Comment lutter contre l'inceste, "un problème de santé publique à La Réunion" ?

Photo d'illustration.

Les violences sexuelles sur enfants sont un fléau à La Réunion, et en particulier l’inceste. Comment libérer la parole des victimes ? L’association PERIF lutte contre ces violences et estime qu'il s'agit "d'un problème de santé publique dans l’île".

Un Français sur dix serait, ou a été, victime d’inceste. "Ce chiffre serait encore bien plus élevé dans l’île, estime Juliana Sadon, présidente de l’association PERIF, qui lutte contre toutes formes violences causant des traumatismes. Sur une classe de 35 élèves, il y aurait quatre ou cinq enfants victimes de violences, d’attouchements sexuels ou de viols intra-familiaux".

Une plainte tous les deux jours

Selon elle, à La Réunion une plainte est déposée tous les deux jours pour des faits d’agressions sexuelles sur des enfants. Pour Juliana Sadon, présidente de l’association PERIF, "l’inceste est une véritable problématique de santé publique dans l’île".

Regardez le reportage de Réunion La 1ère :

L’inceste est un fléau qui gangrène la société réunionnaise. Rencontre avec les professionnels qui tentent d’aider des victimes

 

Le tabou d’une violence familiale

Comment libérer la parole des jeunes victimes, libérer de la honte, mais aussi de la culpabilité ? Dans l'île, l’association PERIF lutte contre les violences sexuelles et aide les victimes à se libérer pour se reconstruire. Sa présidente, Juliana Sadon, estime que "l’inceste est maintenu par la chape du tabou".

Parler, se remettre à nu

"C’est très compliqué de sortir des violences sexuelles et notamment l’inceste, car ça se passe dans le milieu de la famille, explique Juliana Sandon. Parler de violences sexuelles est moins aisée que de parler de violences physiques, conjugales ou autres. Pour une victime, en parler c’est engager une part d’elle-même, une part d’intimité, se mettre encore une fois à nu".

La culpabilité et le dilemme

"L’autre raison est la culpabilité engendré par ce sentiment de déloyauté envers les parents, explique Juliana Sadon, présidente de l’association PERIF. Le parent est agresseur, mais continue de prendre soin de l’enfant. Face à ce dilemme, l’enfant se demandera toujours qu’il doit parler".

"Depuis des générations, la parole et la douleur de l’enfant ne sont pas prises au sérieux, estime Juliana Sadon. Au niveau de l’inceste, la parole de l’enfant n’est pas prise en compte car elle engage la culpabilité de l’adulte qui n’a pas su protéger. Il va donc s’agir de garder le tabou, de réprimer, et c’est encore plus difficile d’en parler".

Rassurer les victimes

Pour Juliana Sadon, présidente de l’association PERIF, il faut faire sauter les verrous "en menant des campagnes de sensibilisation, en osant parler, en allant à la rencontre des victimes, en les rassurant".

"Un enfant qui ne parle pas des violences sexuelles, n’est pas protégé et se sent en insécurité émotionnelle, poursuit Juliane Sadon. Il faut le sécuriser, et redorer l’image de l’adulte protecteur à l’égard de cet enfant pour lui permettre de briser les chaînes, de libérer la parole et de commencer des soins".

La semaine dernière, l’Assemblée nationale a voté en première lecture, un texte renforçant la protection des mineurs contre les violences sexuelles. Elle a notamment fixé à 15 ans l’âge en dessous duquel un enfant est considéré non consentant pour un acte sexuel avec un adulte, un seuil porté à 18 ans en cas d’inceste.

Une page facebook Metooinceste974

En janvier dernier, à La Réunion, le collectif Eliana a créé la page Facebook Metooinceste974. Depuis les témoignages de victimes d’inceste s'y multiplient. Lever le tabou de l’inceste est une première étape pour que cette violence cesse dans l’île, estime le collectif.

Le hashtag #MeTooInceste a émergé sur les réseaux sociaux en janvier. Des milliers de témoignages de victimes ont été publiés sur Twitter ou Instagram. Cette dénonciation de l'inceste fait suite à l'onde de choc suscitée par le livre de Camille Kouchner, "La Familia Grande". Dans son récit, la fille de l'ancien ministre de la Santé révèle que son frère jumeau a été violé dès 13 ans, par leur beau-père, le politologue, Olivier Duhamel. Des actes connus, mais tus durant de longues années au sein de la famille.

Sur le modèle du hastag #Metoo qui avait déclenché une vague de libération de la parole des femmes, les internautes se sont immédiatement emparés de #MeTooInceste, à travers des milliers de témoignages.

"Catharsis, dire l'inceste" dans Archipels

Demain, mercredi, Réunion La 1ère diffuse un documentaire sur le sujet. Comment parler de l'insoutenable, quand on a vécu l'inceste ? "Catharsis, dire l'inceste" dans Archipels, mercredi, à 19h45 sur Réunion La 1ère.