Quel avenir pour la vanille de Tahiti ?

Une fleur de vanille de l'exploitation d'Yvonne et Henri Vansou, à Tahaa. (11 février 2025)
L'EPIC Vanille de Tahiti n'a pas atteint les objectifs pour lesquels il a été créé en 2003. Dans un rapport accablant, la Chambre territoriale des comptes a recommandé la fermeture de l'établissement. Le ministre de l’Agriculture privilégie, comme la directrice, l'option d'une "restructuration". Qu'en pensent les producteurs ? Réponses dans cet article.

En vingt ans, L'EPIC Vanille de Tahiti n'a pas accompli les missions pour lesquelles il a été créé. À titre d'exemple, en 2020, 40 tonnes de vanille mûre ont été produites, alors qu'un objectif initial de 100 tonnes était fixé. Des aides financières massives ont pourtant été mobilisées en faveur de l'extension d'exploitations existantes ou pour créer de nouveaux sites, rappelle la chambre territoriale des comptes dans son rapport. L'EPIC bénéficie d'un budget annuel de fonctionnement de 354 millions Fcfp en moyenne, qui provient des fonds publics. Aucun label n'a vu le jour non plus depuis toutes ces années alors que le but de cet établissement était de placer la vanille de Tahiti sur la plus haute marche du podium mondial. Inefficace en résumé, et entaché d'un signalement pour des faits de harcèlement moral. 

Vers un "nouvel" EPIC en 2026 ? 

La CTC ne formule qu'une seule recommandation, à savoir la fermeture de l'établissement. Évidemment, il ne s'agit là que d'une recommandation que le Pays est libre de suivre ou pas. "Notre rôle n'est pas de dire 'vous devez fermer' mais au moins de bouger les lignes et que les gens se posent des questions. Est-ce que ça vaut le coup d'avoir ce type d'organisme ? Ce n'est pas à la chambre de répondre. Il y a un ministre de l'Agriculture qui connaît notre position et c'est à lui de prendre des décisions pour continuer l'activité de l'EPIC. Il est président du conseil d'administration de l'EPIC donc qu'il prenne les mesures qui lui semblent favorable pour que la vanille prospère" lance Jean-Luc Le Mercier, président de la chambre territoriale des comptes de Polynésie. 

La vanille est revendue à 80 000 Fcfp le kilo.

Le ministre a justement présenté son point de vue. Il va dans le sens de la directrice de l'EPIC qui conteste l'analyse faite par la CTC et propose de restructurer l'établissement. Taivini Teai annonce une grande consultation avec les acteurs de la filière au mois de mai. "C'est sûr, ce ne sera plus l'établissement Vanille de Tahiti. Je vois un établissement qui va se consacrer aux plantes à haute valeur ajoutée dont fait partie la vanille" qui devrait éclore en 2026, détaille le ministre de l'Agriculture. 

"La filière a besoin d'un établissement" défendent les producteurs

Les producteurs de vanille penchent unanimement en faveur d'une option de restructuration même s'ils sont d'accord avec l'analyse présentée par la Chambre. Ils ne constatent pas non plus d'amélioration au niveau de la filière. Aujourd'hui, le kilo de vanille vaut 80 000 Fcfp : le prix local flambe à cause d'une production insuffisante par rapport à la demande. Mais les agriculteurs reconnaissent l'utilité de l'EPIC en termes d'accompagnement juridique et administratif. "La filière a besoin d'un établissement mais il est urgent que l'EPIC s'améliore. Quelle que soit la solution on y sera favorable", indique Francky Tauatiti, vanilliculteur de Raiatea qui produit environ une tonne de vanille par an.  

En tant que professionnels, on a besoin d'être accompagné par un service administratif pour le controle qualité, la loi de pays etc.

Francky Tauatiti, cultivateur de vanille à Raiatea

À Tahaa, sur l'île vanille, Yvonne Vansou partage cet avis. "Je trouve ça dommage de devoir fermer l'EPIC. Peut-être qu'il faut plutôt apporter des améliorations. Mon mari est dans la vanille depuis 20 ans. On a rencontré beaucoup d'obstacles mais aujourd'hui il se débrouille dans sa production" relate l'agricultrice. Avec son mari Henri, ils produisent environ une demi-tonne par an.

Yvonne Vansou dans la serre de son mari, Henri, à Tahaa.

De son côté, le directeur de la Chambre territoriale des comptes à l'origine du rapport sur l'EPIC reste sceptique quant à une potentielle restructuration. "La directrice répond qu'elle compte redresser les comptes d'ici à 2028 mais je rappelle que cet établissement existe depuis 2003 et que notre contrôle a été effectué en 2024. Et on me parle de renforcer l'autonomie financière... On n'a toujours pas de label... Pendant que la croissance de la production de la vanille existe dans le monde, chez nous elle chute, au mieux elle stagne. Ce n'est pas bien. Comme on donne des subventions, il devrait y avoir une amélioration significative de la production ou des exportations. Madame Vongey n'est directrice que depuis 2023 mais elle était avant dans cet établissement en charge de la labellisation pour obtenir le label vanille de Tahiti...", lequel n'a pour rappel jamais été obtenu.  

L'avenir de l'Epic Vanille de Tahiti avait déjà été abordé à l'Assemblée de Polynésie lors de l'examen du Budget. La décision finale reviendra au ministre de l'Agriculture qui tient à rappeler que 40 employés et donc 40 familles dépendent de cet établissement.