chances d'aboutir à un accord sont minces mais dans ce contexte explosif, les attentes sont immenses. "S'il n'y a pas d'accord, on va vers un nouveau 13-Mai", a prévenu Philippe Gomès, le dirigeant du parti non-indépendantiste modéré Calédonie ensemble, en marge des bilatérales à Paris.