Canne : des planteurs en colère devant la DAAF après la modification du versement des 14 millions d'euros d'aide

Campagne sucrière (photo d'illustration).
Le syndicat UPNA (Unis pour nos agriculteurs) a lancé un appel à manifester devant les locaux de la Direction de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Forêts à Saint-Denis ce lundi 26 décembre. Il s'inquiète de l'absence de versement de l'aide promise par l'Etat, d'autant que la campagne sucrière a été mauvaise.

Une campagne sucrière catastrophique, voire même "la pire campagne sucrière de l'histoire", voilà le bilan que tirent les planteurs de cette année. A peine 1.3 million de cannes ont été coupées. 

Le reportage de Réunion La 1ère : 

Les syndicats sont alarmés, face à leur filière qu'ils considèrent en danger. En cause, cette modification du versement de l'aide promise par l'Etat en juillet dernier. 14 millions d'euros avaient été débloqués par les ministères de l'Agriculture et de l'Outre-mer, mais le commissaire européen a par la suite décidé de modifier son mode d'attribution : l'aide au départ conditionnée au tonnage livré aux usines sera finalement attribuée en fonction de la superficie des exploitations.

Versée le 15 février 2023, elle permet aux planteurs de recevoir 703 euros par hectare de cannes, obtenue lors des négociations de la convention canne 2022-2027. Elle est aussi récurrente, chaque année, sur toute la durée de la convention, pour faire face à l'augmentation du prix des intrants. "C'est quand même quelque chose d'historique, il n'y avait pas eu de telle revalorisation depuis 2006", souligne Richard Feuillade, le chef du service d'économie agricole de la DAAF.

"Ce n'est pas le meilleur modèle pour sauver la filière" 

"L'Etat abandonne les agriculteurs", dénonce l'Upna (Unis pour nos agriculteurs). C'est pourquoi Dominique Clain, le président du syndicat, appelle ce lundi 26 décembre dès 10 heures à manifester devant la Direction de l'Alimentation de l'Agriculture et des Forêts (DAAF) à Saint-Denis, autour d'un pique-nique partage. 

"On a signé une convention canne pour que cette aide soit de 11.24 euros par tonne de cannes, et on apprend aujourd'hui que les 14 millions sont répartis à l'hectare, ce n'est pas le meilleur modèle pour sauver la filière", martelait ce lundi matin Dominique Clain devant la DAAF. 

Un mode préjudiciable aux petits et moyens planteurs

Dominique Clain explique que ce mode d'attribution constitue une injustice, défavorisant les petits et moyens planteurs qui constituent 75% de la profession à La Réunion. D'autant que c'est maintenant qu'ils ont besoin d'argent, insiste-t-il. "C'est aujourd'hui qu'on a besoin des sous pour entretenir nos champs. Si on n'a pas suffisamment d'argent pour entretenir nos champs, payer de la main d'oeuvre, les engrais et tous les intrants, la campagne 2023 va être encore catastrophique", s'inquiète-t-il. 

Ce nouveau mode de versement leur ferait perdre aux petits et moyens planteurs "facilement entre 300 et 400 euros" d'aide. 

Des solutions en réflexion 

Interrogé ce lundi, le chef du service économie agricole de la DAAF, Richard Feuillade, reconnaît cette modification du versement de l'aide. "L'Europe nous a spécifié qu'il n'était pas possible de verser des aides à la tonne de cannes, mais à la surface", souligne-t-il. 

"Ce qui est reproché c'est qu'il n'y ait pas de modulation de cette aide, de façon à ce que les grands planteurs aient moins, et les plus petits, davantage. La difficulté c'est que si on module l'aide à la baisse, on n'atteindra pas l'enveloppe des 14 millions d'euros" expose Richard Feuillade.

La DAAF réfléchit donc à des solutions, et propose avec le CPCS de laisser les choses telles quelles et de consommer les 14 millions d'euros pour cette année, mais d'augmenter le montant à l'hectare l'année prochaine afin d'épauler les petits planteurs. Une autre solution sera de moduler le versement des reliquats de l'aide à la production, soit environ 8 millions d'euros cette année, "de façon plus importante pour les petits, et moins pour les grands planteurs, et ainsi gommer l'effet décevant de l'aide de 14 millions d'euros", explique le chef de service de la DAAF. 

Ce lundi après-midi, au terme de la rencontre entre les agriculteurs et la DAAF, un courrier a été envoyé au ministère de l'Agriculture, mais aucune solution n'a été actée. 

Une mauvaise campagne sucrière 2022

La campagne sucrière 2022 s'est achevée pour rappel, il y a quelques jours seulement : le 9 décembre pour les bassins sud et ouest, et le 15 décembre pour les bassins nord et est. Selon l'usinier Tereos, le total de cannes récoltées s'élève cette année à seulement 1,307 million de tonnes (1,550 million en 2021). Le directeur agricole de Téréos océan Indien indiquait déjà que la campagne 2023 "ne devrait pas être meilleure car on a déjà une sécheresse sur la première partie de croissance de la canne".

La campagne avait démarré au terme d'un conflit de plus de deux semaines en juillet, autour de la signature de la convention canne 2022-2027. Après des blocages, actions coup de poing, et négociations, une réunion en préfecture réunissant les agriculteurs, Tereos, et l'Etat, avait permis d'obtenir les avancées espérées et le démarrage de la campagne sucrière. 

La filière canne représente aujourd’hui 2 600 planteurs et 18 000 emplois directs et indirects. On estime à 20 000 hectares la surface dédiée à la canne à sucre à La Réunion.