Chez les jeunes Réunionnais, diplôme ne rime pas forcément avec autonome, selon l'Insee

A La Réunion, malgré des diplômes de plus en plus élevés, les jeunes accèdent toujours tardivement à leur autonomie.
L'Insee et la Région ont présenté ce jeudi 1er juin une étude autour de l'accès des jeunes Réunionnais à l'autonomie. Seulement quatre jeunes sur dix sont autonomes à la veille de leur trentaine, malgré un niveau de diplôme qui s'est élevé cette dernière décennie.

C'est une étude en partenariat avec la Région Réunion que présentait ce jeudi l'Insee (Institut national des statistiques et études économiques), sur l'accès à l'autonomie des jeunes sur le département. Autrement dit, quand et comment les jeunes réunionnais accèdent à un logement et à un emploi, leur permettant de prendre leur indépendance. 

Les précisions de Loup Wolff, directeur de l'Insee Réunion-Mayotte, sur Réunion La 1ère : 

Loup Wolff de l'Insee, invité plateau

Des jeunes pas plus autonomes aujourd'hui qu'il y a 10 ans

Le constat premier : en une décennie, cet accès à l'autonomie a peu évolué sur l'île. "Les jeunes ne sont pas plus autonomes qu'il y a 10 ans", souligne Loup Wolff, directeur inter-régional de l'Insee Réunion-Mayotte. 

En 2019, seuls quatre jeunes Réunionnais sur dix étaient autonomes à 29 ans, travaillant et ayant leur propre logement. Un ratio bien plus faible que dans l'Hexagone, où ils sont sept sur dix jeunes autonomes. 

Les jeunes peinent toujours à acquérir leur autonomie à La Réunion

Le niveau de qualification, un facteur déterminant 

Pourtant, un des facteurs déterminants pour accéder à cette autonomie, c'est le diplôme, et les jeunes Réunionnais sont de plus en plus nombreux à en décrocher un. Alors qu'en 2011, 36% des jeunes ayant fini leurs études n'avaient pas de diplôme, en 2019, ils ne sont plus que 25%. 

Les diplômes sont de plus en plus élevés

Plus le diplôme est élevé, plus rapide est l'autonomie

Le niveau de diplôme s'élève aussi : 17% des jeunes de moins de 30 ans terminaient leurs études avec un diplôme du supérieur en 2011 ; en 2019, ils sont 21%. Et plus le niveau de diplôme s'élève, plus rapidement on accède à un logement et un emploi. Souvent, les jeunes diplômés du supérieur enchaînent études, emploi, et logement.

Les diplômés du supérieur enchaînent études, emploi et logement

Exemple : à 29 ans, 7 jeunes diplômés du supérieur sur 10 sont autonomes. Alors qu'à 29 ans, les jeunes qui ont le niveau bac sont seulement 4 sur 10 à avoir un emploi et un logement. Chez les jeunes de 29 ans qui terminent leurs études sans diplôme, cette proportion retombe même à 2 sur 10. "Sans diplôme ou avec peu de diplômes, l'emploi arrive plus tardivement, tout comme l'autonomie", conclut Loup Wolff de l'Insee. 

"Les conditions de l'autonomie se sont durcies à diplôme égal, parce qu'on met un peu plus de temps à trouver un emploi, mais aussi un logement"

Loup Wolff, directeur de l'Insee Réunion-Mayotte

A diplôme égal, les jeunes accèdent à l'autonomie plus tard qu'il y a dix ans

Jeunes femmes et jeunes hommes accèdent à l'autonomie par des parcours différents

Le genre peut aussi jouer sur la manière dont on accède à l'indépendance : ainsi, si c'est le cas en Hexagone également, à La Réunion le contraste est encore plus marqué entre les jeunes femmes et les jeunes hommes. 

Ces derniers vivent plus longtemps avec leurs parents, et s'installent dans leur propre logement une fois qu'ils obtiennent un emploi pérenne et stable. En moyenne, les jeunes Réunionnais quittent le domicile familial à 27 ans. Alors que les filles elles, vont plutôt prendre un logement (en moyenne à 23 ans) devenir mère assez tôt, et trouver ensuite un emploi. Il faut dire que sur le département, la moitié des femmes de 26 ans sont mamans, alors que seuls 19% des hommes sont papas à cet-âge là. Dans 15% des cas, les jeunes femmes de 16 à 25 ans élèvent d'ailleurs leurs enfants seules. 

Des parcours différents entre les femmes et les hommes lorsque les études ne dépassent pas le bac

L'inégalité ne s'arrête pas là : même si elles n'ont pas d'enfant, les femmes accèdent moins à l'emploi que les hommes, surtout lorsque leur diplôme est peu élevé ou inexistant.  En revanche, plus les femmes sont diplômées, plus les différences de parcours avec les hommes s'estompent. 

Donner le choix à la jeunesse 

Pour Loup Wolff, à l'issue de tous ces constats, l'enjeu est de "donner les moyens aux jeunes de vivre ces événements dans une situation de choix", en particulier aux jeunes femmes, pour qu'elles puissent "accéder à l'indépendance financière et sociale qui leur permet de décider pleinement de leur maternité ou de leur accès à un logement".

La présidente de Région, Huguette Bello, soulève un autre point mentionné par l'étude de l'Insee : "41 000 jeunes entre 15 et 29 ans ne sont ni à l'école, ni en formation, ni en emploi, ce qui est une souffrance pour les familles aussi", dit-elle. "Ce que l'étude souligne aussi c'est que nous avons de plus en plus de jeunes diplômés, des filles plus diplômées que les garçons, et même avec ces diplômes, elles ont un emploi beaucoup plus tard que les jeunes hommes", constate-t-elle, rappelant que "l'éducation et la formation" sont des priorités pour la collectivité régionale.

Des motifs d'inquiétude pour les jeunes réunionnais 

Cette autonomie qui ne concerne que 4 jeunes sur 10 à La Réunion n'est pas sans inquiéter les principaux concernés. Loïc, élève de terminale générale qui s'oriente vers un BTS dans le transport, souhaiterait pour sa part "être autonome plus tôt". "J'aimerais sortir de cette dépendance de mes parents plus tôt. Ca m'inquiète", réagit-il. Son ami Benjamin, lui aussi en terminale, aimerait lui aussi "partir le plus tôt possible". 

Inès, lycéenne elle aussi, trouve ça "inquiétant" que malgré l'obtention d'un diplôme, "on n'est pas sûr de notre avenir et on n'arrive pas trop à se projeter". "J'espère avoir des aides et un soutien, de la Région par exemple, pour nous rassurer sur notre avenir", achève-t-elle. 

Le reportage de Réunion La 1ère :

Des jeunes de plus en plus diplômés mais de moins en moins autonomes ? Retour sur la dernière étude de l'Insee