Rentrée solennelle du tribunal : l'accent mis sur le trafic d'ice et les violences familiales

Le procureur général Thomas Pison a lancé un "cri d'alarme" face au "tsunami de l'ice".
L’audience solennelle du tribunal de Papeete ce matin, permet à la juridiction d’établir le bilan de l’année écoulée. L’accent a été mis sur les violences intra-familiales : la Polynésie compte le taux de faits le plus élevé par habitant de toute la République. Mais surtout le trafic d’ice. Le procureur général a lancé un "cri d’alarme".

Dans son discours lors de l’audience solennelle du tribunal de Papeete, ce vendredi matin, le procureur général, Thomas Pison, lance un "cri d’alarme", un de plus, face au trafic d’ice grandissant et à l’augmentation des délinquants armés.
Si le Parquet estime que 10 000 Polynésiens consomment de l’ice, "une estimation basse" précise toutefois le procureur général, le trafic représente 30% de la population carcérale. La justice en saisit environ 20 kg par an

Le "tsunami de l’ice"


Pour éviter le "tsunami de l’ice", "une réalité préoccupante", le procureur général dit refuser "la politique de l’autruche".
Plus de 20 ans après les premiers procès pour trafic d’ice et la "Mexican Connection", le procureur général assure que "la coopération seule ne suffira pas. Il faut investir lourdement dans la prévention et la prise en charge médicale". Un appel du pied au Pays, compétent en matière de santé et de prévention, mais qui veut d’abord élaborer des statistiques. "Pour arrêter de taper à côté de la plaque, il faudrait avoir cet outil de pilotage qui nous permet de savoir qui consomme, comment c'est consommé, et surtout derrière trouver les meilleurs canaux de communication. Parce que la prévention c'est aussi ça. Ca n'empêche pas de faire de la prévention, mais j'aimerais que lorsqu'on dépense de l'argent dans de la prévention on le fasse à bon escient", insiste Nahema Temarii, ministre des Sports, de la Jeunesse et de la prévention de la délinquance.


 Pourtant, le trafic d’ice a déjà des répercussions sociales, sur la santé publique, l’avenir collectif, mais aussi des conséquences économiques. Rien que les avoirs criminels saisis, c’est-à-dire issus de l’argent de la drogue, représentent 119 millions cfp. "Quand je vois les chiffres annoncés au niveau de l'augmentation des efectifs des brigades de gendarmerie, ça ne vient pas corréler les moyens qu'on attend de l'Etat pour justement enrayer ce mal aujourd'hui. [Quelle action du Pays à court terme ?] Nous continuons notre action de prévention, par exemple essayer de réunir le tissu associatif, de le fédérer...Il y a un hôpital qui va bientôt sortir, il a été conçu depuis 3 ans et on attend maintenant la fin des travaux pour accueillir tous ceux qui sont touchés par ce mal. Et bien entendu, tous les patients en milieu psychiatrique parallèlement", explique Antony Géros, président de l’Assemblée de Polynésie et maire de Paea.

 Avec entre 33 000 à 60 000 pieds de cannabis détruits chaque année en Polynésie, la banalisation du cannabis est "une pompe à ice" : 15% des usagers consomment de la méthamphétamine et le capital dégagé permet d’investir dans la drogue dure, achetée à bas prix à l’étranger et revendue autour de 300 000 cfp le gramme, en Polynésie.
 
Enfin, le procureur général, Thomas Pison, assure que le Fentanyl, un puissant opioïde très répandu aux Etats-Unis, frappe à nos portes. Les services de renseignements américains assurent qu’il arrivera "très vite" en Polynésie.

Lutte contre les violences intrafamiliales


Autre priorité de la politique pénale : les violences intrafamiliales. Avec 4 faits pour 1 000 habitants (1,5 fait pour 1 000 habitant dans l’Hexagone), la Polynésie a le taux le plus élevé des territoires français. "Ce qu'il faut surtout c'est endiguer le phénomène. Il est anormal et ça ne doit pas rester une spécificité polynésienne qu'il y ait autant de violences dans les familles sur ce territoire. Donc ça passe aussi dans l'éducation, par la prévention, par la libération de la parole et pas seulement par la répression même si elle est nécessaire", remarque Solène Belaouar, procureure de la République.

 Le tribunal travaille en partenariat avec l’hôpital depuis 2021, avec l’unité médico-judiciaire. L’éviction du conjoint violent, en lien avec l’association Emauta, permet d’héberger l’agresseur dans le foyer de la Samaritaine. Enfin, la prise en charge des victimes est un axe important, avec la possibilité de déposer plainte en langue tahitienne, et jusqu’à l’attribution du téléphone "grave danger".
En projet, la création d’une UAP (Unité d’Accueil Pédiatrique) pour l’enfance en danger.

Personnels et dossier Kbis


Par ailleurs, le procureur général s’est félicité de l’arrivée de nouveaux greffiers et adjoints administratifs. Au mois d’avril, de nouveaux renforts arriveront. Toutefois, le Parquet reste sous-dimensionné au regard de son activité.
 
Concernant les délais Kbis, les délais sont actuellement d’un mois pour un Kbis et 3 à 10 mois pour l’immatriculation des sociétés. Il faudrait 10 agents pour faire fonctionner le service et 10 agents supplémentaires pour rattraper le retard. 6 agents sont actuellement mis à disposition par le Pays et les compétences doivent être transférées de l’Etat au Pays. Ce transfert, maintes fois reporté, est désormais annoncé "pour septembre ou octobre 2024". En attendant, le monde économique doit continuer à s’armer de patience.