Pierre, 36 ans, est surveillant pénitentiaire depuis février 2016. Il s’est marié l’année d’avant. Tout allait bien jusqu’à ce que sa femme décide, au mois de novembre dernier, de le quitter. Déprimé, celui qui avait jusque-là une carrière sans histoire, sombre et consomme de l’ice. Pire, il en consomme sur son lieu de travail, au centre de détention de Tatutu.
La scène est même filmée. Sur la vidéo, il fume de la méthamphétamine en compagnie de Franckie. Le détenu purge, depuis octobre 2020, une peine de neuf ans de prison pour trafic de stupéfiants. La scène se déroule dans la cellule du prisonnier. Ce jeudi 20 avril, les deux hommes devaient être jugés en comparution immédiate mais l'audience a été renvoyée au 30 mai.
Devant le tribunal correctionnel, Pierre, la tête baissée, le dos vouté reconnait les faits. Il déclare au président vouloir " sauver son mariage ". Il demande à la justice de lui accorder une seconde chance pour qu'il puisse se reconstruire personnellement et professionnellement. Malgré leur séparation, sa femme était présente dans al salle d'audience, aujourd'hui.
Selon maître Betty Hayoun, son client a des idées suicidaires, " c'est le chaos " dans sa vie depuis que sa femme l'a quitté, il doit faire face " à une décision qu'il n'accepte pas ". Mais surtout, selon le conseil, Pierre a été " pris dans un piège ".
Cette affaire a débuté quand une fouille a été faite, ce mois-ci, dans la cellule de Franckie. Un téléphone a été trouvé et à l'intérieur se trouvait la vidéo des deux hommes consommant de l'ice au centre pénitentiaire de Tatutu. Des perquisitions ont eu lieu au domicile du surveillant pénitentiaire et dans son casier sur son lieu de travail. Les deux hommes ont ensuite été placés en garde à vue pendant deux jours puis ont été présentés en comparution immédiate.
Lors de l'audience qui s'est tenue cet après-midi, la représentante du ministère public a estimé qu'il s'agissait de faits particuliers puisqu'ils concernaient un détenu bien connu dans le milieu de l'ice et un surveillant pénitentiaire. Elle a demandé leur placement en détention provisoire pour éviter toute " concertation. " Selon le parquet, pendant la confrontation, les versions ont été " concordantes " même si elles ont pu être par moment " minimalistes ", le ministère public a estimé qu'il fallait tout de même " conserver l'authenticité des débats ".
Une demande que l’avocate de Franckie, le détenu, a vu d’un bon œil. Son client ayant douze condamnations à son casier judiciaire, essentiellement pour des affaires de stupéfiants, maître Karina Chouini veut « le protéger des accusations faciles ». Franckie a passé une bonne partie de sa vie en prison. D'ailleurs, quand le président du tribunal correctionnel lui demande ce qu'il a fait avant la prison, le quinquagénaire reste bouche bée et regarde le sol. Sa première condamnation a été prononcée l'année de naissance de Pierre.
Le tribunal correctionnel a finalement prononcé un mandat de dépôt pour Franckie et un contrôle judiciaire pour Pierre. Ce dernier a interdiction de venir à Tatutu. Si le détenu s'est tu avant que le tribunal ne se retire pour délibérer sur les mesures de privation de liberté, Pierre a, quant à lui, déclaré " Je veux me faire soigner et je veux dire à la justice que je veux me remettre dans le droit chemin ".