40ème anniversaire du 10 mai 1981 : François Mitterrand et l’Outre-mer

François Mitterrand en Martinique en 1985

Ce lundi 10 mai marque le 40ème anniversaire de la victoire de François Mitterrand à la présidentielle de 1981. Outre-mer, pourtant son score fut très faible face à Valéry Giscard d'Estaing. En revanche, en 1988, il y écrasait Jacques Chirac. Retour sur 2 septennats marquants pour ces territoires.

Moins de 28% des voix au second tour en 1981, plus de 58% en 88. Parti de très bas, François Mitterrand a plus que doublé son score électoral outre-mer en 7 ans.

Une politique institutionnelle adaptée et décentralisation

Parmi les raisons de ce changement, une politique institutionnelle souple, qui s’est adaptée au terrain.

En 1972, le programme commun de la gauche avait classé le chapitre Outre-mer à la rubrique étranger. Le droit à l’autodétermination était d’emblée clairement affirmé. Même si les socialistes ont ensuite mis de l'eau dans leur vin, cela explique l'inquiétude de 1981 dans des territoires dont l'économie dépendait fortement des transferts de la Métropole.

Mais, à partir de 82, plutôt que l'autodétermination, c'est la décentralisation qui a été mise en route dans les départements d'Outre-mer. Comme dans l'Hexagone. Une orientation qui a satisfait le plus grand nombre.

Chapitre DOM-TOM programme commun de la gauche (1972)

 

Autonomie puis suspension des essais nucléaires en Polynésie

De son côté, en 1984, la Polynésie obtenait un statut d'autonomie élargie. Il sera suivi 10 ans plus tard d'un pacte de progrès. Celui-ci visait à compenser les pertes liées à la suspension en 92 des essais nucléaires de Mururoa très controversés. Même remise en cause par son successeur, la décision du président, rappelée fermement en 1994, a marqué son temps :

Il n'y aura plus d'expérience nucléaire tant que je serai là. Bien entendu, le jour où je n'y serai plus, ceux qui me succéderont seront totalement libres et maîtres de leur décision

François Mitterrand

 

Le dossier calédonien et les accords de Matignon

Mais le grand dossier politique statutaire de l'ère Mitterrand, outre-mer, c'est la Nouvelle-Calédonie. En 1984, les tensions entre indépendantistes kanak et anti-indépendantistes souvent d'origine européennes avaient débouché sur des affrontements. Le plan Pisani a ramené un calme précaire. Mais sous le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac, entre 86 et 88 les heurts ont repris de plus belle et abouti à la prise d'otages d'Ouvéa, qui s'est achevée par un assaut des militaires, peu avant le second tour de la présidentielle. Au total 25 personnes ont perdu la vie dans ce drame.

Au terme d'une mission du dialogue, et de négociations, sous l'égide du nouveau premier ministre socialiste Michel Rocard, les accords de Matignon ont rétabli la paix, instaurant un rééquilibrage et un processus institutionnel évolutif. Un accord aux forceps pour lequel chacun a dû faire un pas important vers l’autre comme le raconte le leader des anti-indépendantistes, Jacques Lafleur (1932-2010), le président du Rassemblement Pour la Calédonie dans la République :

Nous avons réussi à comprendre que nous devions savoir donner; savoir pardonner.

Jacques Lafleur

 

Côté indépendantiste, Jean-Marie Tjibaou (1936-1989), président du Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste sait que sa base militante va renâcler (il sera d’ailleurs assassiné un an plus tard par un indépendantiste radical) mais il ne doute pas d’avoir fait le bon choix :

L'avenir saura reconnaître que ces accords ont constitué un pas important.

Jean-Marie Tjibaou

 

L’égalité sociale

L'autre chantier mitterrandien outre-mer a été celui de l'égalité sociale : elle vise à aligner les montants du SMIC et de diverses prestations dans les départements d'Outre-mer, sur ceux de l'Hexagone. Avec la crainte des rapprochements entre droite et extrême droite, et surtout le dossier calédonien, l'égalité sociale a pesé dans la campagne présidentielle de 1988 outre-mer.

1988 Meeting Mitterrand en Martinique aux côtés d’Aimé Césaire

 

Le chef de l’Etat savait qu’il aurait du pain sur la planche comme il le disait avec humour dans un meeting commun avec Aimé Césaire, à Fort-de-France, en Martinique :

C'est une bien vaste entreprise dans laquelle je me suis engagé avec vous. Et j'y consacrerai le meilleur de mes forces. Il m'en reste assez ! Croyez-le !

François Mitterrand

 

L'égalité sociale ne sera cependant achevée que fin 2001 par un des anciens lieutenants de François Mitterrand, le chef de gouvernement socialiste Lionel Jospin.

« Ce qui nous unit est fort », La France, l’Outre-mer,… la gauche

En 2 septennats François Mitterrand a transformé les Outre-mer. Il a aussi établi une relation plus équilibrée et tissé un véritable lien. Il l'exprimait avant les législatives de 1993 sur RFO :

Si l'Outre-mer a besoin de la France, je crois que la France a tout autant besoin de l'Outre-mer. Tout à l'heure, je disais, ce serait un peu moins de France. Mais vous-là qui m'écoutez dans l'ensemble des départements et des territoires, vous savez bien que ce qui nous unit est fort.

François Mitterrand

 

Et sur le plan simplement politique, après avoir réconcilié la gauche nationale, avec l'Outre-mer, François Mitterrand l'y a durablement ancrée.

Deux visites à La Réunion

François Mitterrand est venu deux fois en visite dans l’île, en 1980 et 1988. Lors de sa première visite, il est 1er secrétaire, venu à la rencontre de la fédération socialiste de La Réunion. François Mitterrand dit alors ne pas être en quête de voix, mais il souhaite faire un état des lieux des problèmes socio-économiques des réunionnais. 

 

En 1988, c'est en portant la casquette de Président de La République que François Mitterrand revient sur l'île Intense. Les Réunionnais, qui cette fois viennent en masse à sa rencontre, ont parmi leurs principales revendications celle de l’égalité sociale.

Le reportage de Réunion La 1ère