En contrebas d'un virage à Hitia'a, nous suivons Taievau au milieu de son jardin luxuriant. Il faut traverser une petite rivière pour atteindre sa cabane, bien camouflée sous les branchages. "Viens ! Regarde ! Tu as tout ce qu'il faut dedans, des fruits...Il y a aussi des plantes médicinales", il nous montre, passionné, ses pamplemoussiers, goyaviers, papayers, manguiers, citronniers, bananiers, macadamia, parmi les multiples arbres fruitiers de son jardin d'éden.
Autosuffisance alimentaire
Environ neuf ans que Taievau s'est installé sur un terrain familial à Hitia'a, entre la rivière et la mer. Il a connu autrefois un quotidien plus ou moins ancré dans le système. S'il a conservé son activité de prestataire touristique, il a quitté son ancienne vie à Arue pour devenir totalement autonome.
Aujourd'hui, il récolte ses fruits, vit de la pêche et de la chasse aux cochons. Il se baigne et cuit sa nourriture avec de l'eau de pluie non filtrée, collectée dans ses citernes. L'eau qu'il consomme provient d'une source plus haut dans la montagne, à environ deux heures de marche de chez lui. "L'eau c'est sacré. Nous on va partir mais elle restera toujours. L'eau, c'est de l'or, matin, midi, soir...c'est la vie !" exprime-t-il.
Symbiose
Le bonheur se lit sur son visage. "C'est ça la vie, authentique, simple, on n'a pas besoin de grand-chose. C'est que du bonheur. Je ne veux plus partir d'ici, j'ai décidé de vivre cette vie, cette connexion avec la nature. Je vis en harmonie avec elle."
Le Polynésien se dévoile sans filtres et en toute humilité. "Je demande toujours la permission pour puiser dans les ressources, pour garder cette connexion" en donnant quelques conseils pour se lancer : "les gens ne croient plus en eux alors qu'il y a tout ce qu'il faut autour, on peut mieux se nourrir par soi-même, notre terre est vivante : tout pousse ! Les plantes que je t'ai montrées, tu n'entretiens pas ; tu jettes la graine et ça pousse. Après tu complètes ton alimentation avec les légumes." Taievau vit avec le soleil et la lune, en suivant les saisons.
Respecter la nature
Il prépare en ce moment l'arrivée du Matarii I Raro, la période de disette, qui dure de mai à novembre. "Il faut respecter Mère Nature pour que, au retour de l'abondance, elle puisse donner à tous ses enfants." Durant cette période, c'est le fruit de l'arbre à pain qui l'aide à tenir et le cochon, qu'il conserve dans du gros sel.
Aujourd'hui, rares sont ceux qui vivent encore comme jadis, surtout sur l'île de Tahiti. Pourtant, "les ancêtres nous ont laissé un patrimoine magnifique, il faut pas souiller la nature. Le paradis sur terre est ici. Il y a des endroits où rien ne pousse, il ni arbre, ni eau...quelle chance d'être nés ici !" se réjouit le Polynésien.
Un choix de vie
Taievau aimerait voir les ma'ohi se reconnecter avec la nature et c'est ce qu'il apprend à ses stagiaires. Actuellement, il en accueille deux bénévolement chez lui. "La nature est vraiment un remède. Les enfants que vous ne voulez pas, amenez-les moi, je vais les guérir. Mon but aujourd'hui c'est de réparer. On a tout cassé ! Il faut réparer tout ce qu'on a détruit, chaque pierre !"
Il participe ponctuellement à la formation des randonneurs et reçoit très souvent des visiteurs en tour avec ses partenaires dans le tourisme. Taievau leur fait découvrir ses toilettes sèches, en pleine nature, pour lesquelles il utilise des copeaux de bois. Les touristes sont toujours agréablement surpris de découvrir ce mode de vie "à la roots."
Dès qu'il aura réuni assez de fonds, il souhaite construire un endroit pour animer des séminaires culturels sur sa plage.