Nicole Sanquer : "Depuis notre élection, nous n'avons pas d'interlocuteurs à Paris"

La députée Nicole Sanquer invitée du journal télévisé de Polynésie la 1ère, mercredi 28 août.
Toujours pas de nouveau Premier ministre nommé, le projet de loi de finances 2025 bientôt examiné à l'Assemblée nationale, la position de l'État vis-à-vis de la Nouvelle-Calédonie, la session budgétaire à l'Assemblée de Polynésie, des élections communales en vue... Autant d'actualités politiques nationales et locales abordées avec la députée Nicole Sanquer invitée du journal télévisé de Polynésie la 1ère, mercredi 28 août.

Aiata Tarahu : Comment appréhendez-vous la rentrée parlementaire avec en plus l'examen de dossier de projet de loi de finance 2025 ?

Nicole Sanquer : "Nous sommes plutôt inquiets parce que depuis notre élection, nous n'avons pas d'interlocuteurs à Paris. Nous attendons avec impatience la nomination d'un Premier ministre qui nommera lui-même son gouvernement. Mon groupe LIOT a eu l'occasion de rencontrer à deux reprises le président Emmanuel Macron pour discuter justement sur ce choix de la personne idéale à nommer en tant que Premier ministre. Nous, notre volonté était évidemment de respecter le choix des Français lors des dernières élections, le président de la République a perdu la majorité donc on demande de choisir quelqu'un qui n'est pas issu du clan macroniste mais de choisir une personne politique avec de l'expérience et surtout capable de pouvoir rassembler tous les groupes parlementaires autour des grands sujets qui vont être abordés lors de cette session budgétaire".

Aiata Tarahu : Un candidat de la gauche ?

Nicole Sanquer : "Je sais que la tendance serait à diviser le nouveau front populaire et à pouvoir en extraire une partie pour pouvoir faire cette fameuse majorité. Car nous savons que s’il [nldr : Emmanuel Macron] nomme le mauvais candidat, on va être confronté à des motions de censure successives et finalement à un travail parlementaire qui ne sera pas constructif".

Aiata Tarahu : Cette demande la Nouvelle-Calédonie à l'État de soutenir la collectivité à hauteur de 500 milliards de Fcfp... Est-ce que vous allez soutenir cette demande et est-ce que, selon vous, la solidarité doit jouer ? 

Nicole Sanquer : "Nous avons eu l'occasion de rencontrer l'un de mes ex-collègue Philippe Dunoyer qui était en mission à Tahiti et de discuter de ce plan de reconstruction de la Nouvelle-Calédonie. Aujourd'hui, on assiste à l'élection d'une nouvelle présidente [ndlr : du Congrès] , ce territoire a besoin de plus de sérénité, d'apaisement et surtout de rassembler sur un projet commun. Nous espérons bien sûr que l'État sera à l'écoute parce qu'il y a urgence en Nouvelle-Calédonie de rétablir la paix et surtout d'entamer ces grands projets de reconstruction".

Aiata Tarahu : L'Assemblée de Polynésie entrera elle aussi en session budgétaire mi-septembre avec un nouveau ministre de l'Économie, du Budget et des Finances. Est-ce que pour vous aussi, il était temps que cela change à la tête du ministère ?

Nicole Sanquer : "Il est vrai qu'avec l'ancien ministre des Finances nous avions des difficultés de discussion avec lui parce qu'il était très fermé à nos propositions. Nous espérons évidemment qu'avec Monsieur Dexter, que nous félicitons, les échanges seront beaucoup plus constructifs. Nous avons eu l'occasion de le voir à l'œuvre lors de la dernière séance même si nous n’étions pas tout à fait d'accord avec les nouvelles mesures fiscales qu'il a proposées, on voit qu'il arrive à convaincre le Tavini sur des sujets qui étaient presque tabou, c'est-à-dire la protection du foncier. Il arrive à lever des verrous chez le Tavini parce qu'il sait que l'enjeu est le développement économique. On le soutiendra si nous estimons que les mesures sont bonnes". 

Aiata Tarahu : Comment s'oriente cette session budgétaire ? 

Nicole Sanquer : "Nous attendons surtout la réforme de la PSG [nldr : la Protection Sociale Généralisée] parce qu'aujourd'hui il y a urgence à initier cette réforme. Pour le moment, nous n'avons aucune information et d'ailleurs le même nouveau ministre l'a dit : "ça sera le point à résoudre pour l'année prochaine". Lors du dernier collectif budgétaire, le Tavini a mobilisé toutes les réserves du Pays qui restaient, nous sommes encore inquiets parce qu'il faut aujourd'hui nous présenter un budget avec un cap, avec des orientations et surtout qui réponde aux urgences du moment. Je reviens sur l'une des loi qui a été adoptée par la majorité : les nouveaux dispositifs de l'aide à l'emploi où là nous étions opposés parce qu'on a baissé les indemnités des CAE [ndlr : Contrat d'Aide à l'Emploi] à 60 000 Fcfp alors qu'on sait que la vie est de plus en plus chère. On nous parle d'un retour à la dignité, de contrat non renouvelable, de même un tirage au sort pour avoir un CAE, il faut rester sérieux quand même !" 

Aiata Tarahu : Pensez-vous qu'il y ait eu des concertations sur ce point justement ? Un salaire de 60 000 Fcfp pour un apprenti, ce n'est pas suffisant ?

Nicole Sanquer : "Non, ce n'est pas suffisant. On parle de personnes qui sont éloignées de l'emploi, qui n'ont pas de travail et le CAE c'était une mesure mais avec une formation derrière. Aujourd'hui, ils refusent de voir ça comme une source de revenu et le fait de baisser à 60 000 Fcfp on s'interroge sur l'utilité de pouvoir aider les familles".

Aiata Tarahu : Les débats sont agités, à l'Assemblée il y a énormément de discussions. Sur le supposé délit de concussion évoqué par Moetai Brotherson la semaine dernière, est-ce que vous comptez donner une suite en tant que représentante A Here Ia Porinetia ?

Nicole Sanquer : "Tout à fait. Nous avons posé une question écrite et nous ferons une copie au procureur parce que suivant les dénonciations très précises avec des chiffres très précis du président du Pays, il se doit par l'article 40 de dénoncer, demander une enquête, pour qu'il y ait une suite. Mais nous connaissons aussi notre président, il aime bien lancer comme ça des chiffres et en fin de compte accuser l'ancien gouvernement. Aujourd'hui, on lui demande d'aller jusqu'au bout parce que s'il ne le fait pas, il pourrait être jugé complice."

Aiata Tarahu : Selon vous, en tant que représentante à l'Assemblée, comment récupérer ces sommes qui sont dues à l'OPH par ces familles locataires des logements ?

Nicole Sanquer : "C'est un autre sujet. Ce sont les 2 milliards d'impayés, ils ont commencé en 2004 puisque le président Tavini Oscar Temaru avait demandé de ne plus payer les loyers, il avait rendu gratuit. À partir de là, ça s'est creusé. Je pense qu'il faut vraiment faire du cas par cas, de voir les revenus de la famille, prévoir un échelonnement de cette dette."

Aiata Tarahu : Vous commencez à préparer vos équipes de terrain dans les communes de Tahiti, est-ce que cela veut dire que pour les communales il n'y aura pas d'alliance avec les autres autonomistes ?

Nicole Sanquer : "C'est vrai qu'A Here Ia Porinetia est un tout nouveau parti, nous finissons en 2024 la structure du parti pour avoir des fédérations dans chaque commune, c'est notre objectif. Nous allons démarrer la formation des candidats aux futures élections, nous ne sommes pas opposés à des listes communes dans certaines communes, nous sommes ouverts aux discussions. Mais ce sont les équipes communales qui décideront, ce n'est pas la direction du parti qui va donner une consigne. Nous avons encore du temps, et la formation des candidats aux élections nous permettra de faire des programmes pour les communes réalistes".