L’ice continue de gagner du terrain, chaque jour, depuis 20 ans. Nous avons recueilli le témoignage de Vetea. Longtemps consommateur, il a connu aussi la violence et la prison. Aujourd’hui, il assure avoir tourné la page et vouloir changer de vie en se reconnectant à la nature.
Vetea, des grands yeux d’enfants et les bras couverts de tatouages, a connu l’enfer de l’ice et la prison. Il vient de raser son épaisse barbe noire et accepte de témoigner à visage découvert pour, espère-t-il, faire changer les choses. « J’ai commencé l’ice en 2001. Je marchais tranquillement chez ma copine et un mec m’a proposé, j’ai accepté. Et depuis ce jour, ça a commencé les emmerdes. J’ai commencé à voler jusqu’en 2005 où j’ai fait de la prison. Et comme j’avais fait 9 mois de prison, ça m’a pas calmé, j’ai continué. J’ai continué en pire, il fallait devenir un boss dans l' ice. Ça me faisait tellement du bien de fumer ça, j’avais envie de voler plus pour fumer plus. Il a fallu ma dernière condamnation pour stopper. »
« Je fumais presque plus d’ice en prison que dehors »
Vetea fera 5 ans de prison. Et là, c’est le déclic. « ça a coupé mon moral, ça m’a éloigné de la société, j’ai fait 11 fois le QD [quartier disciplinaire ndlr], j’ai un des records d’ailleurs de Tahiti…et c’est un lieu où j’étais bien. J’avais besoin d’être seul pour penser à ce que j’allais faire à ma sortie. Ça m’a rapproché des animaux, je regardais des documentaires sauvages…et je me suis dit que quand je sors, je dois devenir un autre homme. »
Et pourtant, Vetea assure avoir continué de fumer en prison : « L’ice en prison, tu peux la fumer tous les jours, si tu es connu et respecté. Je fumais presque plus d’ice en prison que dehors. Le problème en prison, c’est que l’ice est gratuite. Tous les boss sont réunis en prison. Dehors, c’est très cher. En prison, c’est gratuit. Moi, en prison, je n’ai jamais payé ma ice. »
De l’enfermement aux grands espaces
Aujourd’hui, Vetea choisit de vivre isolé au fond de la vallée d’Orofero, à Paea, proche des animaux et de la nature. Il veut protéger la vallée. « Mes journées sont très simples : nature à 80%. Je reviens voir mes parents un peu, mais je vis dans la nature. Le week-end, je vais à la chasse au cochon, la semaine je plante mes légumes. Je mange ce que je plante. Hier soir, j’ai observé la pleine Lune…la nature, c’est très mouvementée… »
Même s’il reconnaît avoir eu parfois des tentations : « ça m’est arrivé d’aller chez des grands potes, les voir fumer et me dire ‘pourquoi je ne fume pas aujourd’hui et je vais arrêter demain ? Puisque j’ai bien arrêté 1 an et j’ai bien commencé…’ Mais après, je me suis serré les neurones et je me suis dit ‘non, non, non…si je recommence aujourd’hui, je ne vais pas terminer demain.’ »
« Tu vas commencer à pleurer pour ta fille »
Pour Vetea, c’est aux anciens consommateurs et dealers d’œuvrer désormais contre l’ice. « Toutes les personnes de mon âge qui ont dealé, qui ont passé leur vie dans l'ice, ils doivent montrer l’exemple : arrêter. Il faut enlever ça du fenua, avant qu’il ne soit trop tard, avant que leurs propres enfants fassent des cochonneries, des trucs malsains…le jour où ta fille va vouloir payer sa dose d'ice, que ce soit en nature ou je sais pas avec quoi…là, tu vas commencer à souffrir. Tu vas commencer à pleurer pour ta fille et tu vas commencer à regretter toute ta vie d’avoir vendu de l'ice. Il faut que les cerveaux prennent conscience qu’il faut qu’ils arrêtent pour les enfants. Et surtout pour leurs parents ou grands-parents. J’aimerais pas savoir que ma grand-mère ou mon grand-père tirent leurs dernières heures en sachant que leur mootua continue à salir le fenua. »
Aujourd’hui, Vetea assure avoir complètement tourné la page de l’ice et de la violence, même si nombre de ses amis y sont encore.
Par ailleurs, la lutte contre l'ice en Polynésie passe par l’OFAST, l’office anti-stupéfiants.