PORTRAIT. Patricia Rossi, de surfeuse pro à cheffe d'entreprise

JO 2024. Horizon Teahupo'o : Patricia Rossi
Championne de Polynésie à de multiples reprises, championne d'Europe en 2000, médaillée d'or aux Jeux du Pacifique, Patricia Rossi a dominé le circuit polynésien du surf. Elle est aujourd'hui cheffe d'entreprise. Rencontre.

Elle a un palmarès long comme une planche de surf. Patricia Rossi a, pendant des années, collectionné les trophées et les titres. Elle aurait pu être championne de natation comme sa sœur ou sa mère, entraîneure de natation, mais elle a choisi le surf. C'est grâce à son père, professeur de sport et journaliste, qu'elle découvre la discipline. "J’ai suivi mon père en tant que journaliste sur des compétitions de surf et j'ai trouvé que c'était un sport qui me convenait énormément puisque c'était assez marginal et c'était un sport d'eau." raconte-t-elle dans le podcast Horizon Teahupoo.

Rapidement, Patricia Rossi se lance dans les compétitions locales. Elle côtoie les grands noms de la discipline, Vetea David et son frère Moana, ou encore Arsène Harehoe."moi ça m'a plu parce que j'étais la petite coqueluche qui venait d'arriver et ils ont vraiment bien pris soin de moi. Ils m'ont poussée à augmenter mes limites. Et moi je les remercie beaucoup car c'est grâce à eux que j'ai atteint le niveau que j'ai eu".

Surfeuse pro

C'est suite à un drame familial qu'elle décide de se lancer dans la compétition. "J'ai perdu mon père suite à un accident de deltaplane en 1994. C'est lui qui m'avait tout le temps poussée à fond dans le sport. A un moment, il a fallu que je prenne une décision radicale. Je venais de finir mes études en DEUG, et  donc je me suis dit que j'allais me donner les moyens de partir sur le circuit pro et voir ce que ça donne. Et je suis partie. J'ai commencé le circuit professionnel un mois après l'enterrement de mon père."

Les débuts sur le circuit professionnel sont difficiles. "Vetea David venait d'arrêter sa carrière professionnelle. J'étais la seule Tahitienne sur le circuit. Donc, je ne pouvais pas partager les frais de déplacement ou d'hôtel ou de location de voiture sur le circuit car j'étais toute seule."

J'étais payée 53 060 francs par mois. À l'époque, c'est vrai que c'était très, très difficile. Moi, je sais que les quatre premières années de ma carrière professionnelle ont été financées en majorité par mes parents

Patricia Rossi

Horizon Teahupoo - Polynésiela1ère

Financièrement, la situation est compliquée. "J'étais payée 53 060 francs par mois. À l'époque, c'est vrai que c'était très, très difficile. Moi, je sais que les quatre premières années de ma carrière professionnelle ont été financées en majorité par mes parents". À l’époque, les surfeuses professionnelles gagnaient moins que leurs homologues masculins. " En Afrique du Sud, il y avait la Vice-championne du monde qui s'appelait Pauline Mendez, une Australienne. Elle vendait ses planches sur la plage pour se payer son billet de retour. Il y avait beaucoup d'inégalités puisque les garçons gagnaient cinq fois plus que nous à l'époque," raconte Patricia Rossi.

Aujourd'hui la situation a changé. En effet, depuis 2019, la World Surf League (WSL), organisatrice du circuit professionnel mondial de surf, a décidé d'instituer l'égalité des primes de résultats entre hommes et femmes. "Les filles qui surfent sont arrivées dix ou quinze ans trop tôt (..) c'est vrai que les sponsors ne faisaient pas trop confiance aux filles parce qu'on était des garçons manqués, on n'était pas des mannequins, donc c'était difficile de miser sur la beauté d'une surfeuse qui faisait des manœuvres de mecs ou qui agissait comme un mec."

Journaliste, puis cheffe d'entreprise

Après plusieurs années sur le circuit professionnel, elle commence à envisager une reconversion. "Ça commence au niveau des résultats quand on commence à être de moins en moins performant (...) J'étais arrivée à bout et j'avais aussi ma vie de famille. Mon fils commençait à avoir besoin de plus en plus de moi et je pense que les sacrifices étaient suffisants".

Journaliste à la Dépêche de Tahiti, à RFO (l'ancien nom de Polynésiela1ère), à TNTV, elle décide de se lancer dans le business en montant sa propre entreprise. "J'ai essayé d'être salariée d'une entreprise, mais je pense que je ne suis pas faite pour ça. Parce que faire partie d'une équipe, avoir un patron au-dessus de moi quand on vient d'une carrière professionnelle de surf où on est très solitaire et qu'on est assez marginal, c'est compliqué."

Le "black-out" de l'après carrière

Mais la transition n'a pas été facile. Pendant plusieurs années, elle arrête totalement le surf. "J'ai fait pendant 6-8 ans un black-out par rapport au surf" confie-t-elle."Je ne pouvais plus voir le surf, ni à la télé, je n'avais pas de magazine à la maison, j'ai vendu toutes mes planches. Pour moi, c'était une fin de carrière où je voulais fermer la porte et plus jamais en parler."

C'est compliqué pour un sportif de haut niveau d'être au top, d'être mis sur un piédestal par tout le monde, par le public, par le gouvernement, par son pays. Et puis, du jour au lendemain, de retomber dans l'anonymat le plus total

Patricia Rossi

Horizon Teahupo'o - Polynésiela1ère

C'est en se lançant de l'entrepreneuriat que Patricia Rossi prend conscience qu'"elle était douée pour autre chose que le surf". Après plusieurs années de "black-out", elle reprend le surf en dilettante avec quelques surfeuses des années 90.

Le surf féminin aujourd'hui

Aujourd'hui, Patricia Rossi porte un regard optimiste sur le surf polynésien, notamment chez les femmes. En effet, sur les spots, il n'est pas rare de voir des femmes surfer. "Maintenant, il y a de plus en plus de filles qui surfent. On voit des petites gamines de huit-neuf ans surfer. Elles sont cinq ou six, c'est vraiment admirable parce que ça prouve que maintenant elles n'ont peur de rien".

Des surfeuses ont décidé de créer un groupe Messenger pour partager les informations sur les différents spots. Elles sont aujourd'hui plus de 70 membres. "C'est un peu notre surf news à nous, les femmes. Tous les jours à 6h du matin, il y en a toujours une ou deux qui nous disent qu'elles vont surfer. Ça nous motive entre nous." Preuve que le surf féminin en Polynésie se porte bien.

Retrouvez l'interview en intégralité sur notre site :

https://la1ere.francetvinfo.fr/programme-video/sport_horizon-teahupo-o/diffusion/5952777-horizon-teahupo-o-patricia-rossi-de-surfeuse-pro-a-cheffe-d-entreprise.html

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