Depuis le 1er février, 57 malades du Covid sont arrivés de Mayotte à La Réunion par évacuations sanitaires. Ces transferts de malade nécessitent du matériel, du personnel et une logistique très encadrée. Reportage.
Du personnel médical sur le tarmac de l’aéroport Roland Garros. Des avions et des hélicoptères qui côtoient brancards et ambulances. Depuis plusieurs jours, La Réunion accueille jusqu’à quatre patients covid de Mayotte. Ces malades arrivent par évacuation sanitaire et sont hospitalisés dans l’île.
"Ce midi, nous accueillons deux patients de réanimation de Mayotte qui vont rejoindre le service de réanimation de La Réunion, explique docteur Bertrand Guihard, chef de service du Samu 974 et des urgences du CHU Nord. En fin de journée, le même avion fera une nouvelle rotation pour transférer deux autres patients de Mayotte à La Réunion".
Des charriots de matériels
A quelques heures de l’arrivée des évacuations sanitaires tout s’accélère. Les infirmiers contrôlent une longue liste de matériels. Les chariots contiennent des respirateurs, aspirateurs de muqueuse, mais aussi des moniteurs de contrôle qui font défibrillateur. "Nous avons beaucoup de matériels pour parer à l’imprévu, il faut anticiper tout ce qui peut arriver dans l’avion, si un patient se dégrade on doit avoir ce qu’il faut", explique Jennifer Hoareau, infirmière "Evasan" au Samu 974. Ces charriots partent ensuite pour l’aéroport, destinés à prendre en charge les prochains patients.
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Des patients dans des états de plus en plus grave
Comme Jennifer, les équipes du Samu 974, réalisent plusieurs transferts de malades par semaine. Chaque patient est accompagné d’un médecin et d’un infirmier. "Il faut aussi optimiser ces transferts pour pas que les avions ne perdent trop de temps au sol", explique Bertrand Guihard, chef de service du Samu 974 et des urgences du CHU Nord, qui remarque que "les patients mahorais transportés sont dans des états de plus en plus grave".
57 évasans depuis le 1er février
L’île aux parfums est asphyxiée par le coronavirus avec un taux d’incidence de 858 car pour 100 000 habitants. L’objectif de ces évasans, au titre de la solidarité régionale, est de désengorger l’hôpital public de Mayotte et son service de réanimation totalement saturé. Depuis le 1er février, 57 évacuations sanitaires ont eu lieu depuis Mayotte vers La Réunion. Parmi ces patients malades du covid, 37 sont en réanimation et 20 en médecine.
Sous assistance respiratoire
Les patients arrivent de Mayotte dans des avions spécialement affrétés. Ce matin, un malade est arrivé en urgence absolue, il a été transféré sur Saint-Pierre. Les patients de Mayotte sont "sélectionnés selon les niveaux de gravité, qui doivent toutefois permettre un transport". "Ces patients nécessitent de la réanimation, ils sont sous assistance respiratoire, mais sont suffisamment stables pour supporter un transport de plus de quatre heures", explique Olivier Martinet, chef du service réanimation du CHU Nord.
Lorsqu’ils arrivent, les patients mahorais sont installés en réanimation. Leur état de santé est souvent déstabilisé par le transport. Le patient est endormi, sous respirateur artificiel et souvent sous cortisone.
Sans oxygène, les patients seraient morts
"Ces patients sont malades du poumon qui n’est plus capable de diffuser l’oxygène vers le sang, ils ont besoin qu’on leur apporte artificiellement de l’oxygène, avec un respirateur, explique Olivier Martinet, chef du service réanimation du CHU Nord. La plupart du temps, le virus guérit spontanément, mais c’est long et si le malade n’avait pas d’oxygène, il serait mort. Il faut donc passer le cap avec le respirateur et plonger le malade dans une sorte de coma artificiel".
Ces patients arrivés de Mayotte resteront en réanimation entre dix et quinze jours en moyenne avant de refaire ensuite le voyage en sens inverse. Ce matin, trois patients guéris ont ensuite pu monter dans l’avion et rentrer chez eux.
Désengorger la réanimation de Mayotte
Avec un seul hôpital, Mayotte ne possède que 36 lits de réanimation. La Réunion a désormais une capacité de 108 lits de réanimation. "La situation est tendue, mais parfaitement gérée", assure Bertrand Guihard, chef de service du Samu 974 et des urgences du CHU Nord. "Aujourd’hui, aucun patient réunionnais n’est refusé en réanimation, car nous avons des patients de Mayotte", ajoute Olivier Martinet, chef du service réanimation du CHU Nord.
Des évacuations vers la métropole ?
Des renforts militaires ont été renvoyés à Mayotte. Si la situation sanitaire continue de se dégrader, les autorités envisagent d’ores et déjà des évacuations sanitaires vers la métropole. "Il faudra alors une logistique majeure qui ne pourra pas se faire sans l’appui de médecin et urgentistes de métropole, prévient Bertrand Guihard. Il y a des contraintes médicales et aéronautiques, c’est un enjeu majeur et un challenge sur le plan médical".