Avocats, corossols, longanis : Elisabeth Borne découvre les étals du marché de Saint-Joseph, ce vendredi 12 mai, et échange avec bazardiers et clients. Vers midi, la Première ministre a fait une escale surprise dans la commune, car "tout n’est pas prévu", assure-t-elle.
Des séquences d’échanges esquivées
Voilà donc la séquence tant attendue par les journalistes et promise par le service de presse de la Première ministre. Depuis son arrivée, jeudi, Elisabeth Borne assure qu’elle est ici pour "entendre les préoccupations des Réunionnais".
Sauf que depuis hier, les échanges avec la population sont sans cesse esquivés. Accueillie par un groupe de manifestants équipés de casseroles à son arrivée à l’aéroport, Elisabeth Borne les évite en privilégiant un axe routier secondaire. Dans le centre-ville de Saint-Denis, elle devait échanger avec les Réunionnais après la cérémonie au monument aux Morts, mais finalement aucune poignée de mains.
Huée par des manifestants opposés à la réforme des retraites
Ce matin, nouvelle tentative. Dans le centre-ville de Saint-Pierre, la Première ministre est censée faire 200 m pour se rendre à la braderie à pieds, mais là encore elle renonce à déambuler dans les rues du Sud.
Quelques minutes plus tôt, une poignée de manifestants opposés à la réforme des retraites se sont mis en travers de son chemin. "La retraite à 60 ans, on s’est battu pour la gagner, on se battra pour la garder !" : un slogan scandé à son entrée à la Maison de projet de Saint-Pierre. "La page n'est pas tournée !", lancent-ils. La Première ministre est huée. Rapidement, le petit groupe de manifestants est neutralisé par l’impressionnant déploiement des forces de l’ordre.
"Taper sur des casseroles n’est pas très constructif"
Larges périmètres de sécurité, rues bloqués, piétons priés de faire demi-tour : difficile dans ces conditions "d’écouter les attentes des Réunionnais". Quelques minutes plus tard, à la mairie de Saint-Pierre, elle est interpellée par les journalistes : "quand allez-vous échanger avec les Réunionnais ?"
La Première ministre l’assure "elle va continuer à aller à leur rencontre". "Je pense qu’on les a entendu les manifestants anti-retraite, c’est normal qu’il y ait de la contestation sur ce sujet, admet-elle. Je regrette que cela se fasse de façon très bruyante et que cela m’empêche de discuter avec ceux qui soutiennent l’action du gouvernement". Hier déjà, elle estimait que "taper sur des casseroles n’était pas très constructif".
Regardez le reportage de Réunion La 1ère :
"Je n’ai pas fait le choix de la facilité"
Elle souligne qu’en venant à La Réunion, elle n’a pas "fait le choix de la facilité", rappelant au passage les bons résultats des extrêmes dans l’île aux présidentielle et législatives. "On sait qu’il y a beaucoup d’opposants politiques au gouvernement à l’île de La Réunion, (…) je suis là pour écouter les habitants, ceux qui contestent, ceux qui ont des attentes, donc je vais continuer dans ces conditions", affirme-t-elle.
Presse et politique s’indignent
Une heure plus tard, une partie de la presse l’accompagne pour une séquence surprise tout sourire sur le marché de Saint-Joseph, à l’abri des casseroles et des manifestants opposés à la réforme des retraites. La presse locale s’indigne. Nos collègues d’Imaz Press n’y ont pas été conviés et décident de ne plus couvrir la suite de sa visite à La Réunion.
Regardez les images de France Télévisions :
Autre indignation celle du maire de Saint-Joseph, Patrick Lebreton, qui dénonce un passage « en misouk » sur le marché de sa commune. "J’ai été mis devant le fait accompli à la toute dernière minute, alors que je me trouvais à la Région Réunion, à l’autre bout de l’île, dans le cadre de mes fonctions de premier vice-président", indique-t-il dans un communiqué.
"Cette attitude va totalement à l’encontre de l’idée républicaine que je me fais d’une visite ministérielle, a fortiori d’une Première Ministre", ajoute Patrick Lebreton. Il conclut : "décidément ce gouvernement persiste dans son mépris vis à vis des Élus de la République".
Depuis Sainte-Rose, la Première ministre se justifie et assure ne pas être venue "en catimini" à Saint-Joseph, car elle a "rencontré des personnes sur le marché". "Le maire a été appelé par le préfet qui n’a pas eu de chance et est tombé sur le répondeur du maire", regrette-t-elle.
Des mesures pour la rénovation des logements existants
Cette deuxième journée de visite a été marquée par l’annonce de mesures en faveur de la rénovation des logements existants. Après avoir promis, hier, l'aide fiscale généralisée pour la rénovation de logements sociaux, elle annonce des subventions "pour mieux accompagner dans la rénovation, les propriétaires de logements anciens ou dégradés", "en augmentant le taux de subventions de 35 à 50%, et donc la prise en charge par l’Agence Nationale de l’Habitat".
Elle annonce aussi l’ouverture prochaine Outre-mer de la prime Rénov’ pour aider à rénover les copropriétés, et la mise en place de la prime Adapt’ pour la rénovation et l’adaptation des logements anciens pour les personnes âgées.
10 millions d’euros pour les fruits et légumes Outre-mer
Cet après-midi était consacrée à l’agriculture lors de sa visite d’une exploitation polyculture et d’une autre de vanille, à Sainte-Rose. Elle a annoncé une enveloppe de dix millions d’euros pour la filière fruits et légumes Outre-mer, pour aider les acteurs à faire face aux "surcoûts liés à la crise énergétique".
Regardez son interview sur Réunion La 1ère :
Elle a vanté la diversification agricole dans l’île, assurant que La Réunion est sur "la bonne trajectoire pour atteindre la souveraineté alimentaire d’ici 2030". Sur les problèmes phytosanitaires, elle assure qu’il "faut anticiper les interdictions" de certaines molécules, et vante le plan Ecophyto 2030 préparé par l’Etat. Sur les complexités des autorisations sur les territoires Outre-mer, elle annonce la mise en place rapide d’une task force.
Regardez le reportage sur Réunion La 1ère :
Les médias locaux tenus à l’écart sur le terrain
Au coucher du soleil, la Première ministre quitte Sainte-Rose, annule son passage à l’usine Royal Bourbon Industries, et se rend directement à la Maison de Confiance et de Protection des Familles à Saint-Denis. Il doit être question de la lutte contre les violences conjugales, mais cette fois, c’est Réunion La 1ère qui ne pourra pas assister à cette séquence, ni même interviewer les membres des associations présentes. Après coup, notre rédaction apprend que La Réunion aura trois nouvelles brigades de gendarmerie dédiées à la lutte contre les violences conjugales.
Ce deuxième jour de visite est une nouvelle fois très cadré par les services de la Première ministre qui ont donné, à plusieurs reprises, la priorité aux journalistes des médias nationaux et non locaux.
Au sommet du Maïdo samedi matin
A 11 000 kilomètres de Paris, Elisabeth Borne veut montrer qu’elle maintient son cap. Pourtant, comme les autres membres du gouvernement, même à La Réunion, elle aura encore fait face à des opposants à la réforme des retraites.
Demain, elle se rendra au sommet du Maïdo au cœur du parc national de La Réunion. L’occasion de prendre un peu de hauteur...