La triangulaire du second tour met en scène plusieurs projections du statut polynésien. L’autonomie classique, proche de la France, version Fritch, prend une nouvelle tournure plus souverainiste avec l’alliance Tapura/Amuitahiraa. Pour Gaston Flosse, à l’origine du statut de 1984, l’évolution doit se poursuivre vers une pleine souveraineté grâce à un statut d’Etat associé qui donnerait à la Polynésie toutes les compétences régaliennes jusqu’ici contrôlées par l’Etat. Un Etat redevable financièrement à la Polynésie pour sa puissance nucléaire. "La Polynésie est la seule collectivité d'outre-mer qui ait donné à la France la possibilité de posséder l'arme atomique. Grâce à cela, elle est dans la catégorie des pays les plus forts...La France a eu une dette à l'égard de la Polynésie française, a dit Emmanuel Macron à papeete en juillet 2021...La France doit continuer à nous accompagner en reconnaissance", martèle Gaston Flosse, président du Amauitahiraa.
De là à arriver à un référendum d’autodétermination, il n’y a qu’un pas. Un référendum d’ailleurs envisageable pour le candidat de A here ia Porinetia dont la vision de l’autonomie reste plus proche de la France. Un statut triplement avantageux pour Nuihau Laurey. "C'est une triple appartenance, on est citoyen d'une communauté, la communauté polynésienne ; on est Français et on est Européen. Donc, pour nous, cette triple appartenance est un avantage... Il faut sortir du clientélisme et de cet assistanat, d'où les mesures que nous proposons en terme de limitation de mandat, d'incompatibilité des fonctions, et la nécessité de changer de modèle économique et de faire confiance aux petites entreprises pour permettre notre développement", explique le leader de A Here ia Porinetia.
Face à ces versions divergentes de l’autonomie, le Tavini Huiraatira conserve sa position ferme d’une indépendance à long terme, même si au sein du parti, les anciens sont aujourd’hui confrontés à une vision rajeunie du concept. "Le combat indépendandiste de nos anciens n'est plus tout à fait le même que le combat que nous menons aujourd'hui, parce que la société a changé aussi. A titre personnel, je n'ai pas vécu dans ma chair les essais nucléaires, je n'ai pas vécu, je l'espère, les maladies radio-induites. De fait, de ma génération, nous sommes dans une continuité de ce discours-là, mais le fil rouge reste le même c'est-à-dire conduire notre pays un jour, dans ce processus-là pour que les Polynésien(ne)s puissent décider", estime Steve Chailloux, député de Polynésie.
"Il n'y a pas de différence, c'est juste les éléments de langage repris par les uns et les autres qui laissent penser que les visions sont différentes. Non. Il y a un seul processus, celui qui s'inscrit dans le cadre de la résolution 15-14 qui est réaffirmé tous les ans à l'ONU lors de l'assemblée générale et qui exhorte la puissance administrante d'ouvrir ce dialogue pour commencer à discuter", remarque de son côté Antony Géros.
Autonomiste ou souverainiste, quel que soit le parti vainqueur des élections, la question du statut polynésien devra dorénavant revenir à la table des négociations avec l’Etat français.