Ibrahim Ahmed Azhi : Alors pourquoi soutenir la liste besoin d'Europe ? Est-ce que vous avez un argument phare pour vos électeurs, pour les électeurs qui vont se rendre aux urnes ?
Moerani Frébault : Oui, on en a plusieurs, déjà la liste Besoin d'Europe a réuni plusieurs partis, dont le parti Renaissance, ensuite le MoDem de François Bayrou, le parti d'Edouard Philippe, l'UDI d'Hervé Marseille, mais également le Parti radical. Donc, cette alliance qui constitue la liste Besoin d'Europe va siéger au sein du groupe de l'Union, au sein du Parlement européen, qui lui-même sera dans la coalition qui sera très probablement majoritaire lors de ce prochain mandat européen. Donc, si l'on veut pouvoir appliquer nos engagements que l'on prend auprès des électeurs, il faudra forcément bénéficier d'une majorité au sein du Parlement européen.
Sur quels arguments menez-vous campagne ? Vous insistez sur quoi ?
On en a plusieurs. On a un programme national qui se décline en 48 propositions, dont quatre qui sont spécifiques à l'outre mer. Et nous avons décliné ces propositions outre-mer en Polynésie. Nous avons plusieurs points comme la mise en application du Pacte bleu pour mieux protéger nos océans, que ce soit contre les plastiques ou l'extraction minière en eaux profondes, on a une partie sur les droits fondamentaux pour protéger mieux nos jeunes sur les réseaux sociaux, les protéger du harcèlement, notamment pour protéger nos différentes minorités et les femmes.
Nous avons aussi et surtout l'objectif d'augmenter les fonds qui sont destinés à la Polynésie, le fonds européen de développement notamment, en portant l'enveloppe à une capacité 50 % supérieure à celle que l'on bénéficie aujourd'hui.
Alors, moi, je ne vous apprendrai rien en vous disant que ce scrutin, donc les élections européennes, ne passionne pas beaucoup les foules. Comment l'expliquez-vous ?
Les gens souvent se disent que l'Europe est bien loin de la Polynésie et n'ont pas forcément conscience des réalisations concrètes qui ont été effectuées en Polynésie. On se doit donc de faire preuve de beaucoup de pédagogie pendant cette courte campagne, et ceux à qui on peut porter l'explication ressortent souvent convaincus et prêts à aller voter le 8 juin.
Est-ce que ce travail de pédagogie, ne pas aussi se faire hors période électorale ?
Oui, bien sûr. C'est un travail qui doit être constant et on s'attachera à continuer à le faire. On ne s'arrêtera pas au lendemain de l'élection.
Actuellement, dans les sondages hors Européennes, Emmanuel Macron et Gabriel Attal n'ont pas le vent en poupe. Vous n'avez pas peur que les gens calquent l'image du pouvoir en place, l'image de Macron, avec finalement votre image à vous ?
Non, pas du tout. Il y a plusieurs enjeux. Avant tout, les européennes, ce ne sont pas des élections nationales, ce sont des élections européennes. Au niveau européen, les sondages sont extrêmement clairs. Le parti du Rassemblement National est crédité de 11 % des sièges au sein du futur Parlement européen. Donc ils sont ultra-minoritaires. La liste majoritaire en Europe sera bien la coalition majoritaire dont fera partie le besoin d'Europe. Et au niveau local, nous nous attachons également à porter le message et je pense que c'est l'essentiel.
"Près de 7 milliards de francs ont été injectés pour financer les différents projets d'assainissement, que ce soit à Bora-Bora, à Moorea, à Papeete et à Punaauia."
Moerani FrébaultPolynésie la 1ère
Alors on parlait des réalisations européennes il y a un instant. Pouvez-vous nous citer quelques réalisations obtenues ici, en Polynésie, grâce précisément aux investissements européens ?
Oui, il y en a plusieurs. Près de 7 milliards de francs ont été injectés pour financer les différents projets d'assainissement, que ce soit à Bora-Bora, à Moorea, à Papeete et à Punaauia. Nous avons également les projets de développement de la pêche qui ont été financés, la politique sectorielle du tourisme, la politique sectorielle de l'eau. Ensuite, plusieurs programmes régionaux, notamment le financement populaire Erasmus, qui a permis à près de 1800 de nos étudiants de voyager dans les universités et dans les écoles européennes. Nous avons énormément d'exemples et on invite d'ailleurs les auditeurs à s'abonner à notre page Facebook de campagne pour avoir la totalité des informations détaillées et expliquer clairement.
Avez-vous des projets que vous aimeriez amorcer grâce aux financements européens ici en Polynésie française ?
Alors, plutôt que de parler de projets, on va plutôt parler d'enveloppe. Ce qui nous semble fondamental, c'est d'augmenter la capacité financière de la Polynésie. Et pour ça, on souhaite proposer une évolution institutionnelle sur le statut de PTOM. Il faut rappeler qu'on a deux statuts possibles. On a les régions ultrapériphériques ainsi que les pays et territoires d'outre mer.
