Dérive financière, erreurs de gestion : le rapport accablant de la Chambre Régionale des Comptes sur la SPL Estival

La SPL Estival est la société de transport en commun de la Cirest.
Le rapport définitif de la Chambre Régionale des Comptes (CRC) a été présenté, jeudi 12 septembre, aux membres du Conseil d’administration de la SPL Estival. Il pointe du doigt une dérive financière et des erreurs de gestion. L’intersyndicale de la SPL Estival demande au président de la CIREST, Patrice Selly, de porter plainte.

Ce rapport met en lumière de graves dysfonctionnements dans la gestion de la SPL Estival, société publique locale de transport de voyageurs dans l’Est.

La Chambre Régionale des Comptes de La Réunion a présenté, jeudi 12 septembre, son rapport définitif devant les membres du Conseil d’administration de la SPL Estival. Ce rapport pointe du doigt une dérive financière, des erreurs de gestion et de nombreux autres dysfonctionnements.

Un seul homme au pouvoir

La Chambre Régionale des Comptes rappelle que la SPL Estival est passée de SEM, Société d’Economie Mixte, à SPL, Société Publique Locale en 2022. La CIREST est alors devenue son actionnaire majoritaire à 95%, et la Région à 5%.

En 2020, les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général ont été confiées à une même et seule personne.

Une dégradation des résultats

Dès lors, la CRC souligne que "les résultats de l’entreprise se sont dégradés rapidement conduisant au placement de la société en redressement judiciaire en août 2023 avec une cessation de paiement". Les dettes de la société étaient évaluées à 3,2 millions d’euros en novembre 2023.

Selon la Chambre Régionale des Comptes, la dégradation des résultats est due à "des dérives multiples et à des erreurs de gestion". Elle déplore aussi "l’absence de contrôle de l’actionnaire majoritaire", la CIREST.

La SPL Estival est la société de transport en commun de la Cirest.

Des "recrutements déconnectés de l’activité"

La Chambre Régionale des Comptes ajoute que "le nouveau PDG (…) a opéré de nombreux recrutements déconnectés de l’activité et a accordé, de manière discrétionnaire et inéquitable (…) de nombreuses revalorisations salariales".

Entre 2021 et 2022, le nombre d’agents de la SPL Estival est passé de 102 à 124 et les charges de personnel ont augmenté de 4,2 millions à 5,7 millions d’euros, détaille la CRC.

Une "gestion hasardeuse peu économe"

"La forte progression concomitante des dépenses de carburants, de locations immobilières, de locations de véhicules, de prestations de sécurité ou informatiques, réalisées parfois sans respecter les règles de la commande publique, est symptomatique d’une gestion hasardeuse peu économe des deniers publics", écrit la Chambre Régionale des Comptes.

"Factures de complaisance" et "frais de bouche"

Des audits et autres observations ont aussi "mis à jour des factures et des chèques d’un montant global de 0,4 millions d’euros sans lien avec l’activité de la société ou dont la réalité du service fait n’est pas établie, écrit aussi la CRC. Des factures de complaisance ont été établies pour couvrir des frais de bouche". Entretemps, le PDG de la SPL Estival a été révoqué.

L’intersyndicale veut une plainte

Aujourd’hui, l’intersyndicale (UR974, FO, et CGTR) se dit "estomaquée" par "l’absence de réaction des administrateurs et des élus présents" lors de la présentation de ce rapport, hier. Elle dénonce "les incohérences flagrantes dans la gestion de ce dossier par le président de la CIREST, Patrice Selly".

L’avenir de la SPL Estival était au menu du conseil de la Cirest, mercredi 24 juillet.

L’intersyndicale estime "qu’il y a suffisamment d’éléments à charge pour qu’une plainte soit déposée". Le président par intérim de la SPL et président de la CIREST, Patrice Selly, a répondu avoir fait "un signalement". "Insuffisant !" rétorque Eric Talassia, représentant de l’intersyndicale de la SPL Estival. "Comment peut-on expliquer que des millions d’euros aient été dilapidés sans qu’aucune plainte n’ait été déposée pour fraude ou détournement ?", s’interroge l’intersyndicale. Elle estime que "le président de la CIREST, en ne déposant pas plainte, pourrait être considéré comme complice passif de cette gabegie financière".

"Un signalement est une information qu’on donne au procureur, alors qu'une plainte engage une action car il y a des victimes", argumente Eric Talassia porte-parole de l’intersyndicale. "Les victimes sont les salariés de la SPL Estival, poursuit-il. Et surtout la population du territoire est qui va sûrement devoir mettre la main à la poche pour payer toutes ces dérives financières causées par ces politiques".

Des préconisations

Dans son rapport définitif, la Chambre Régionale des Comptes fait aussi des préconisations pour la suite. Selon elle, "la CIREST n’aura pas d’autre choix, sauf à éponger le passif, que de suivre les préconisations du mandataire judiciaire en imposant une réduction drastique de la masse salariale, de poursuivre la revue des centres de coûts initiée par la précédente directrice générale".

La CRC assure que la CIREST devra "mettre en place un contrôle renforcé de la société durant toute la période de redressement et revoir urgemment les modalités de gouvernance de gestion (…)".

En redressement judicaire

La SPL Estival a été placée en redressement judiciaire le 30 août 2023. Le 28 août dernier, le tribunal de commerce a décidé qu'il n'y aurait pas de liquidation judiciaire pour le moment. Il a reconduit la période d'observation de six mois avec un nouveau rendez-vous fixé en novembre prochain pour la validation d'un plan de continuation.