Les propos tenus par l'élue Tavini Sylvana Tiatoa sur "l'inefficacité" de la médecine occidentale sur le peuple Māòhi ont suscité de nombreuses réactions, à la fois des médecins, mais aussi des politiques. Retour sur cette polémique résumée en 4 actes.
Acte 1 : Sylvana Tiatoa tient des propos polémiques en séance publique à l'Assemblée
Vendredi 24 mai, lors de la quatrième séance de la session administrative, l'élue Tavini des Raromatai, Sylvana Tiatoa, prend la parole. Elle s'exprime en tahitien. Son allocution est visiblement préparée puisqu'elle lit un texte. Les débats portent sur la situation de l'hôpital du Taaone. "Ils (NDLR les médecins) ont soigné les Māòhi comme s'ils étaient des Occidentaux. Et ils ont presque réussi à occidentaliser les Māòhi à travers leurs médecines...Aucun médecin n'est capable de guérir les habitants de ce pays. Aujourd'hui, les traitements que l'on utilise ne soignent pas les malades, mais servent uniquement à soulager la douleur. C'est la raison pour laquelle l'hôpital est devenu un gouffre financier. L'argent que nous versons au CHPF ne sert à rien puisque le nombre de malades, voire le nombre de personnes qui meurent ne cesse d'augmenter".
Retrouvez l'intégralité de la déclaration en tahitien de l'élue Tavini Sylvana Tiatoa :
Acte 2 : Les médecins réagissent
Le 27 mai, le conseil de l'ordre des médecins réagit dans un communiqué. "La représentante du Tavini Huiraatira, Sylvana Tiatoa, a tenu des propos racistes, indignes, insultants et surtout d'une incohérence étonnante. Comment peut-on tenir des propos mensongers vis-à-vis du corps médical de l'hôpital et de tous les soignants en général...Comment peut-on croire que des médicaments peuvent transformer les Polynésiens en Popaa?".
Pour le conseil de l'ordre, "ces propos reflètent une méconnaissance et une ignorance de la réalité du travail réalisé tous les jours par les médecins, infirmières, sage femme et par tous les soignants".
Acte 3 : Ia Ora te Nunaa monte au créneau
Ce mardi 28 mai, Ia Ora Te Nunaa publie un communiqué sur sa page Facebook. Le parti condamne les propos tenus par l'élue Tavini Huiraatira, Sylvana Tiatoa. "C'est une fois de plus, une démonstration claire du racisme et de l'inconsistance criante de certains élus Tavini à l'Assemblée...Ce discours est dangereux car relève de la mise en danger d'autrui en invitant les Polynésiens à se détourner du système de santé en place."
Le parti dirigé par Teva Rohfritsch appelle à une réaction du gouvernement et d'Antony Géros. "Comment peut-on affirmer de telles sottises publiquement sans aucune réaction du Président de la Polynésie française, du Ministre de la Santé ou du président de l'Assemblée de Polynésie française".
Acte 4 : Antony Géros se désolidarise
La réponse du président de l'Assemblée de Polynésie française, Antony Géros, ne tarde pas. Ce dernier prend ses distances vis-à-vis des propos tenus par l'élue Tavini. "La représentante Sylvana Tiatoa a exprimé un point de vue et une analyse personnelle susceptible de jeter, à tort, le discrédit sur les missions de service public du Centre Hospitalier de Polynésie Française (CHPF), et sur l’adéquation entre l’offre médicale actuelle et les besoins de la population polynésienne".
"Les propos de Madame Tiatoa, tenus en reo tahiti à l’occasion d’une séance publique de l’assemblée et dans le cadre de ses fonctions d’élue, ne sauraient bien évidemment refléter la position de l’assemblée de la Polynésie française, ni celle de sa majorité politique la composant". Antony Géros poursuit en saluant et en remerciant "le travail souvent difficile" des médecins et de l'ensemble des soignants "au-delà des clivages politiques et ethniques".
Rappelons que ce n'est pas la première fois qu'un élu Tavini tient ce type de propos en séance publique à l'Assemblée. En effet, le représentant Tavini, Mitema Tapati, ainsi que le ministre de l'éducation, Rony Teriipaia, font l'objet d'une information judiciaire qui vise " le délit de provocation publique à la discrimination en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion par une personne chargée de mission de service public". En cause, leurs propos respectifs sur le “blanchissement” de la société polynésienne, tenus en langue tahitienne en séance à l'Assemblée, par Mitema Tapati, le 26 octobre dernier et dans une interview donnée en langue française à Tahiti Infos par le ministre de l'éducation, le 2 novembre.