Habiter le désert, en Inde

l'art de vivre dans l'adversité, en milieu aride

Marquant la frontière de l'Inde et du Pakistan, le désert de sel du Rann de Kutch est bordé de villages : un milieu aride, qui fait naître une créativité perpétuelle chez les femmes qui les habitent.
Nous sommes allés à leur rencontre aux côtés d'un architecte spécialisé dans l'habitat traditionnel : décryptant usages et modes de vie dans cet environnement austère et néanmoins inspirant!

De terre et de vent

Au milieu du désert brûlant, ils ont trouvé un spa. Un bain de boue dans lequel ils se délectent, tandis que d'autres buffles attendent dehors.
Eh, c'est the place to be, là, loin de tout, sur la route qui mène à Ludiya.

Un village que l'on découvre après la pré-frontière.
Toujours en Inde, presque au Pakistan.

Un village de terre que les buffles rejoignent au crépuscule, croûtés dans des camaïeux de gris au fur et à mesure de leur dessiccation graduelle, au fil d'un vent incessant...

Les couleurs de la terre, et du vent.

Couleurs de terre, par Kiran Vagheila, architecte

Des ocres, des bruns, des sables et au-dessus, du gris roulant en nuages bas, c'est tout. 
Tout ce que le désert du Kutch vous offre en couleurs. 

Alors les hommes se vengent.  

En fait, surtout les femmes, qui brodent du matin au soir pour se couvrir de toutes les couleurs que leur terre ne leur donne pas. 
Elles brodent tant et tant qu'elles en ont à revendre. 

Que vous baguenaudiez dans un de leurs villages, et les fillettes vous alpaguent, envoyées par leur mère : pour vous inviter à entrer, à regarder et bien-sûr, à acheter.

Dehors, des ocres, des bruns, des sables.  

Dedans, des cavernes d'Ali Baba.

"Bling Bling" versus "Normal"

Quand elle a vu que j'avais un appareil photo et que je n'étais pas là juste pour la radio, Viraben est partie se rhabiller. 

En fait, elle a juste ajouté à sa tenue habituelle quelques colliers d'argent -quelques kilos supplémentaires-  et des bracelets entre ceux du haut du poignet et ceux du bas du biceps. 

Partout ailleurs, c'était déjà complet. 

Une tenue normale pour une femme du désert. 
Il y a des moments où en jean et tunique on se sent vraiment nue... 

Brodeuse de murs


A l’origine, le Lipankam, cet enduit recouvrant l’intérieur des boungas –les maisons rondes traditionnelles de cette région- n’était pas appliqué essentiellement pour l’esthétique…

Ce mélange de terre et de bouse de vache permet d’abord de garder la fraicheur et d’éloigner les insectes.

Mais enfin, les femmes s’en sont saisies !
Trouvant les nuances de terres, reproduisant sur les murs et les étagères maçonnées ces motifs piqués de morceaux de miroir : comme sur les vêtements qu’elles brodent dans leur antre féérique.

Viraben, brodeuse de terre

La fille de la maison


Les femmes se lèvent à cinq heures pour traire les vaches.

Les filles de la maison vont chercher de l'eau avec des pots métalliques qu'elles ont le chic pour empiler sur tête et hanche.

Après, les jeunes filles enfilent les aiguilles pour celles qui n'ont plus assez de vue : les brodeuses chevronnées de la famille.
Elles s'essaient aussi à l'ouvrage dès qu'elles ont six-sept ans.

Ce sont elles aussi qui font la vaisselle et veillent sur les jeunes enfants.

Quoi d’autre ?

La vie n'est pas difficile ici, on est libre!

Ton voile, ton identité

Elle me regarde avec des yeux ronds Viraben  quand je lui demande comment on sait si untel est Rabari, si untel est Ahir.
Ben, ça se voit!
Ah.
Mais oui, à son voile, par exemple!
Ah oui, bien sûr.
Et moi qui pensais encore que les couleurs sont affaire de goût, de mode, d'humeur...
Naïve.
Et c'est important? De porter le bon voile?
Le voile qui dit que vous êtes Meghwal, Sodha, Jat ou Mutwa?

Elle me croit folle, Viraben, de poser pareilles questions.

Elle, elle dit avec fierté qu'elle est Harijan, en remettant son voile correctement.

Harijan, le nom donné par Gandhi aux intouchables.

Eh bien, chantez maintenant!

ls adorent ça les enfants, me voir rappliquer avec mon micro, le nez au vent. 

Ni une ni deux, ils se piquent devant.  

Au mieux, ils se mettent à chanter.
Au pire, à me hurler des insultes, si tant tellement fort que ça m'éclate les tympans sous le casque. 

En vérité, en vérité, j'adore leurs rires en gros plan, même si ça sature un peu beaucoup. Trop? 

Ecoutez-les, dans "Instantanés du monde à Ludiya"