Son fort tempérament, très probablement son élixir de jouvence.
Ses enfants l’appellent tous, à l’unanimité : « Commandant en chef ! »
Emilie Pindard, si elle ne peut plus se mouvoir seule depuis peu n’a rien perdu d’autre de ses facultés. Elle voit tout, entend tout, même les chuchotements et elle le fait savoir par un : « Mo ka tandé zòt-en, sa zòt konprann, anpéché mo palé non ! » qui force les sourires et les rires de qui l’entend.
Il lui arrive aussi de faire des fixations sur des travaux à faire ou à faire faire et on imagine bien que si cela ne tenait qu’à elle, on n’en parlerait plus parce que ce serait fait.
Bref, une heure aux côtés de cette charmante centenaire et on se sent à la fois plus léger et requinqué.
Emilie Pindard est née le 16 juillet 1918 à Cayenne, dernière d’une fratrie de quinze enfants. Scolarisée dans le public, elle se fait remarquer parce que trop bavarde. Elle est alors inscrite à l’école des sœurs. Elle poursuit sa scolarité, fait ses études et accède au Trésor Public où elle fera carrière en tant que contrôleuse jusqu’à sa retraite qu’elle prend à soixante-huit ans.
Son métier lui correspondait bien car ses enfants se souviennent avoir souvent entendu dire que les contrôlés craignaient les passages de leur mère qui n’était pas tendre et était très pointilleuse.
Emilie a perdu son mari Georges Pindard quand elle avait cinquante ans et a poursuivi seule l’éducation de ses enfants : Marie-Françoise, Monique, Maurice, Marc, Micheline et Alain. Georges Pindard était inspecteur au Trésor Public, il est mort à soixante-sept ans en France où il a été enterré.
Emilie avait trente-six ans à son mariage avec Georges Pindard, ils ont enchainé les trois premières grossesses puis ont pris le temps et le dernier est arrivé quand Emilie avait quarante-six ans.
Une vie de famille pleine de joie, une vie professionnelle également riche et, encore du temps à consacrer à la couture. Emilie habillait tout son monde et avait même ses brodeuses, des amies passionnées de broderie auxquelles elle soumettait ses tracés. Emilie Pindard a exercé la présidence de l’association religieuse « La famille du Sacré Cœur de Jésus » jusqu’à ses cent ans. Elle a cessé de faire son ménage il y a seulement cinq ans.
Un peu avant cela, à quatre-vingt seize ans, la Dame publiait ses mémoires.
C’est clairement le « Poto Mitan » de sa famille qui en retour l’entoure au quotidien spontanément et de façon planifiée. Ses petits-enfants assurent le planning des visites du samedi matin. Ainsi passent-ils la matinée du samedi à tour de rôle avec leur grand-mère. Du samedi après-midi au dimanche soir, Emilie est à Montjoly dans l’autre maison familiale et tour à tour avec chacun de ses enfants et leur famille.
« Mamie est gentille, en forme et autoritaire pour son âge. » me confient Mathys, 12 ans et Mickaël 6 ans 1/2.
« J’ai de la chance car je porte son prénom. » déclare Mélanie Emilie, 32 ans.
Emilie Pindard aime la coquetterie et a toujours sur la tête l’un des chapeaux de sa collection quand elle va à la messe.
L’alimentation ?
R.A.S., elle mange de tout, elle n’est ni diabétique ni hypertendue, elle ne souffre pas de cholestérol, elle ne se prive de rien et adore les glaces, particulièrement un bon « sorbé koko !»
La covid-19, elle regarde cela avec beaucoup de distance. Son entourage prend les précautions nécessaires et tout se passe bien.
Emilie Pindard n’a plus qu’une amie de son âge encore en vie aujourd’hui, Gabrielle Alin qui a fêté ses 103 ans en mars dernier et qui lui a fait livrer ce beau bouquet ce matin.
Les récits de cette charmante centenaire sont un voyage dans ce Cayenne et cette Guyane qu’elle a bien connus mais aussi une virée dans le monde : Afrique, Espagne, Portugal, Canada, Etats-Unis, Maroc …
En témoignent les poupées originaires de tous ces pays, contenues dans cette armoire que régulièrement Emilie Pindard regarde amoureusement ...
Joyeux anniversaire Madame !