Nous avons 9 RUP et treize PTOM, et les RUP ont un avantage conséquent qui est celui d'un accès élargi aux différents fonds européens. Si on devait proposer un ratio, on serait de l'ordre de 30 fois les. L'enveloppe financière accordée aux RUP par rapport aux PTOM. Donc, c'est important qu'on fasse évoluer notre statut et qu'on puisse bénéficier de plus de fonds pour les projets, qu'ils soient portés par la collectivité ou par nos communes polynésiennes.
Et comment est ce que vous comptez vous y prendre ?
Ça va faire l'objet d'une vaste consultation, parce que bien sûr, l'ensemble des PTOM sera concerné par cette évolution, mais je pense que notre tête de liste a bien pris conscience de cette nécessité pour notre pays et on espère pouvoir travailler et avoir des résultats extrêmement concrets pendant ce mandat à venir.
Alors je reviens à ma question initiale concernant les projets. Est-ce qu'il y a par exemple un secteur qui mériterait donc d'être développé grâce aux financements européens ?
Et justement, nous avons, pendant cette courte campagne, tourné beaucoup auprès des Tavana notamment. Nous avons sillonné les Raromataì, les Marquises ainsi que Tahiti et Moorea. Ces demandes remontent très souvent de la part des maires, concernant l'eau potable justement, c'est la problématique majeure clairement dans nos communes polynésiennes. Donc avoir accès à plus de fonds serait vraiment bénéfique pour nous, pour nos communes et nos administrés.
Alors il reste très peu de jours avant l'élection, comment battez-vous campagne ?
Alors, on a bien sûr dû s'adapter. On a seulement trois semaines de campagne. Durant les quelques jours qu'il nous reste, nous rencontrons donc nos élus locaux que sont les Tavana de Polynésie. Nous comptons sur eux sur eux, pour ensuite faire ruisseler le message auprès de leurs administrés. Nous avons aussi une forte présence sur les réseaux sociaux, avec des vidéos courtes et explicatives sur le bilan de l'Europe et sur les enjeux à venir.
Et nous rencontrons aussi, lors des différentes réunions, une partie de la population. On a notamment tenu une très belle réunion samedi dernier, un déjeuner-débat avec pas mal de socioprofessionnels. On a réuni près de 230 personnes et ces moments d'échanges sont vraiment importants pour faire avancer la compréhension des choses au niveau de cette élection européenne.
Faire preuve de pédagogie
Lorsque vous rencontrez des jeunes, qu'est-ce qu'ils vous disent par rapport à ce scrutin des européennes ?
Souvent, on a une certaine incompréhension, comme vous l'avez rappelé dans vos reportages, les sujets majeurs qui intéressent le plus la population, les jeunes compris, sont bien sûr le pouvoir d'achat, l'emploi et le logement. Mais ce ne sont pas des domaines sur lesquels l'Europe peut agir directement. Donc, on fait preuve encore une fois de pédagogie pour bien expliquer notre programme et les avancées concrètes qui peuvent en découler. Et à côté, sur ces problématiques qui concernent tout le monde, c'est le rôle du gouvernement de faire avancer les choses.
Et est ce que l'Europe peut intervenir, par exemple pour jouer un rôle, un rôle de médiateur ? Pourquoi pas dans un conflit, une crise comme celle que traverse par exemple la Nouvelle-Calédonie en ce moment ?
La crise calédonienne est complexe. Je ne me hasarderais pas à faire de commentaires. La crise est bien spécifique, mais je pense que c'est à l'Etat de régler le problème. On attend la suite et on espère que le dialogue va reprendre et que tout pourra être apaisé pour nos Polynésiens qui vivent en Nouvelle-Calédonie, mais bien sûr pour les Calédoniens également.
En tous les cas, vous pensez que tous les parlementaires, donc de la Polynésie, ou alors d'autres territoires d'outre mer, doivent parler d'une seule et même voix pour à Bruxelles, pour défendre un dossier ?
C'est le message que l'on porte dans cette campagne. Quel que soit l'échelon, on appelle à l'unité justement, de tous les Polynésiens, au-delà des clivages politiques, au-delà des différences générationnelles, pour qu'on puisse tous s'allier pour travailler pour notre pays. Ça, c'est vraiment important. Quelle que soit la problématique, on gagne toujours à être unis, à parler d'une seule voix pour notre pays.
En quelques mots, pouvez-vous expliquer à nos auditeurs, pourquoi est ce qu'il est important de voter pour vous ce samedi 8 juin ?
C'est important de venir soutenir un jeune Polynésien qui s'engage pour ces élections. C'est important de venir soutenir un programme qui pourra être appliqué, qui pourra être réalisé complètement, parce qu'on aura la majorité au sein du Parlement européen. C'est important qu'on s'unisse tous ensemble pour développer notre pays au mieux.
Son interview complète en français :
L'interview complète en tahitien de Naomi Mihiura :