La 14ème édition du Heiva s’est achevée depuis quelques jours, la diffusion intégrale des spectacles a commencé sur notre antenne en télé et sur internet. Polynésie 1ère vous propose de plonger en profondeur dans l'univers du spectacle de Tahiti Ora, grand gagnant du Heiva i Tahiti 2014.
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"Pifao, la malédiction" : une création digne
Le spectacle de la troupe « Tahiti Ora » dirigé par Tumata Robinson fut une belle surprise pour les habitués du Heiva i Tahiti. Lors de cette édition, son groupe présenta une œuvre vivante digne d’un chorédrame. Les danses sont ici liées par des scénettes dramatiques où les varua ino s’opposent aux forces du bien.
Après trois années d’absence, la voici qui revient sur notre scène de To’ata, emportant avec elle plus d’une centaine de personnes. C’est un spectacle de danse traditionnelle engagé doté d’un côté théâtrale authentique. Son conseiller culturel, John Mairai, rectifia et écrivit le scénario final en langue polynésienne. Il devint aussi le metteur en scène de la troupe et en grand homme de théâtre apporta cette touche dramatique. Soutenu par toute une équipe de création, composé de chorégraphes, de costumières et de conseillers, elle parviendra à mêler subtilement tradition et modernité.
Pifao, une légende inventée...
Tout à fait inventée, cette fable narre l’histoire de jumeaux, Ta’ivini et Turoa, fils de Mahine. Turoa est affublé de terribles taches de naissances et selon la coutume, doit être jeté du haut des falaises de Ramato’erau. Pour éviter cela Mahine confia l’enfant à Raumati, prêtresse des ténèbres de Ramato’a, le royaume rival. Tapuhoe, anciennement Turoa, grandit dans l’ignorance et la haine de Ramato’erau. A la tête d’une grande armée, il envahit le royaume ennemi, mais fut tué au cours d’un duel qui l’opposa à Ta’ivini, son frère qu’il ne connaissait pas. Le chef adverse commit l’irréparable en crachant sur la dépouille et en invitant Raumati à ramasser « son cochon pour le cuire ». Raumati, furieuse, invoqua alors les forces du mal pour maudire l’ennemi. S’en suit une longue lutte entre les forces du bien et les varua ino, qui sifflent dans la nuit pour ressusciter l’enfant chéri de Raumati.
Ce soir là, les danseurs incarnent de véritables comédiens, l’expression et l’intention de leurs gestes sont directement liées à la scène jouée. L’esthétique de l’orchestre est proche de l’unicité, les costumes et coiffes des danseurs sont disposés à l’identique et la couleur corail vogue sur les lèvres féminines. Les filles arborent une chevelure typée, longue et volumineuse, face à des hommes guerriers affichant des physiques taillés et massifs. Les alignements et les formations des danseurs sont rectilignes, équitables et marqués. Tumata et John les soumettent à une mise en scène de leurs personnes à travers un respect physique et émotionnel de la fable. Ils sont restés fideles à leur jeu de rôle en présence des proches et des médias lors de cette représentation « unique ».
Maeva Temaiana ou la révélation d’une danseuse
Une femme s’est révélée lors de cette aventure, Maeva Temaiana soit Raumati la sorcière. C’est la première fois qu’elle se confronte à un jeu dramatique. Nous remarquons qu’elle emprunte une place principale sur scène, oscillant entre danseuse, ra’atira et ‘orero. Ses costumes sont différents, son maquillage est légèrement plus accentué, elle est mise en valeur par tous les aspects de la scène.
Lorsque Raumati pleure alors sur le corps de son fils, elle subit un outrage impardonnable de la part du chef, qui déclenche chez elle fureur et haine au point de lancer un pifao sur Maramatea et sa communauté tout entière. Ce lourd passé permet à Maeva de porter le texte de Raumati haut et fort, on entend sa voix se casser sous l’amas des émotions. Maeva transmet ainsi, grâce à une trame intense et un jeu d’une puissance tragique, le malheur de Raumati avec dévolution, grâce et sensibilité.