Pas de magasin Carrefour à Moorea, a décidé l'Autorité de la concurrence

Archives. C'est sur ce terrain qu'aurait dû être construite le magasin Carrefour de Maharepa.
L’Autorité polynésienne de la concurrence interdit, pour la première fois, une opération d’aménagement commercial. La Société Commerciale de Moorea entendait implanter et exploiter un magasin Carrefour à Maharepa sur l’île de Moorea. Cette opération présentait des risques concurrentiels élevés d’éviction de concurrents au détriment de l’animation concurrentielle favorable aux consommateurs. En l’absence de solutions adaptées aux problèmes de concurrence identifiés, l’Autorité a interdit l’opération.

L’Autorité polynésienne de la concurrence publie aujourd’hui sa décision du 23 juin 2022 par laquelle elle interdit l’implantation d’un magasin sous enseigne « Carrefour » d’une surface de vente de 1 830 m2 à Maharepa dans la commune de Paopao à Moorea.
 Il s’agit de la première décision d’interdiction rendue en matière d’aménagement
commercial par l’Autorité.
 L’opération soulève des préoccupations de concurrence. Elle se serait notamment substituée à plusieurs projets concurrents, au détriment de l’animation concurrentielle de la zone et au profit d’un renforcement de la position de leader du groupe Wane sur le marché de la distribution à dominante alimentaire. L’Autorité souligne également un risque de discrimination à l’égard des magasins concurrents qui s’approvisionnent auprès des sociétés du groupe Wane.
 Le groupe Wane n’a pas proposé des mesures correctives adaptées et l’Autorité a
dès lors décidé d’interdire la réalisation de l’opération telle que notifiée.

"Plus petit Carrefour du monde"

C'est sur le terrain de 49 000 m2 acheté par la famille Wane à Maharepa il y a une vingtaine d'années qu'aurait dû être construit le magasin Carrefour, "le plus petit Carrefour du monde", rassurait fin 2021 Nancy Wane. A l'époque, la directrice des enseignes Carrefour indiquait que ce projet devait prendre en compte "beaucoup de problématiques techniques, notamment au niveau du traitement des eaux usées et des eaux pluviales, le terrain marécageux, l'approvisionnement de l'eau...tout ça se prépare avant de faire une demande de permis de construire". 

Farouchement opposées au projet, les associations de protection de l’île. Pas contre le développement, elles redoutaient d'abord une détérioration de l’environnement. "C'est quelque chose de trop grand, et la consultation de la population n'existe pas. C'est parti d'une consultation de nos élus, un maire qui décide avec le conseil municipal de changer le PGA...Est-ce que ce grand Carrefour a été pensé par la population de la Moorea ? Non, pas du tout ! Nous voulons continuer avec les commerçants qui sont là...nous voulons garder l'authenticité de Moorea", s'indignait alors Hinano Murphy de l'association Te Pu Atiti’a.

L'Autorité de la concurrence a donc tranché et décidé que l'implantation d'un magasin Carrefour à Moorea, aussi petit soit-il, aurait ainsi posé des problèmes de concurrence.

En détails, les motifs de sa décision :

"L’opération présente des risques concurrentiels sur le marché de la distribution de produits à dominante alimentaire. Au terme d’une procédure d’analyse approfondie du projet, incluant notamment les observations formulées par certains opérateurs de la zone et commerces déjà présents, l’Autorité a estimé que l’opération présente des risques élevés d’atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution de produits à dominante alimentaire dans l’île de Moorea. La réalisation du projet Carrefour aurait entraîné : (i) le retrait de plusieurs projets de magasins concurrents et une importante perte d’animation concurrentielle pour le consommateur ; (ii) un renforcement de la puissance du groupe auquel appartient la partie notifiante sur le marché aval de la distribution de produits à dominante alimentaire ; et (iii) un risque de discrimination des conditions d’approvisionnement des magasins concurrents auprès des sociétés du même groupe actives sur le marché de l’approvisionnement en produits à dominante alimentaire.

Les potentiels gains d’efficience n’auraient pas permis de compenser les risques liés à l’opération.
Lors de l’examen de la contribution au progrès économique attendue de l’opération, l’Autorité a considéré que l’entreprise notifiante n’a pas apporté la preuve que l’opération envisagée était susceptible d’engendrer des effets positifs en termes d’efficacité économique suffisants pour contrebalancer les risques concurrentiels relevés.

Les remèdes proposés ne sont pas de nature à répondre aux problèmes de concurrence identifiés. Dans un premier temps, l’Autorité a demandé à la partie notifiante de proposer des modifications au projet, en termes de réduction de surface de vente alimentaire et des mesures comportementales (Décision n° 2022-SC-04 DU 6 avril 2022). La partie notifiante a déposé une proposition d’engagements permettant, selon elle, de remédier aux risques identifiés, en proposant notamment de limiter la surface de vente de produits alimentaires du magasin Carrefour projeté à 45% de la surface totale du magasin. Les engagements présentés n’ont pas été considérés suffisants pour écarter les risques concurrentiels identifiés, en particulier le risque de voir ce seul projet se substituer à plusieurs projets concurrents. Dès lors, l’Autorité a décidé d’interdire l’opération."