Nouvelle-Calédonie : le chef de la CCAT et plusieurs indépendantistes envoyés en détention provisoire en Métropole

Christian Tein, chef de la CCAT (Cellule de Coordination des Actions de Terrain)
Plusieurs militants indépendantistes calédoniens, dont Christian Tein, le chef de la CCAT, soupçonné d'avoir orchestré les émeutes sur le "Caillou", vont être placés en détention provisoire en Métropole, ont annoncé samedi 22 juin leurs avocats qui se sont dits "abasourdis" par la décision d'envoyer leurs clients à plus de 17 000 km de la Nouvelle-Calédonie.

Ces décisions ont été prises par un juge des libertés et de la détention (JLD), appelé à se prononcer sur le sort des 11 personnes interpellées mercredi, dont Christian Tein. Considéré comme le leader de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), il avait été arrêté le 19 juin avec sept autres personnes.

Le procureur Yves Dupas a confirmé à l'AFP des "affectations en Métropole", sans plus de précision à l'issue de ces comparutions à huis clos devant le JLD à Nouméa. Les chefs de mise en examen n'ont pas été précisés. L'enquête vise notamment des faits d'association de malfaiteurs, vols avec armes en bande organisée, complicité par instigation de meurtres ou tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique.

Procédures "exceptionnelles"


Christian Tein doit être incarcéré à Mulhouse (Haut-Rhin) selon son conseil, Me Pierre Ortent, qui a fait part de sa "stupeur". "Personne ne détenait l'information au préalable que la destination serait la Métropole. Ce sont des procédures parfaitement exceptionnelles par rapport au territoire", a-t-il insisté, ajoutant ne "pas avoir d'informations quant à la date exacte du transfert" en Métropole. Les avocats de Christian Tein ont fait appel de cette décision. 

Une autre mise en cause, Brenda Wanabo, chargée de la communication de la CCAT, doit être placée en détention à Dijon, selon son avocat, Me Thomas Gruet, qui s'est dit "extrêmement choqué et abasourdi". Mère de trois enfants, dont le plus jeune a 4 ans, cette militante "qui n'a jamais appelé à la violence", va être séparée de sa famille et est "anéantie", a-t-il souligné.

"Toutes les erreurs dans la gestion de la crise ont été commises de la part de l'institution judiciaire"

Me Gruet - avocat de Brenda Wanabo

Quant à Frédérique Muliava, directrice de cabinet du président du Congrès de Nouvelle-Calédonie Roch Wamytan, elle doit être incarcérée à Riom, près de Clermont-Ferrand, selon son avocate, Me Christelle Affoué, qui dénonce "une décision parfaitement choquante et éprouvante".

"Martyrs de la cause"


"S'il s'agissait d'en faire des martyrs de la cause indépendantiste, on ne s'y prendrait pas autrement", a commenté Me Stéphane Bonomo, avocat d'un autre mis en cause, Gilles Joredie. Joël Tjibaou, un des fils de Jean-Marie Tjibaou, président du FLNKS assassiné en 1989, sera lui fixé sur son sort mardi au plus tard, a indiqué son avocate Me Claire Ghiani. En attendant, il a été placé en détention à Nouméa.

Arrivés au palais de justice de Nouméa samedi, les 11 interpellés ont pu, pour certains d'entre eux, apercevoir quelques instants leurs proches venus les soutenir. La femme de Christian Tein a éclaté en sanglots après avoir pu embrasser son mari, a constaté une journaliste de l'AFP. L'avocat de Brenda Wanabo est revenu peu avant minuit avec une grande valise rose contenant quelques affaires pour sa cliente, avant son départ en métropole.  

Macron exige "la levée ferme et définitive de tous les barrages"

Ces décisions interviennent six semaines après le début des violences qui agitent le territoire français du Pacifique Sud, les plus graves depuis celles des années 1980. Nourries par le vote d'un projet de loi constitutionnel visant à élargir le corps électoral calédonien pour le scrutin provincial prévu fin 2024, ces émeutes ont fait neuf morts, dont deux gendarmes, des centaines de blessés et des dégâts considérables, d'un coût estimé à 1,5 milliard d'euros, selon le dernier bilan.

Le projet de loi ayant mis le feu aux poudres a cependant été "suspendu" le 12 juin par Emmanuel Macron, dans la foulée de la dissolution de l'Assemblée nationale. Dans une lettre aux Calédoniens publiée mardi, le président de la République a exigé "la levée ferme et définitive de tous les barrages" dans l'archipel et "la condamnation des violences sans faux-semblants".

La situation "demeure inadmissible et ceux qui l'ont encouragée devront répondre de leurs actes", avait insisté le chef de l'Etat, qui s'était rendu sur place le 23 mai pour une visite express. La décision d'incarcérer Christian Tein "à 17.000 kilomètres de sa famille" est une "aliénation de ses droits et une grossière et dramatique erreur politique", a jugé samedi sur X (ex-Twitter) le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon.