"Le bateau a été emporté sur le récif, le capitaine n'a pas eu le temps de démarrer son moteur et déjà certains ont commencé à sauter à l'eau". Christophe Holozet se souviendra toujours de la première compétion à Teahupo'o. Il en était l'organisateur. A l'époque, il n'y avait pas de scaffolding pour accueillir les juges. Christophe Holozet décide de faire appel au Aremiti 2, le catamaran qui faisait le transport de passagers entre Tahiti et Moorea. "On a mis tout le monde sur le bateau, les compétiteurs, les juges, les médias, la sécurité, la restauration : tout était sur le bateau".
C'est donc à bord du Aremiti que les compétiteurs découvrent la puissance de la vague de Teahupo'o. "Il y avait au moins 200 à 300 personnes sur le bateau. Nous sommes partis du quai de Vairao et lorsque nous avons approché la passe de Hava'e, nous avons pu voir les premières vagues dérouler du fond. C'était la folie sur le bateau. Les compétiteurs voulaient tous sauter à l'eau."
Le Aremiti finit sur le récif
Au troisième jour de compétition, le temps est mauvais et la houle est forte. C'est à ce moment-là que l'accident a eu lieu. "Le capitaine a fait une erreur en lâchant son ancre avant de démarrer son moteur. C'est un grosse erreur.
"Le bateau a commencé à dériver vers le récif, mais au moment où le capitaine a voulu démarrer le moteur, les gens ont commencé à sauter à l'eau"
Christophe HolozetHorizon Teahupoo - Polynésie la 1ère
C'est la panique à bord. En voyant le Aremiti s'approcher du récif, les passagers préfèrent sauter à la mer. Heureusement, le capitaine, malgré son erreur, ne panique pas. "Comme c'était des moteurs de Jet, ils risquaient d'aspirer les nageurs (...) il a laissé faire, et le bateau est parti sur le récif, il s'est posé sur le récif". Le drame a été évité car il n'y a eu aucune victime. "Tous ceux qui ont sauté à l'eau ont été secourus, même les photographes, et tout le monde est sorti sain et sauf".
Plus de peur que de mal pour cette première compétition de surf à Teahupo'o. Le Aremiti est resté entre trois et quatre jours sur le récif avant d'être retiré. Les organisateurs ont tout de même réussi à finir la compétition. "On a été obligé de terminer la compétition avec des petits bateaux, on a mis les juges et les médias sur des poti marara. Le temps était mauvais, mais les vagues étaient là. On a fait comme on pouvait. Ca a été assez difficile" raconte Christophe Holozet.
Une première qui a failli être la dernière
Selon le site de Redbull,l'ASP (l'ancien nom de la WSL NDLR), qui organise à l'époque le tour mondial, a failli ne jamais revenir. "Ils sont revenus facilement" relate de son côté Christophe Holozet. "C'est Gotcha qui a racheté les droits (...) Ils ont organisé la compétition pendant trois ans. Ca a décollé à partir de là. Ils avaient de gros moyens, et on a commencé à comprendre l'organisation, la mise en place, toute la logistique".
Pour Christophe Holozet, Teahupo'o a laissé son empreinte dans le monde du surf. "Aujourd'hui, pour tous les gamins, dans leurs têtes, c'est Teahupo'o. Ils veulent venir à Teahupo'o. A notre époque, c'était Hawaï. Aujourd'hui, c'est Teahupo'o."
Une compétition de surf à Teahupo'o
Christophe Holozet raconte comment il a eu l'idée d'organiser une compétition de surf à Teahupo'o. "A l'époque, on ne se rendait pas bien compte du potentiel de la vague. Moi, je la connaissais, grâce notre copain Gilles Hucault (journaliste reporter d'images à RFO, aujourd'hui retraité NDLR). Il me montre une vidéo de Tom Carroll qui a surfé cette vague et qui dit que cette vague est faite pour les experts." A cette époque, il croise la route de Vetea David, légende du surf qui fait le circuit pro à l'époque. Il revient d'une compétition en Indonésie, à Grajagan. "Il me raconte qu'il faut trois jours à partir de l'aéroport pour arriver sur le spot, il faut traverser trois îles avant d'atteindre Grajagan. Et nous, on arrive à Faa'a et deux heures après, on est sur le spot. C'est comme ça que ça basculté"
Christophe Holozet contacte alors l'ASP pour leur signifier sa volonté d'organiser une compétition sur "l'un des spots les plus puissants de l'île". Il a dû payer environ 8 000 dollars US pour inscrire la compétition dans le calendrier de l'ASP. "Il fallait sélectionner le niveau de compétition dans lequel tu souhaitais investir. J'ai choisi d'organiser une compétition de niveau 4 étoiles, ça correspond au "challenger series" actuellement. Donc, j'étais sûr d'avoir plus de 120 compétiteurs". Il a fallu aussi convaincre les élus de Teahupo'o. "C'était assez facile, puisque ma tante était maire de Teahupo'o à l'époque" raconte-t-il en souriant.
La Rangiroa Pro Surf
Christophe Holozet ne s'arrête pas là. C'est lui en effet qui organise les premières éditions de la Rangiroa Pro surf aux Tuamotu en 2010 et en 2011. A la question, pourquoi organiser une compétion à Rangiroa, Christophe Holozet répond simplement "Parce que c'est une belle vague, c'est une superbe vague. C'est un autre bijoux de la Polynésie. La première année, dans une série, il y a trois vagues à 10 points. Ça n'arrive jamais."
Pour lui, le potentiel surf de la Polynésie est immense. "On aurait été un pays australien, il y aurait du surf partout, dans toute la Polynésie. Tu vas à Ahe, il y a une superbe vague (...) A Fakarava sud, il y a une longue vague qui marche en sud-ouest.
A Nukutavake, il y a une vague qui s'appelle "Te patu", "The wall", Le mur. Ça veut tout dire. C'est Teahupoo en une autre dimension
Christophe HolozetHorizon Teahupoo - Polynésie la 1ère
La polémique avec les surfeurs de Moorea
Le serial organisateur n'a pas eu que des succès. En effet, en 2020, il envisage d'organiser une compétition de stand paddle à Moorea, sur le spot de Haapiti. Pour cela, il utilise la même méthode. Il contacte les responsables du circuit APP (APP world tour) qui gèrent le circuit mondial pour le stand up paddle. Il va ensuite à la rencontre des élus de Moorea qui adhèrent au projet. Sauf que les surfeurs de Moorea, eux, ne veulent pas entendre parler de compétitions sur les vagues de l'île soeur.
"Après avoir rencontré les élus, l'objectif c'était de rencontrer ensuite les associations de surfeurs de Moorea, pour leur présenter le projet et voir comment travailler en partenariat comme j'ai fait pour Rangiroa, comme j'ai fait pour Teahupo'o. Manque de pot, certains ont manifesté". Aujourd'hui, il ne comprend toujours pas l'opposition des surfeurs de Moorea. "Je ne vois pas pourquoi on veut m'interdire d'organiser une compétition alors que je suis propriétaire terrien sur Moorea. Je ne suis pas un "hotu painu" (un étranger NDLR). Devant le tollé, il a décidé de ne pas insister.
Ce n'est pas la première fois que des personnes s'opposent à ses projets de compétition de surf. Il a notamment envisagé d'en faire une à Parea, à Huahine. Là encore, les surfeurs locaux se sont opposés.
La polémique de la tour
Face à ses détracteurs, Christophe Holozet reste philosophe. "C'est pas grave. Il y en aura d'autres, j'ai encore 20 ans devant moi". D'ailleurs, originaire de Teahupo'o, il a été l'un des premiers à manifester son inquiétude lorsqu'il a entendu parler du projet de la nouvelle tour des juges. "Lorsqu'on nous a montré la première mouture de la tour, elle était immense. Je suis entrepreneur, je sais comment ça se construit ce type d'ouvrage et je sais les dégâts qu'il peut y avoir derrière". Selon lui, la vigilance des habitants de Teahupo'o et des associations de protection de l'environnement a permis de faire évoluer le projet dans le bon sens. "La tour a été réduite en poids et en hauteur. Finalement, ça se traduit comme un implant sur une mâchoire (...) Aujourd'hui, ça me rassure. On va pouvoir exploiter cette tour pendant les 20 ou 30 prochaines années".
Le potentiel de l'industrie du surf en Polynésie
Lorsqu'il évoque le potentiel surf de la Polynésie, Christophe Holozet est très optimiste. "Je crois que dans toutes les familles, il y a une planche de surf ou de boogie. Tout le monde est habillé par l'industrie du surf. Il y a beaucoup d'emplois qui ont été créés grâce à l'industrie du surf, et ça va continuer". Le surf est un atout considérable pour la Polynésie, notamment pour les îles éloignées. "A Faaite, il y a une vague qui ressemble à une vague indonésienne. Elle déroule, elle est parfaite. Ça a besoin d'être soutenu, pour la commune, le développement du logement chez l'habitant, des restaurants, des transports, le tourisme. Il y a tout ça qui suit."
Pour lui, Teahupo'o et Rangiroa doivent servir d'exemple pour d'autres communes en Polynésie. "A Teahupo'o, les agriculteurs sont heureux tellement ils vendent leurs produits. C'est pareil pour les pêcheurs, ils vendent leurs poissons tous les jours. Donc, tout le monde est servi".
"C'est ça qu'on veut, que les gens deviennent autonomes, qu'ils arrêtent d'aller "taparu" (mendier NDLR). Le surf permet ça".
Christophe HolozetHorizon Teahupoo - Polynésie la 1ère
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