Alain Christnacht, président sortant du Civen, revient sur les conclusions du dernier rapport de l'INSERM qui estime qu'il est impossible d'évaluer les conséquences des essais nucléaires sur la santé de Polynésiens.
Existe-t-il un lien un lien entre les essais nucléaires en Polynésie française et des cancers ? Pour l'Inserm, il y a trop peu de données pour trancher mais cela ne changera rien aux indemnisations prévues assure le président sortant du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) Alain Christnacht.
- Est-ce que cette étude sera un frein aux demandes d'indemnisation, comme le craignent des associations ?
"Le Civen (Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires) continue sur les critères existants, et si un jour les critères sont modifiés, le futur Civen regardera.
Nous on ne change rien parce qu'on ne peut ni prendre nos décisions sur des données futures qui ne sont pas connues et qui ne le seront peut-être pas avant très longtemps, ni, ça serait absurde, suspendre la démarche d'indemnisation, alors qu'elle est faite par des gens qui sont malades.
Certains guériront ou mourront de mort naturelle malgré leur cancer, ça arrive heureusement, mais d'autres sont dans un état très préoccupant, et évidemment on ne va pas leur dire que l'état de la science ne permet pas de déterminer s'ils ont droit à une indemnisation, ce serait idiot".
- Que pensez-vous des accusations de "négationnisme", portées par l'une des principales associations anti-nucléaires de Polynésie française ?
"Sur le négationnisme j'ai quand même une réponse simple, (...) avec l'accélération depuis 3 ans, depuis qu'on a changé de méthodologie en 2018 (...) le taux de satisfaction des demandes (d'indemnisation déposées auprès du Civen, NDLR) c'est 50% et ça, ça fait 10 millions d'euros par an. Donc si le gouvernement niait qu'il y a des conséquences sanitaires, évidemment il ne donnerait pas dans son budget 10 millions par an.
On est sur un débat qui est très difficile parce qu'il y a l'approche scientifique, tant que je n'ai pas démontré selon les règles internationales, je ne suis pas affirmatif, et il y a le ressenti polynésien qui est : il y a énormément de cancers dus aux essais nucléaires.
En Polynésie, (...) les chiffres sont établis : le taux de cancer par habitant pour les hommes est le même qu'en métropole, et pour les femmes, il est un peu plus élevé à cause de la thyroïde.
Quand on dit "c'est que vous voulez prouver, qu'il y a aucun effet sur le cancer des essais", je réponds non. Peut-être que s'il y avait pas eu les essais il y aurait eu moins de cancers qu'en métropole. Donc, il y en a certainement une part, mais elle est difficile à quantifier."
- Quelle va être la suite donnée à ce rapport ? Quand de nouvelles études seront lancées ?
"Pour faire cette revue des études de l'état de la science, l'Inserm a reçu sa commande en 2014 et vient de publier son rapport, rien que sur quelque chose de méthodologique.
On vient de recevoir ce rapport, donc maintenant le gouvernement va le regarder, ainsi que la direction générale de la Santé, etc. Il est probable qu'on va faire un appel à candidature.
En France, le spécialiste de ce type d'étude c'est l'IRSN (l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire). Donc l'IRSN, spécialiste des rayonnements, va peut-être faire des études. Peut-être qu'il y aura des chercheurs internationaux que ça intéressera.
Il n'y a rien de concevable je crois avant 3 ou 5 ans. Le problème c'est que le temps scientifique n'est pas le temps politique, et quand on dit ça aux Polynésiens, ils ont l'impression qu'on se moque d'eux".