Pourquoi la pêche à la tortue reste interdite

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La justice pourrait donner un nouveau tour de vis à l’encontre des braconniers de viande de tortue. Quatre pêcheurs encourent, pour la première fois, une peine de prison ferme pour avoir chassé une vingtaine de tortues, en 2019, à Mopelia. Le délibéré sera rendu le 15 septembre. Pourtant, ces sanctions existent depuis toujours dans la loi de Pays. C’est juste la première fois qu’elle pourrait être appliquée.

5 des 7 espèces de tortues marines vivent en Polynésie…Toutes sont aujourd’hui menacées par la pollution, la destruction de leur habitat, le réchauffement climatique (au-delà de 29°C, les jeunes individus deviennent des femelles) ou encore le braconnage. 

En 1971, la Polynésie réglemente la pêche à la tortue pour la première fois. Le texte prévoit alors une taille minimum de 65 cm et une période d’interdiction de la pêche. Mais aussi "l’abattage des tortues doit être effectué dans de bonnes conditions d’hygiène et notamment à l’abri des mouches, de la poussière et de toutes matières polluantes ou infectieuses" (article 8) et "la vente de tortue de mer est interdite dans toute la Polynésie" (article 9).

Autre temps, autres mœurs : depuis 2010, les textes se durcissent et la pêche à la tortue devient tout simplement interdite. Et la Polynésie se porte partie civile, demandant réparation pour préjudice d’image et préjudice environnemental. "Le code de l'environnement interdit la détention, la pêche et la mutilation des espèces protégées dont les tortues, donc quiconque pêche de la tortue peut, en plus d'une peine d'amende, avoir une peine de prison", précise Hinatea Izal, juriste au secrétariat général du gouvernement.

Jusqu’à 17 millions cfp d’amende, la confiscation du matériel et 2 ans de prison ferme. Mais jusqu’à maintenant, les contrevenants écopaient surtout de fortes amendes et de peines de sursis.

1 tortue sur 1000 devient adulte

Les défenseurs des traditions ne décolèrent pas et dénoncent une interdiction aveugle.
En Nouvelle-Calédonie, la pêche à la tortue est également interdite, mais des dérogations existent pour quelques chefferies, avec des quotas et à l’occasion de cérémonies particulières (cérémonie de l’igname, mariages coutumiers, deuils, intronisations de grands chefs). "Il faut laisser les gens vivre leur vie chez eux. Ca n'appartient à personne, à aucune administration. L'administration c'est la vie, ce n'est pas à soutirer du pognon. Aujourd'hui on nous dit de ne pas manger la tortue, et on nous vend des poulets congelés", explique Michel Arakino, plongeur-pêcheur.

Lequel ajoute que cette interdiction est "un viol culturel" :

Dans un édito, le Tavini Huiraatira propose lui, "une évolution de la réglementation, afin que l’élevage dans des proportions raisonnables puissent suppléer les captures illicites".

Une mesure inapplicable à l’heure actuelle, tant que la détention restera interdite par la loi, et alors que seule une tortue sur 1 000 atteindra l’âge adulte.